Extraits

Tout a commencé par une soirée. C'est ce que Donna Underwood se dirait pendant les jours suivants.

Mon père est mort en me sauvant la vie lorsque j’avais sept ans. Si seulement j’avais moins de mal à me souvenir de lui en dehors de mes rêves où, bien sûr, il est grand et beau et me sauve sans cesse du Monstre des Bois. Dans mes cauchemars, je suis toujours en train de courir dans la forêt. Les arbres tordus ploient et se resserrent, en murmurant sous le clair de lune tandis que je chancelle, essayant désespérément de garder l’équilibre. Derrière moi, j’entends des pas très vifs et une cacophonie de ricanements et de cris perçants.

Il avait la bouche pratiquement collée à son lobe d’oreille, la joue effleurant ses cheveux.

Elle s’arracha à son étreinte, haletante, puis resta immobile comme une statue. Avec horreur et fascina-tion, elle regardait Aliette passer la lame sur la gorge nue de Navin dont la chair vulnérable était tendue sur sa pomme d’Adam.

Donna se demanda si la chose pouvait réellement voir. Est-ce ainsi que cela fonctionnait ? Ou bien est-ce qu’elle faisait ce vacarme affreux chaque fois que quelqu’un la dérangeait, quelqu’un de particulièrement débile comme elle, Donna. Le raffut la fit grimacer et elle essaya de ne pas songer au fait qu’elle était à moitié assise sur les genoux de Xan. Ils n’avaient pas de place ; c’est à peine s’ils arrivaient à respirer.

Il se retourna et escalada le mur avec aisance. Encore une fois, Donna vit combien il était agile. Cette aptitude faisait-elle partie de son héritage de fée ? Xan s’accroupit en haut du mur, dans l’obscurité, et pendant un instant, tout ce qu’elle vit, c’était une ombre enveloppée dans le familier manteau noir. Ses yeux verts et brillants, braqués sur elle, clignèrent comme ceux d’un chat.

Et puis, de l’autre côté des méchantes branches, Donna se retrouva au milieu d’une clairière toute petite.

Pas la clairière de ses rêves : non, celle-ci offrait tout juste assez d’espace pour deux personnes sur les feuilles mortes qui jonchaient le sol. Les arbres appuyaient de tous les côtés, une odeur de moisi s’échappant de l’écorce couverte de mousse.

Tenant son sac besace pour éviter qu’il ne cogne contre sa hanche, Donna redescendit la rue en courant, tournant à gauche au coin et se dirigeant vers l’arrêt de bus situé au bout de la rue suivante. Ses tennis noires martelaient le trottoir. Elle essaya de rassembler toute son énergie pour atteindre à temps la rue suivante et voir Navin avant que le lycée ne les sépare pour la journée. Peut-être qu’il avait perdu son téléphone, se dit-elle, avec toute l’inquiétude suscitée par son grand-père ; cela expliquerait pourquoi il n’avait pas répondu à un seul de ses messages.

Xan tourna la poignée en cuivre de la porte vitrée et laissa passer Donna. Elle n’était pas fâchée d’entrer pour se réchauffer, de sentir l’odeur du café et des pâtisseries. Tandis que Xan allait commander, elle se dirigea tout droit vers le canapé à deux places qui était, par miracle, inoccupé. Le reste du café était bondé. La plupart des gens avaient des sacs de courses entassés sous leurs tables. Elle s’enfonça avec bonheur dans le velours marron et moelleux puis retira son manteau.

Donna ne put s’empêcher de sourire, mais en même temps, cela la faisait quelque peu flipper que Navin en ait parlé avec son père. Bien sûr, Dr Sharma était sympa en tant que parent, mais elle ne pouvait laisser Navin prendre des risques. Et pas uniquement pour elle ou pour protéger le secret de l’Ordre, mais pour sa sécurité à lui.

— Navin, tu as fait attention à ce que tu as dit, pas vrai ?

Bon, il savait donc ce qu’était la créature. Alexander Grayson savait ce qu’était un satané elfe des bois. Et cette soirée-là était désormais, c’était officiel, plus bizarre que jamais. Ne sachant quoi dire, Donna se tut et se contenta de le regarder. Elle connaissait à peine Xan mais quelque chose les reliait l’un à l’autre. Elle avait le sentiment horrible qu’elle allait découvrir ce que c’était, et très vite.