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Les heures deviennent des jours, les jours des saisons. Printemps, été, automne, hiver, mes sœurs et moi nous disséminons dans le parc telles des aigrettes de pissenlit dans le vent. La question qui tournait et retournait dans mon esprit, ce signal inquiétant d’un problème avec Nia, se transforme peu à peu en un lointain bourdonnement, si discret que je ne le ressens plus qu’en pleine nuit.
Le reste du temps, il disparaît tout à fait.
Entre les innombrables spectacles et défilés obligatoires qui ponctuent nos journées, nous sommes libres de nous promener où bon nous semble, une demi-heure par-ci, une heure par-là. En général, je passe mes matinées à flâner dans les rues pavées du royaume de la Magie, là où l’air fleure bon les gâteaux sortant du four. Je vais toujours dans mes lieux favoris. La Palmeraie Royale, par exemple, où après avoir observé une mère cajoler son bébé en pleurs, j’ai ressenti pour la première fois la chaleur – non la température relevée par les capteurs sous ma peau, mais une autre sorte de chaleur, une chaleur qui a irradié en moi tel un rayon de soleil. Je me rends au Pavillon des Contes de Fées, devant lequel j’ai vu deux visiteurs renouveler avec émotion leurs vœux de mariage, ce qui a fait monter des papillons de bonheur dans ma poitrine. Ou encore à l’intersection de la sente du Haricot Magique et de la ruelle des Ronces où, quand j’ai sauvé un petit garçon qui se trouvait sur la trajectoire d’un tramway lancé à pleine vitesse, j’ai ressenti pour la première fois une légèreté indescriptible, comme si je m’étais métamorphosée en plume et que la brise m’avait emportée.
Certains jours, j’invente des chansonnettes sur ce que je vois.
— Le puits aux souhaits, j’y suis tombée, et mon vœu a fait demi-tour ! / Le pâtissier, très occupé, qui ne me dit jamais bonjour !
Afficher en entierJe ferme les yeux et c'est alors que je perçois une curieuse sensation.
Quelque chose de mouillé, de chaud...
La pluie a-t-elle repris ?
J'effleure ma joue. Quand je regarde mon doigt, j'aperçois une minuscule gouttelette de cristal qui roule sur ma paume, plus merveilleuse qu'un diamant. Je cligne des paupières, et une autre goutte s'écrase sur ma main. Puis une autre. Et une autre.
Je me mets à trembler. C'est impossible. Les Fantasistes ne peuvent pas pleurer.
Afficher en entierL'ombre s'accroît. Papa s'est trompé : il y a quelque chose d'anormal chez moi. Je le sais. Une voie neuronale défectueuse, une connexion synaptique détraquée. Quelque chose que je ne peux pas contrôler et qui me transforme peu à peu de l'intérieur. Cette simple pensée me donne envie de pleurer - ce qui est étrange en soi, car je n'en suis pas capable. Pleurer ne fait pas partie de ma programmation.
Afficher en entier"L'amour, c'est quand tout n'est que prison, sauf l'endroit où on voudrait être" -Ana-
Afficher en entierNous sommes belles, douces et gentilles. Nous sommes de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel, conçues pour célébrer l'union par delà les frontières et refléter le monde dans lequel nous vivons. Nous aimons chanter, sourire et offrir. Nous n'élevons jamais la voix. Nous avons pour seul but de faire plaisir aux autres. Nous ne disons jamais non, à moins que ce ne soit ce que vous désirez entendre. Votre bonheur est notre bonheur. Vos désirs sont des ordres...
Afficher en entierDans le noir, je vois l'énergie qui émane de lui. De minuscules éclairs de lumière fluo, bleu glacier et rouge feu, qui jaillissent de sa peau comme des rayons gamma dans l'espace qui nous sépare. Un espace qui se réduit à chaque seconde.
Afficher en entierComme Wendy, John et Michael Darling la nuit où Peter Pan leur apprend à voler, j'évoque une pensée agréable.
J'ai un couteau dans la poche.
~
The Kingdom, page 266
Afficher en entier« Ève est la première Fantasiste, le prototype original. Elle a des yeux noisette et des cheveux argentés. Aujourd’hui, elle porte le diadème qu’on lui a offert à l’occasion du bicentenaire du parc, un bijou en cristal serti d’un minuscule oiseau en saphir. Elle me fixe mais je me détourne – je l’évite depuis que les Superviseurs lui ont accordé la primeur dans le choix des tenues, ce matin. Bien sûr, elle a choisi celle que je voulais, une robe en dentelle espagnole exquise, couleur lavande métallisée.
— Reconnaissance éternelle, ajoute-t-elle.
— Reconnaissance éternelle, répondons-nous doucement, quoique je m’exprime sans grand enthousiasme.
Nia me serre fort la main, puis la lâche. Je lève la tête mais ses yeux bleu-vert sont perdus dans le vague et, déjà, elle s’éloigne, faisant virevolter ses cheveux noirs. »
Afficher en entierBien sûr, c’est Nia que j’ai choisie.
Hélas, je remarque qu’elle agit encore de manière… étrange. Elle ne parle pas beaucoup, et elle semble léthargique. Je me demande si elle prend bien tous ses compléments alimentaires.
Peut-être que je n’ai aucune raison d’éprouver de l’inquiétude (si c’est ainsi que s’appelle cette sensation). Peut-être que la sérénité de la savane saura nous redonner un peu d’entrain.
Malheureusement, je comprends vite que la sérénité ne sera pas au rendez-vous.
Afficher en entierDr FOSTER : Est-ce que tu t’es disputée avec Owen le soir de sa disparition ?
ANA : On ne s’est pas disputés. On a eu une discussion.
Dr FOSTER : Plutôt houleuse, cette discussion, si j’en crois les images de la vidéosurveillance.
ANA : Il était fâché.
Dr FOSTER : Pourquoi ?
ANA : À cause d’un incident qui avait eu lieu plus tôt.
Dr FOSTER : C’est vrai… Une visiteuse, c’est ça ? Elle a dit quelque chose à ton sujet ?
ANA : Oui. Elle m’a traitée de choses affreuses.
Dr FOSTER : Comme quoi ?
ANA : [Silence.]
Dr FOSTER : Ana ?
ANA : Elle a dit que j’étais un monstre.
Dr FOSTER : Et pourquoi cela aurait-il dérangé Owen ?
ANA : Comment ça ?
Dr FOSTER : Eh bien… C’est vrai que tu es un monstre, dans un sens. C’est d’ailleurs ce qu’Owen pensait lui aussi, non ?
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