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Ève est la première Fantasiste, le prototype original. Elle a des yeux noisette et des cheveux argentés. Aujourd’hui, elle porte le diadème qu’on lui a offert à l’occasion du bicentenaire du parc, un bijou en cristal serti d’un minuscule oiseau en saphir. Elle me fixe mais je me détourne – je l’évite depuis que les Superviseurs lui ont accordé la primeur dans le choix des tenues, ce matin. Bien sûr, elle a choisi celle que je voulais, une robe en dentelle espagnole exquise, couleur lavande métallisée.
— Reconnaissance éternelle, ajoute-t-elle.
— Reconnaissance éternelle, répondons-nous doucement, quoique je m’exprime sans grand enthousiasme.
Nia me serre fort la main, puis la lâche. Je lève la tête mais ses yeux bleu-vert sont perdus dans le vague et, déjà, elle s’éloigne, faisant virevolter ses cheveux noirs. Dans le soleil, sa robe haute couture satinée d’argent rutile comme des écailles de poisson. Ainsi nommée en l’honneur de la nymphe des mers de la mythologie maorie, Pania (que nous appelons toutes Nia) est ma plus jeune sœur – et ma préférée. Elle passe ses journées à susciter l’émerveillement des foules au royaume des Mers grâce à ses chansons, ses danses et ses plongeons dans les profondeurs émeraude et glacées du Lagon des Sirènes.
Afficher en entierMes paupières s’ouvrent à l’aube, mais ce n’est pas un vrai réveil.
Nous ne dormons pas, mes sœurs et moi. Ou du moins, pas comme le font les humains.
Non, nous nous reposons.
Mère appelle ça les « heures de répit ». Entre minuit et 6 heures du matin, nous sommes étendues dans nos lits, telles des statues, les yeux fermés mais l’esprit alerte, afin de purger nos fichiers système, d’installer des mises à jour et de traiter les événements de la journée. Ces longues périodes de calme peuvent s’avérer difficiles à gérer pour mes jeunes sœurs, qui exécutent ces tâches avec plus de rapidité que nous autres (Zara et Zel demandent régulièrement à en être dispensées, en vain). Mais, pour moi, cette immobilité et ce silence font des heures de répit le meilleur moment de ma journée. Elles n’appartiennent qu’à moi, et je suis ainsi libre de lire les œuvres de Shakespeare, d’Austen et de Tolstoï, d’admirer les tableaux de Frida Kahlo et de Mary Cassatt, de jouer les symphonies de Mozart et de Bach, ou encore de me pencher sur les derniers ajouts à mon cours de cantonais. Nuit après nuit, je m’aventure aussi loin que me l’autorisent les pare-feu et j’explore virtuellement – et en toute sécurité – le monde au-delà de notre enceinte. Cinéma, musique, beaux-arts, science, littérature, mathématiques, astronomie. De cette façon, j’ai visité d’antiques tombeaux égyptiens, j’ai suivi des chars dans les rues de Pompéi, j’ai gravi les 1 665 marches qui mènent au sommet de la tour Eiffel. Une fois, j’ai fait le voyage de la Terre à la Lune dans une fusée spatiale.
Afficher en entierIl est si près de moi que je ne sens plus que son parfum unique — le sel, les agrumes, et comme une odeur de fumée lointaine. La fumée d’une fusée de détresse.
Afficher en entierLa laideur est contraire au règlement.
Afficher en entierNous sommes assis au sommet du Géant de Métal, mais l'attraction est éteinte pour la nuit. Sous nos pieds, le parc est parfaitement silencieux. Tout un monde dédié au bonheur éternel.
Un monde qui nous appartient.
Afficher en entierLes fins heureuses n’arrivent que dans les romans. Et les romans sont des mensonges.
Afficher en entierParle-moi de tout ce que tu veux, de tout ce qui te fait plaisir, et grâce à moi tes rêves deviendront réalité !
Afficher en entierLes anomalies sont dangereuses. La magie vient de la routine.
Afficher en entierAvant de pouvoir contempler un arc-en-ciel, il faut d'abord endurer la pluie.
Afficher en entierVotre bonheur est notre bonheur. Vos désirs sont des ordres.
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