Extraits

Les garçons embrassèrent leur père. Trenton était dans la cuisine et revint avec un verre d’eau, qu’il tendit à Jim.

— Merci, fils, dit ce dernier en buvant une gorgée avant de se diriger vers sa chambre.

— Fayot, murmura Taylor.

— Je connais ses habitudes, c’est tout. Depuis que… je suis ici pour m’occuper de lui.

Les autres émirent un grognement.

Shepley n’était pas assis depuis deux secondes que ses cousins l’assaillaient de questions.

— Pas encore de bague au doigt de Mare ? Tu l’aimes plus ? demanda Taylor.

— La ferme, connard. Elle est où, ta cavalière ? répliqua Shepley sans se démonter.

— Là, dit Taylor en passant un bras autour de ma taille.

Il m’embrassa sur la joue, et Tyler le mit à terre.

Jim secoua la tête, accablé.

— America ne peut organiser qu’un mariage à la fois, objecta Deana en faisant un clin d’œil à Abby.

Travis finit par s’extraire de la mêlée, et sépara ses frères.

Abby secoua la tête, pas impressionnée pour un sou. Camille ne s’était même pas levée, et regardait l’ensemble de loin, sans la moindre trace d’inquiétude.

Les garçons rentrèrent, essoufflés et rieurs, avec des traces rouges sur le visage et sur les bras. D’un revers de main, Trent essuya le filet de sang qui coulait de sa lèvre inférieure. Travis pointa un doigt sur lui et éclata de rire.

— T’avais qu’à pas m’attraper par les couilles, lança Tyler.

Camille se leva pour aller chercher un pack de glace dans le congélateur, qu’elle couvrit d’un torchon et tendit à Trent.

— Seigneur Dieu, soupira Jim en retournant s’asseoir.

Travis semblait indemne, mais Tyler boitilla jusqu’au canapé.

— Hé ben… murmurai-je.

Abby me donna une tape compatissante sur la cuisse.

— Autant t’y faire tout de suite. Ça arrive tout le temps.

Nous descendîmes, main dans la main. Abby nous fixa jusqu’à ce que Tyler me lâche pour aller rejoindre ses frères dans le salon.

— Seulement amis, vraiment ? demanda-t-elle.

— Tu vas toujours droit au but, hein ?

Elle haussa les épaules.

— Tourner autour du pot, c’est pas mon genre. Ces garçons n’ont pas eu une vie facile. Et pour une raison que j’ignore, ils vont aussi systématiquement chercher le bâton pour se faire battre.

Je me hissai sur le plan de travail, attrapai une pomme dans le compotier, la frottai sur mon jean et croquai dedans.

— C’est vrai que tu es bien placée pour le savoir, dis-je entre deux bouchées. Qui t’a interrogée, pour Travis ?

Abby haussa un sourcil.

— Touché.

— Hé, les filles, tout doux, intervint Camille. On est toutes du même côté, sur ce coup-là.

Abby ricana.

— Tu penses vraiment ?

— Tyler est un ami, lâchai-je.

Camille et Abby échangèrent un regard entendu, puis Abby s’appuya au plan de travail, à côté de moi.

— C’est ce qu’on a toutes dit. Donc… est-ce que tu apporteras ton appareil, à mon mariage ?

Je les regardai tour à tour. Elles me fixaient, attendant ma réponse. Alors, lentement, je fis oui de la tête.

— Ce serait un honneur.

— America va nous chier une pendule, dit Camille.

— Qui est America ?

Abby semblait trouver cela drôle.

— Ma meilleure amie. C’est elle qui organise tout. Elle n’aime pas quand je m’en mêle.

— De ton mariage ?

— Travis et moi on a fait ça tous les deux à Vegas, alors je lui devais bien ça, d’une certaine manière. De toute façon, je n’ai pas envie de m’en occuper, moi. Mais si on a une photographe dans la famille, maintenant…

— Ils sont juste amis, plaisanta Camille.

— Ah oui. Mince, j’avais oublié, dit Abby avec un clin d’œil.

— Bébé ! l’appela Travis.

Elle s’excusa et rejoignit les garçons, dans la pièce d’à côté. Ils jouaient aux cartes, et elle se pencha par-dessus son épaule pour regarder son jeu et lui souffler quelque chose à l’oreille.

— Putain, ça suffit les tricheurs, là ! râla Trent.

— Nom d’une pipe, je ne veux pas de ce vocabulaire ici ! s’emporta Jim.

— Mais ils trichent ! protesta Trent en montrant Travis et Abby.

— On a arrêté de jouer avec ta femme, Trav, dit Tyler. Si tu continues, on ne jouera plus avec toi non plus.

— Allez tous vous faire foutre. Vous êtes jaloux, voilà tout, répondit Travis en embrassant Abby sur la joue.

Tyler regarda dans ma direction une demi-seconde, avant de se concentrer sur son jeu.

Mon cœur se serra. Travis et Abby, leur bonheur à gerber et leurs démonstrations d’affection, voilà ce qu’il imaginait pour nous. C’était pour cela qu’il refusait de me croire, et même de m’écouter. Il savait que Travis et Abby avaient surmonté des épreuves, et se disait que ce serait pareil pour nous.

Les quatre frères sortirent sur le perron avec Camille au moment où Marco démarrait et s’éloignait. Tyler me rejoignit, passant son bras autour de mes épaules.

— Ça va aller ?

Je hochai la tête.

— C’était Finley ?

— Oui. Tout va bien. Je n’avais pas appelé. Ils s’inquiétaient pour moi.

Il m’embrassa sur la tempe.

— Allez, viens, on rentre. Tu es gelée.

Tyler s’effaça pour me laisser rentrer. Abby était derrière nous, et Travis se précipita pour la serrer dans ses bras et lui frictionner le dos. Puis il prit ses mains et souffla dessus. Ils se mangèrent du regard, comme s’ils partageaient un secret. Leur indécence n’était plus si terrible, tout à coup.

Une intense euphorie s'empara de moi, rampa sous ma peau sans oublier un seul recoin de mon corps. On aurait dit qu'il avait été modelé pour moi. Il me comblait parfaitement. Et sa peau contre la mienne générait le rush le plus puissant qui soit. Aucun médicament, aucun séjour en montagne ne pouvait provoquer un trip pareil. Tyler Maddox était l'extase absolue.

— Puisque mon père est médium, il pourra peut-être me dire quand tu te décideras à choisir une date pour le mariage, répondit Tyler, en ne plaisantant qu’à moitié.

— Maman, tes rêves ne sont pas les miens, et il est peut-être temps que tu l’acceptes. J’ai commis beaucoup d’erreurs, je t’ai brisé le cœur, et j’en suis sincèrement désolée. Il me reste beaucoup à accomplir, et beaucoup de choses à rattraper, mais je ne m’excuserai pas de vouloir garder le travail qui me plaît et d’être fiancée à l’homme qui est tout pour moi. Il est possible que l’on doive parfois se salir les mains pour boucler les fins de mois, même si cela vous semble indécent… mais j’adore être indécente avec lui.

Un petit sourire se dessina sur les lèvres de Tyler.

— On était tous les deux barrés le soir où on s’est rencontrés, mais plus j’ai passé de temps avec toi, plus je me suis senti normal.

J’eus un petit rire.

— Moi aussi.

Très pâle, il se pencha pour ouvrir la boîte à gants, et en sortir une petite boîte rouge carmin.

— Ouvre.

J’obéis, retenant mon souffle. Et cherchai des mots qui ne vinrent pas.

— Tu sais ce que c’est, quand on est en montagne. Même quand on creuse des tranchées, on a beaucoup de temps pour réfléchir. Quand Jojo m’a annoncé ton retour… Je suis allé chez le premier bijoutier. Je ne peux pas imaginer autre chose que vivre avec toi, et rentrer auprès de toi le soir, et… Ellie, veux-tu…

— C’est beaucoup, pour mon premier jour…

Il hocha la tête plusieurs fois, puis me prit l’écrin des mains et regarda devant lui.

— Putain, lâcha-t-il en tapant sur le volant du plat de la main. Je ne voulais pas dire ça ! Je me le suis répété des centaines de fois, en venant. Il ne fallait pas te le dire. Tu n’as pas besoin de ça.

Mon cœur se serra.

— Je t’ai fait vivre un enfer, dis-je en m’enfonçant dans le remords au point de me demander si j’allais réussir à en sortir.

Il me regarda.

— Si tu es le feu, Ellie… je m’enflammerai.

Je retirai la veste militaire, voulus la rendre à Tyler, mais il refusa.

— Garde-la. Et ramène-la-moi quand tu reviendras. Je posai une main sur son visage et me hissai sur la pointe des pieds pour l’embrasser.

Il referma ses bras autour de moi, et serra fort, fort, comme si c’était la dernière fois.

— Reviens, souffla-t-il contre mes lèvres, les yeux fermés.

— Et si je reviens changée ? Si ça prend du temps ?

Il secoua la tête.

— J’ai aimé toutes les versions de toi que j’ai connues. J’aimerai celle qui reviendra.

En larmes, je hochai la tête et lui fis au revoir de la main.