Extraits

— Écoute, je suis tellement désolé, lâcha-t-il. Je ne voulais pas… Tout ce que j’ai dit, je ne le pensais pas.

— Je sais.

— Non, dit-il en me prenant les bras. Non, tu ne sais pas. Tu ne sais pas à quel point je t’aime. Avant mon anniversaire, tout était super. Je voudrais juste que ça reprenne comme avant.

Je vacillai en arrière, il me prit contre lui.

— Tu as beaucoup bu ?

— Oui, dis-je d’une voix tremblante. J’ai vu Sterling.

L’expression de Tyler passa de l’inquiétude à la colère.

— Où ? Il t’a dit quelque chose ? Tu es venue ici avec lui ?

Je secouai la tête.

— J’ai marché.

— Putain, Ellie, mais il fait un froid de gueux.

— Je ne veux pas devenir comme lui.

— Comme qui ? Sterling ? Mais non. Tu ne lui ressembles pas. Vous n’avez rien en commun.

— Je suis exactement comme lui. Je suis une salope alcoolique qui se fout des autres. Je ne peux pas t’aimer. Je ne m’aime pas moi-même.

Ce fut comme si Tyler n’arrivait plus à respirer. Puis il haussa les épaules.

— Qu’est-ce que je suis censé répondre à ça, moi ? Tu n’arrêtes pas de me mettre à terre, et je n’arrête pas de me relever en me disant qu’un jour, tu arrêteras de frapper. Je t’aime. Et je sais que tu m’aimes, mais… je ne suis pas un punching-ball. Et je ne sais pas combien de temps je vais encore arriver à encaisser.

— Ce n’est pas à toi de me sauver. Je dois y arriver par moi-même. Ailleurs.

Il blêmit.

— De quoi tu parles ?

— Purée, soupira-t-il. Je croyais que t’étais pas en colère.

Je le fusillai du regard tandis qu’il avalait une gorgée avec un sourire en coin.

— Je ne vois pas ce qu’il y a de drôle ! râlai-je.

Il eut un petit rire incrédule.

— Jamais je ne te ferais une chose pareille. Heureusement que ta sœur ne fait pas la différence entre Taylor et moi. Pas contre, tu n’as pas l’air de la faire non plus, et ça, ça m’inquiète un peu.

— Je ne pensais pas que ce serait aussi flippant, souffla-t-il.

— Je te l’avais dit.

Ses yeux se rouvrirent brusquement, il me regarda. Malgré les cernes et la barbe de trois jours, il était d’une beauté incroyable.

— Et j’ai répondu que ça en vaudrait la peine.

Il serra ma main dans la sienne avant d’ajouter :

— Et c’est le cas. Je souris.

— Ce n’est pas parce que je ne le dis pas que je ne le pense pas.

— Que tu m’aimes ? Pourquoi c’est si dur à dire ?

Je haussai les épaules.

— Dans ta famille, on le dit tout le temps. Pas dans la mienne. Le dire n’a rien de naturel. Mais c’est vrai. Je t’aime.

— Je m’étais dit que je n’insisterais pas, et j’ai insisté. Je sais que tu ne vas pas bien. Mais moi non plus, je ne suis pas très clean . Comment on fait ? Je n’en ai pas la moindre idée. Et toi, putain… toi, tu fais tout ce que tu peux pour compliquer les choses. Mais désolé, je ne vais nulle part. Je ne peux pas. Je ne veux personne d’autre.

— Je sais que je suis une conne. Tu ne mérites pas ça. Mais j’ai essayé de te prévenir.

Il se retourna, les mains en avant.

— Me prévenir de quoi ? hurla-t-il. Du pied que c’est d’être avec toi ? De l’admiration qu’on éprouve en te voyant renoncer à tout ce que tu connaissais pour bosser comme une malade dans l’espoir que ta sœur s’en apercevra depuis l’autre côté de la planète ? Du fait que t’allais me faire rire comme personne ?

Du bout de ma manche, j’essuyai une larme.

— Tu pourrais avoir tout ça avec n’importe quelle fille normale.

— Je ne veux pas de fille normale, Ellie. Je te veux, toi. J’eus un petit rire, mais mon sourire s’effaça rapidement.

— Je t’ai dit qu’à cause de moi tu te sentirais mal. Que tu étais trop gentil pour fréquenter quelqu’un comme moi.

— Quelqu’un comme toi ? Tu aurais dû me prévenir que j’allais sourire chaque fois que je penserais à toi, c’est-à-dire tout le temps ! Tu aurais dû me prévenir de ça aussi. Tu aurais dû me dire que tu es belle le matin, le soir, en sortant de la douche ou avec dix jours de crasse sur la figure.

— Ce n’est pas drôle.

— Non ! Ça ne l’est pas ! Putain, Ellie, je suis là, devant toi, et je te dis que je veux être avec toi, et je sais que tu veux la même chose. Je le sais ! Tes arguments ne valent absolument rien.

— Pour toi, peut-être.

— Et moi qui te croyais maso. Non, en fait, tu es sadique !

— Je t’avais prévenu ! hurlai-je en pleurant.

— Tu ne m’avais pas prévenu que je tomberais amoureux de toi, bordel de merde !

— Pourquoi tu me regardes comme ça ? demanda-t-il.

Je ne pouvais que secouer la tête.

— Ce n’est pas réciproque… dit-il, anéanti.

Il lâcha sa fourchette, se laissa tomber contre le dossier de sa chaise.

— Je ne sais pas, répondis-je, les yeux brillants. Comment tu le sais, toi ?

— Je le sais parce que je suis mort de trouille à l’idée de te perdre, et de ne plus jamais éprouver ça pour quelqu’un.

— Je suis tombé amoureux de toi. Je le sentais venir depuis un moment. J’ai essayé de m’en empêcher.

— Tu es amoureux de moi.

— Je t’aime, oui.

On aurait dit une confession plutôt qu’une déclaration. Nous nous étions mis d’accord sur ce que devait être notre relation, et il le savait.

Donc il savait qu’il était en train de tout foutre en l’air.

— Tyler…

— Putain, Ellie… dit Tyler. Tu as raison. Je suis fou de jalousie. Tu m’envoies des signaux plutôt contradictoires, et puis un type te voit à poil, et il se met à poser des questions sur toi… J’ai des millions de sentiments différents qui tournent dans ma tête. Je ne sais plus ce que je fais. C’est la première fois qu’un truc pareil m’arrive. Je relevai la main, passai la carte devant le lecteur. La porte de ma chambre se déverrouilla, j’actionnai la poignée et me tournai vers Tyler.

— Mûris un peu, lâchai-je avant d’entrer et de claquer la porte derrière moi.

Tyler m’apportait trop de plaisir… trop de sécurité. Je voyais dans son regard qu’il était prêt à m’essayer même si je devais l’empoisonner. Nous nous demandions déjà dans quelles souffrances tout cela finirait.

— Et si ça tourne mal ? demandai-je. Si tu finis par me détester ?

— Impossible.

— C’est ce qui est arrivé avec Sterling.

— Je ne vais pas te faire avaler de drogue et puis coucher avec toi.

— Alors… on est amis ?