Extraits

Chapitre 1

Brian

Mon pote est assis à la table, son téléphone devant lui. Il sonne, mais Mat semble dans une espèce de transe donc il le fixe sans pouvoir en détacher son regard. Je prends place face à lui et le fixe, l’air étonné. Rarement, j’ai vu Mat dans cet état, je crois que la seule et unique fois est lorsqu’il a découvert le cadavre de son père. De le voir ainsi m’inquiète. Après le décès de Trevor, Mat n’en menait pas large, il se sentait coupable de la mort de son ivrogne de père alors qu’il n’en était pas responsable. Je n’ai pas envie de ramasser mon meilleur pote à la petite cuillère encore une fois.

J’étais avec lui à ce moment-là et il ne pouvait plus bouger. Les bras ballants, il ne pouvait détacher les yeux du corps légèrement bleui gisant sur le sol du salon. Une odeur de mort, de vomis, d’excréments avait envahi la pièce depuis plusieurs jours. Avec Mat, nous créchions à Santa Barbara depuis deux semaines. L’un comme l’autre, nous avions besoin d’espace, d’un moment loin de nos familles, de nos vies et, comme d’habitude, cette ville, ainsi que mamie, nous a accueillis à bras ouverts.

— Putain ! Mon vieux, qu’est-ce qui t’arrive ?

Son téléphone cesse de sonner, et ma voix claque dans la pièce, Mat ne bouge pas. Je réitère ma tentative d’obtenir des explications sur le pourquoi de son état en claquant des doigts à quelques centimètres de son visage.

— Ah ! Brian ! Je ne t’avais pas vu.

Il est sérieux, là ? Il ne m’a pas vu ?

— Qu’est-ce que tu as à tirer une telle tronche ?

— Tu y crois, toi, que la semaine dernière tout allait bien et que, là, Harper ne sait plus si elle veut se marier avec moi ? demande-t-il d’une voix à peine audible.

Je hausse un sourcil dubitatif. Ma sœur ne veut plus avoir ce grand dadais comme mari ? Impossible ! Elle l’a dans la peau, elle aime Mat d’un amour intense et profond. C’en est même impossible à croire pour un type comme moi qui n’adhère pas tellement à ce genre de merde.

— Mais pourquoi ?

— Parce que je suis plus souvent au boulot qu’ici. Parce que je ne suis pas autant disponible que je voudrais pour passer du temps avec elle ou même avec ma sœur. Parce que, selon Harper, depuis qu’elle m’a dit oui, je la délaisse.

Mat ancre son regard dans le mien et il m’est facile d’y lire la peur qui y est présente. Il est carrément terrifié à l’idée de perdre sa chérie.

— Je ne crois pas que ça ira jusque-là. Ne t’inquiète pas, c’est sans doute le stress de devoir passer sa vie avec un singe idiot comme toi.

Bien que je me donne à peine 2/10 pour la blague, je ne m’attendais pas à ce qu’il pouffe ou éclate de rire, mais qu’il esquisse un bref sourire. Il se contente plutôt de hocher la tête et de soupirer longuement.

— Qu’est-ce que tu as, mec ?

— Je ne sais pas ! Je ne sais pas, Brian. J’aime ta frangine et ferai ce que je peux pour ne pas la perdre.

— Lui as-tu dit ?

Son regard désespéré se teinte d’un voile de noirceur. Connaissant Mat, c’est le signe précurseur qu’il va exploser et que ce ne sera pas joli. Cependant, je ne comprends pas ce que j’ai bien pu dire de mal pour qu’il se retrouve dans cet état. Il faut que je trouve un truc à dire avant que ça se retourne contre moi, après tout, je suis le seul présent dans la pièce et celui qui a parlé.

— Mon vieux, la situation n’est pas évidente pour vous deux. Nous sommes quatre dans cette baraque, ce qui veut dire que l’intimité est réduite à presque néant. Pourquoi n’allez-vous pas quelques jours à Santa Barbara ?

Mat me regarde longtemps avant de lever les yeux au ciel comme si ce que je venais de dire était stupide.

— Putain ! Que se passe-t-il, Mat ? Je tente de conseiller alors que je ne suis pas un as dans les relations de cœur, je te demande donc de faire un petit effort, m’emporté-je.

— Qu’est-ce que tu crois ? Je lui ai proposé, mais elle a rejeté mon idée. Elle n’a pas le temps pour prendre quelques jours de congé avec le boulot, le mariage et tout le reste.

— Mais il y en a encore un, donc ? demandé-je sans trop comprendre.

— Je croyais que oui, mais l’instant suivant, j’ai eu un appel de mon assistant qui me demandait de le rejoindre le plus tôt possible au studio d’enregistrement. C’est à ce moment-là qu’elle s’est changée en dragon cracheur de feu et qu’elle m’a dit que tant qu’à organiser un mariage avec quelqu’un qui s’implique aussi peu, elle préférait annuler.

— Attends ! Attends ! Tu n’as pas oublié un bout de l’histoire, par hasard ?

— Je te jure que non. Je ne comprends pas non plus ce qu’elle veut. Qu’est-ce que je fais, Brian ?

Bon sang de merde ! Il me demande vraiment mon avis ? Il est malade ou quoi ? Peut-être que cette histoire le touche vraiment et qu’il ne sait absolument pas quoi faire. Il doit être totalement désespéré pour me demander conseil. Je réfléchis, mais je ne comprends pas ce que Harper attend de Mat et si même lui ne le sait pas, on est mal barrés.

Source : kobo.com