Together, Tome 4 : Comeback

Chapitre 1

Brian

Il y a trente mois, j’ai pris la décision de m’envoler vers Dubaï. Je venais de commettre un acte ignoble faisant voler en éclats cette vie qui me plaisait tant. Ne dit-on pas que l’on se rend compte de l’importance d’une chose ou de quelqu’un lorsqu’on le perd ? J’en ai fait la cruelle expérience et laissez-moi vous dire que l’on n’en sort jamais indemne. On dit aussi que ce qui ne nous tue pas nous rend plus forts, mais ça, c’est une belle arnaque, un putain de gros mensonge. Deux ans et demi, et j’ai toujours aussi mal de l’avoir perdue. Je pense à elle sans arrêt. Parfois, elle est si présente dans ma tête que j’ai l’impression de devenir complètement cinglé. La douleur est intense, peut-être même trop. Cependant, à d’autres moments, alors que je crois être enfin tranquille et que j’avance tranquillement dans ma vie, de petites choses s’imposent à moi pour me rappeler combien j’ai merdé. Une chanson, par exemple… Ouais, cette putain de chanson, si l’on peut vraiment l’appeler comme ça, de Justin Bieber qu’elle fredonnait sans arrêt et qui me rendait fou. Il y a aussi les bouteilles d’eau en plastique qui me la rappelle. Elle en laissait traîner un peu partout. Ou encore un simple crayon. Lorsque nous étions à l’université, elle volait toujours les miens et en mordillait le bout et seulement lorsqu’il était inutilisable et couvert de bave, elle me le rendait, le sourire aux lèvres. J’imagine encore son sourire quand il faisait ça. Toujours ressasser les mêmes souvenirs me rendait dingue alors pour éviter de m’enfoncer dans une dépression, je me suis lancé corps et âme dans mon boulot. De ce fait, j’ai même accepté une prolongation de six mois de mon contrat.

Mais maintenant, je rentre à la maison et tout ce que j’ai refoulé depuis tous ces longs mois remonte à la surface. En ce moment précis, je me demande ce qui m’a pris de rentrer. J’aurais pu accepter une nouvelle prolongation de contrat, mais Los Angeles me manquait trop, et encore plus ma famille. Mais alors qu’un avion me ramène chez moi, mon souhait le plus cher est aussi le plus dingue que je n’ai jamais eu. J’espère de tout mon cœur que le retour se déroule comme la dernière fois que je suis revenu de Dubaï après mon stage. Dans mes rêves les plus fous, mes fantasmes les plus déments, Abby m’attendrait à l’aéroport, un magnifique sourire illuminant son visage. Bien entendu et comme toujours, je me moquerais de ses ballerines, elle rirait et me charrierait sur mes Converses. Je l’embrasserais ensuite jusqu’à rendre toute l’assistance jalouse. Je lui dirais même des trucs salaces. Elle rigolerait encore, comme chaque fois que je racontais une blague. Nous agirions comme si rien ne s’était passé, comme si ces longs mois n’avaient pas existé. Je sais que c’est idiot de vivre dans des chimères, mais, en ce moment, c’est la seule chose qui m’empêche de ne pas m’écrouler. Elle voyait le meilleur de moi, encore maintenant, je n’arrive pas à comprendre comment elle y parvenait. Avec elle, j’ai toujours eu l’impression d’être drôle alors que je suis plutôt d’un naturel agaçant et parfois même égocentrique. Je n’ai jamais apprécié les gens qui éclatent de rire, mais j’aime l’entendre, elle, exploser de joie. Ça provoque en moi tout un tas d’émotions, mais, plus encore, ça me fait me sentir vivant. Mais malgré tous les scénarios idylliques que j’ai imaginés, rien ne se passe comme prévu. En fait, rien n’est jamais comme je le conçois. Je pourrais même dire que mon retour est atroce et digne des pires films d’horreur. Après presque vingt heures d’avion coincé entre deux types légèrement obèses, mon corps est tout courbaturé, et mon cerveau carrément en compote. Enfin, ça, j’en ai l’habitude, je n’ai pas souvent les idées claires de toute manière. C’est comme ça depuis ma séparation avec Abby.

Malgré cela, je devrais être fier de moi. J’ai accompli et mené à bien de grands projets dans mon travail. Le reste de ma vie est au point mort, un immense trou béant.

L’avion amorce sa lente descente. Une boule de tension s’installe dans le creux de mon estomac. Je pourrais dire qu’elle ne m’a pas quitté depuis mon départ, mais, là, elle se fait de plus en plus oppressante et compresse mon cœur. Je comprends mieux ce qu’Abby a vécu à son arrivée à Los Angeles : l’incertitude, la peur, l’appréhension qui te gagnent au fur et à mesure que l’appareil s’approche du sol. Que sera ma vie maintenant que je suis de retour dans la cité des anges ? Sera-t-elle la même qu’à Dubaï ? Travail et douleur ? Larmes et culpabilité ? Ressentiment et incertitude ?

J’ai eu tout le loisir de penser à notre relation et si quelqu’un m’avait traité aussi mal que je l’ai fait avec elle lorsqu’elle a débarqué, je lui aurais balancé mon poing en pleine figure ! Heureusement pour moi, Abby ne fait pas ce genre de chose. Elle peut être la personne la plus douce au monde, mais, putain, parfois, elle est vraiment casse-couilles. N’empêche que frapper quelqu’un, elle en est incapable. Eh merde, elle me manque. C’est de pis en pis, car elle est là, quelque part dans la même putain de ville que moi, et probablement encore dans notre maison. J’ai toujours du mal à croire que je l’ai perdue.

Source : kobo.com