Extraits

Nous atteignîmes mon casier et je fronçai les sourcils. Allais-je enfin parvenir à en ouvrir la porte sans me faire mal ? Summer s’adossa au mur juste à côté et, à son sourire, je compris qu’elle aussi voulait assister au moment mémorable où je réussirais à maîtriser ce bout de ferraille.

Je tirai sur le loquet qui, comme je m’en doutais, refusa de coopérer. Je soupirai lourdement et posai ma tête contre le métal. Je me sentais impuissante. Je pivotai et m’appuyai contre mon casier. Du regard, je cherchai Jérémiah.

C’était un énorme mensonge. Depuis notre soirée ensemble, une liste interminable de questions me taraudait. Mais je voulais ses réponses à lui, pas une compilation des rumeurs et on-dit de la ville. Je savais que Jérémiah pouvait faire preuve de sincérité et j’étais plus avide de cet aspect de sa personnalité que de tout le reste.

— Très artiste, ironisa Summer. Tout comme ton pull.

— Qu’est-ce qu’il a, mon pull ?

— Il crie sa souffrance. Et tes cheveux ont besoin… de ressembler à quelque chose.

Elle se pencha vers moi et j’eus un hoquet de stupéfaction en la voyant renifler mes cheveux. Elle grimaça, avant de claquer la langue de désapprobation. J’accélérai le pas, slalomant entre les autres lycéens dans cet interminable corridor.

— Charlotte ? Charlotte ?

La voix de Summer me fit relever le nez de mon livre. Je me retournai et sentis son bras s’enrouler autour du mien. Je me tendis presque aussitôt. Je n’avais jamais été une grande adepte des amitiés féminines qui oscillaient entre soirées-pyjamas-confidences et sorties shopping.

J’éclate de rire. Mon frère ne connaît pas le contenu de la liste. S’il savait que j’ai réussi à traîner Charlotte dans des montagnes russes cette nuit, il changerait d’avis sur la douce jeune femme qu’il croit connaître.

Mon frère hausse les sourcils. Il est surpris mais ne commente pas, de peur que je change d’avis. La gestion de la Fondation est un sujet difficile entre nous. Après l’accident, il a décidé d’en faire une priorité. Après l’accident, je ne voulais surtout pas remettre les pieds ici.

Théo relève la tête et m’observe. La lumière des spots de la cuisine n’éclaire qu’une partie de son visage, la partie où sa cicatrice déforme sa joue. Il refuse de se faire opérer pour s’en débarrasser. Pendant longtemps, j’ai cru que c’était sa manière de me rappeler mes erreurs et de me faire culpabiliser. Désormais, je sais que cette cicatrice lui rappelle chaque jour qu’il est en vie.

Théo a toujours été un horrible lève-tôt. Aussi, je ne suis pas surpris lorsque je le trouve assis au bar, à lire le journal tout en buvant son café.

Il lève les yeux vers moi et secoue la tête. Mon sourire s’élargit. Théo pense que je suis incapable de reconquérir Charlotte. Il est persuadé qu’elle n’est qu’un défi pour moi, alors qu’elle est tellement plus que ça.