Extraits

Ensuite, je suis passé à la boutique de mon opérateur pour couper la ligne. Là, ce fut du grand délire ! Pire que chez les flics, pire qu’à la banque. Résilier une ligne de portable est tout simplement hallucinant. Personne sait rien sur rien, il faut appeler des hotlines, mais quand on a plus de portable, comment on fait ? Je leur ai pas dit que j’avais un super téléphone avec un nouveau numéro tout neuf chez un autre opérateur dans la poche. Le pauvre gars au guichet captait rien, c’est pourtant pas bien compliqué, logique avec un peu de bon sens. Bref, je me suis énervé pendant plus d’une heure pour qu’il clique enfin sur la touche « résiliation d’abonnement et de ligne ».

Je me demande si divorcer n’est pas plus facile que quitter un opérateur téléphonique.

— Alors oui, j’ai l’habitude de sortir dans les bars pour boire un coup, comme tu dis, j’ai des amis qui ont érigé cette discipline dans la catégorie olympique, je ne suis pas sûr que tu doives les connaître et les suivre un jour dans leurs virées… Et non, je n’ai pas l’habitude d’inviter des « mecs » à sortir avec moi.

— Oh…

— Oui, oh, gros malin ! Tu es le premier depuis longtemps. Dois-je aussi préciser que je suis aussi mal à l’aise que toi, car je ne sais plus comment faire ?

— Oh ? 

— Oui, oh ! Pourquoi cela te semble-t-il si difficile à croire ?

Yoan atteint le stade du cramoisi, vida le fond de son coca, répondit quand même, les yeux rivés dans ceux de Nicolas :

— Regarde-toi ! Toi… Tu… avec ton… pfff… T’es beau, blindé et cool, quoi ! Tu dois avoir un tas de mecs et de meufs à tes pieds !

Sam ne se formalisait pas qu’André déclinât son offre et retourna aux préparatifs pour la nuit. Ils savaient tous les trois qu’André ne respectait jamais un horaire de rendez-vous, il appelait ça « se faire désirer », mais ses amis n’étaient plus dupes de son petit jeu. Le vieux beau sortit du Mercury en croisant Mounir qui lui entrait afin de prendre son service. Il était déjà vingt-deux heures, se rendit compte Nicolas. Son verre était vide, il était temps pour lui de rentrer. Il n’avait pas envie de rester au comptoir jusqu’à deux heures du matin, bien qu’il appréciât la compagnie des deux patronnes. Il déposa un billet sur le zinc, se leva, remit son blouson et saisit son parapluie.

— Je me rentre, annonça-t-il à Valérie. Bonne soirée les filles.

Sam leva la main en signe d’au revoir, Val lui colla une autre bise sonore sur la joue.

— N’attends pas trois mois pour repasser, mon beau.

— Promis. Es-tu si désespérée que cela ?

Val rit en lui claquant le bras et le traitant d’idiot. Lorsqu’il passait la porte tenue par Mounir fidèle à son poste de garde, Nicolas se retourna une dernière fois pour saluer de la main la patronne, il reçut un choc en se rendant compte que le jeune garçon le suivait du regard, ou tout du moins sa tête était dirigée dans sa direction avant de se retourner brusquement, comme s’il avait été pris en flagrant délit.

Tu te fais des idées, Nico se dit-il.

Oui, il avait sûrement rêvé, ce petit mec ne le matait pas à la dérobée.