Extraits

J'avais très certainement les nerfs à vif ce soir-là. Oui, je m'en souviens. J'ai pleuré toute la nuit, et ma mère m'a consolé. Elle m'a dit qu'un jour, moi aussi je trouverai la perle rare. Et elle avait raison. Le problème, c'est que je n'arriverai jamais à la garder, parce que je me rends compte que je me fiche pas mal de la perle rare. Moi, je veux juste une perle qui me convient.

« New-York, j’adore ce mode de vie. Se réveiller, s’endormir avec les bruits urbains et sortir sans se poser la question sur ce qu’il y a à bouffer. En fait, il y a tout, ici. Et le pire, c’est qu’il y a même tout ce dont je ne veux pas. Il faut que j’arrête d’y penser. Pas que ça m’empêche de bander, bien au contraire, mais ma mère disait toujours qu’il fallait laisser le passé là où il était. Mais, maman, comment fait-on lorsque le passé revient à nous ? On l’envoie valser, on le dégage à coup de pied ? ... »

— En 1975, le groupe I Santo California enregistre Tornero , leur plus grand tube.

Je me retourne vivement vers l’homme à mes côtés. Il a une voix cassée, un mélange à la Serge Gainsbourg et douceur insolente. Oui, douce, mais légèrement détruite par la clope.

— En juin 2008, je l’entends pour la dernière fois dans une Range Rover noire, garée sur le parking du lycée public de Chicago. L’habitacle pue le sexe et le cannabis.

Mon cœur s’accélère violemment. Je fais une crise de tachycardie, je crois. Lorsque l’homme se retourne totalement vers moi, gardant sa posture, mains dans les poches de sa large veste en jeans, ma respiration se bloque. Je ne respire plus, mon cœur a cessé de fonctionner parce qu’il sourit. Et je reconnais, bien sûr , cette bouche rose, pulpeuse. Je reconnais cette mâchoire carrée que j’ai souvent serrée entre mes doigts. Je reconnais également le cri de mes entrailles qui hurlent à la mort, brûlées vives. Putain. Je reconnais même la touffe de cheveux blonds qui trône au-dessus de sa tête, comme un bordel inqualifiable.

— Salut, Léo.

Ses yeux cobalt, grands, éveillés, me ramènent douze ans en arrière. La belle époque de l’insouciance. Ils m’envoient valser dans les couloirs du temps, un bourdonnement dans les oreilles. Je ne perçois plus rien autour de moi. Je vais tomber dans les pommes ici même et devrai donner des explications sur ce blondinet au visage d’ange qui me fait face. Qui me ferait presque flancher.

— Tu te souviens de moi ou je dois te rafraichir la mémoire ? s’étonne-t-il.

— Alex Duffeth, soufflé-je pour moi-même.

« Il est l’amour de ma vie, et quand on perd son amour, que nous reste-t-il ? »

« Mais je te jure qu’un jour, je pourrai sourire fièrement et dire que je ne ressens plus rien pour Léandro Gionocci. Je te le jure. Mais aujourd’hui, ce soir, je veux profiter avec toi et personne d’autre. Tu comprends ? »

Spoiler(cliquez pour révéler)« Je ne dirais pas le mot magique, Léo. Tu n’auras aucun je t’aime de ma part, parce que ça t’apporterait trop de satisfaction de l’entendre. Donc il n’y aura rien de tout ça, mais mes sentiments ont changé le jour-même où je t’ai vu dans cette salle d’expo. As-tu déjà fait ce rêve ? Celui où tu tombes dans le vide ? Avant de heurter le sol, tu te réveilles en sursaut et tu te demandes ce qu’il s’est passé. Eh bien, c’est la sensation que j’ai eue quand je t’ai vu. Mes sentiments ont quitté Diego petit à petit, et ils sont venus s’installer près de toi. Sauf que tu t’amuses à les broyer, à les malmener et je ne dis rien parce que je n’ai aucun pouvoir sur toi. »

« Il pourrait déchirer ma peau, m’arracher le cœur et le broyer que je ne dirais rien, parce qu’il est Léo. Mon Léo. »

« —    Ça te plaît toujours autant ?

Oui. Oui. Oui. Bon sang, Léo, si tu savais à quel point j’aime ça, tu prendrais tes jambes à ton cou et sortirais d’ici sans te retourner. J’aime tellement ta façon de me prendre, de t’enfoncer jusqu’à la garde en ouvrant la bouche, que je voudrais le vivre chaque soir. Chaque putain de soir. »

« c’est terriblement décevant d’avoir un si petit cœur qui n’accepte personne d’autre que lui. »

« Je suis un homme de contrôle, capable de rester des heures sans parler alors que ça me démange les lèvres. Je suis capable de sourire pendant des années à des gens que je n’apprécie guère. Je suis capable de tout, sauf de résister à Alex. »