Extraits

Je quitte l’avion avec l’enthousiasme d’une condamnée traînée vers la chaise électrique. J’ai l’impression que mes pieds pèsent une tonne. Et qu’une chaîne est attachée autour de mon cou. J’ai tout perdu. Tout. En deux jours, mon existence est partie en fumée, balayant dix longues années. L’hébétude l’emporte sur le désespoir. Pour le moment, je suis K.-O. Les yeux secs, les mains vides, j’avance dans le couloir de l’aéroport moscovite où je viens d’arriver suite à mon expulsion des États-Unis.

Je n’habiterai plus à New York. Je ne rendrai plus visite à ma mère. Je ne parlerai plus à Billie. Je ne jouerai plus avec Celia. Je ne téléphonerai plus à Sean. Je ne verrai plus Malcolm. Je ne le toucherai plus. Je ne l’embrasserai plus. Je ne vivrai plus à ses côtés. Je ne vivrai plus tout court. Des voyageurs me dépassent d’une marche rapide, impatients de retrouver leur famille, leur foyer. Dans ma tête, j’égraine la liste de mes chagrins. Je souffre à en hurler.

-On a de la compagnie ! Lancé-Je à ma figurine de Docteur Who, en lui décochant un clin d'oeil complice.

Je fais des clins d'oeil à mes jouets en résine. Faut vraiment que je sorte de chez moi.

Elle fait le tour du salon pour la centième fois, observant avec tendresse mes collections diverses et variées.

-Oh, un lutin!s'exclame-elle, attendrie.

J'essaie de ne pas rire.

-C'est un Hobbit, Billie.

-On va avoir un bel été! me lance le conducteur, jovial.

-Euh...

Vite.

-Euh...

Quelque chose. N'importe quoi.

-C'est vrai que le ciel est bleu.

#fail.

Dois-Je préciser que nous sommes en début de soirée et que le soleil décline entre les immeubles de verre?

« Des carottes ?!

– Que fait cette invention du diable dans ton assiette ? lui demandé-je, indignée, en pointant de l’index les accusées.

– Karlie, je dois t’avouer un truc…

Il est si sérieux que je prends peur durant une fraction de seconde. Surtout qu’il me saisit par les épaules à deux mains pour me placer devant lui et me parler les yeux dans les yeux. Nous sommes debout devant le frigidaire.

– Ce n’est pas facile à dire…

– Tu m’angoisses, Malcolm.

– J’ai BESOIN de manger de la verdure.

Je plaque une main sur ma bouche comme s’il venait de m’avouer quelque chose d’impensable, d’inadmissible.

– Tu as conscience de me trahir ?

– Oui, admet-il en baissant humblement la tête. Mais il y va de la survie de mes intestins. »

Extrait de: Rose M. Becker. « Torride, sexy et dangereux - L'intégrale & Bonus. »

Malcolm est-il vivant ? A-t-il survécu à son accident de voiture ? Ou est-il en train de rendre son dernier souffle sur une table d’opération ? Je ne parviens plus à calmer mon rythme cardiaque ou à retrouver une respiration normale. Prostrée dans un coin, je suis recroquevillée près de la porte des urgences. Je ne gêne pas le passage, les genoux ramenés contre la poitrine et les bras serrés autour de mes jambes. Personne ne semble remarquer ma présence dans l’effervescence générale, pas plus que je ne fais attention aux allées et venues autour de moi.

Les images de la scène repassent comme un film d’épouvante, m’enfermant dans une boucle. Je n’arrête pas de revoir la voiture foncer sur mon mari, le frapper de plein fouet. Puis c’est son corps, sur le bitume, qui s’impose à mon esprit. Sa jambe tordue. Son souffle saccadé. Ses yeux gris tournés vers moi – ce regard que je ne pourrai jamais oublier, qui me hantera jusqu’à la fin de mes jours. J’écrase mon front sur mes genoux. À ce moment, Malcolm m’a contemplée comme si c’était la dernière fois…

– Des utilisateurs ont signalé un problème de connexion, expliqué-je. Ils ont envoyé des rapports d’erreur.

Malcolm pousse un soupir de lassitude. Nous sommes de retour à SharOn, le lendemain de notre entretien au service de l’immigration. Pour le moment, nous essayons de ne pas trop songer aux conclusions de l’enquête, même si notre avenir est en jeu. Plus seulement le mien… mais le sien, le nôtre. Si je retourne en Russie, nous serons séparés pour toujours. Je n’aurai plus le droit de séjourner aux États-Unis. Je ne pourrai plus obtenir de visa. Je sortirai de la vie de Malcolm comme si je n’avais jamais existé.

Mon pire cauchemar.

Son regard s'adoucit lorsqu'il se pose sur moi, suivant les contours de mon visage.

- Merci d'être toi, ajoute-t-il.

Mon cœur s'arrêt. Et ces mots se gravent en moi, inoubliables. Parce que, en cette seconde, je suis la femme qu'il veut et la femme qu'il lui faut.

- Tu es belle, susurre-t-il.

Ce sont les mots que j'ai besoin d'entendre. Surtout dans sa bouche. Seulement dans sa bouche. Je relève un peu la tête, osant croiser son regard.

- Merci, fais-je un peu existante.

Non, très hésitante.

Un grand sourire fend le visage de mon mari. Il semble à la fois réjoui et touché.

- Enfin, tu acceptes les compliments ..., sourit-il.

- Ça va ? Je suis à ton goût? se moque-t-il.

- Tu en doutes ? souris-je. Je croyais que tu étais au goût de toutes les femmes ...

- Je me moque de toutes les femmes