Extraits

- C'est le signe qui m'indique de partir, marmonna Lucas.

Il se pencha vers moi, son torse frôlant mon épaule, et déposa un rapide baiser sur ma joue. J'eus beau bondir aussitôt sur le côté, je compris au visage sombre de Jeremiah qu'il n'avait rien perdu d la scène.

- Au revoir, chérie, souffla Lucas avant de disparaître.

Il me laissait seule pour affronter le taureau furieux qui fonçait sur moi. Sachant qu'il serait vain de plaider ma cause, je gardai le silence quand il me rejoignit.

-Partons d'ici.

Son ton ne permettait aucune objection. Une main posée sur ma chute de reins, il me conduisit habilement à travers la foule. Heureusement, personne ne s'intéressa à notre départ précipité. Et je connus enfin le soulagement que j'espérais depuis un bon moment. Je n'avais plus à me soucier de trébucher sur mes talons ni de ma ridiculiser. L'euphorie que j'avais ressentie à aider Cherise et David s'était évaporée, et je n'étais pas loin de l'épuisement.

Jeremiah gardait le regard fixé sur les portes, et j'eus l'impression qu'il faisait exprès de m'ignorer. L'intransigeance de son visage m'inquiéta, car je ne savais pas ce qu'elle me réservait. La douce intimité que nous avions partagée pendant notre danse s'était envolée.

Et sans me laisser la possibilité de protester, il mit un bras autour de ma taille et m'entraîna vers la piste. Je résistai, plantant mes talons dans le sol. Tous s'étaient donc passé le mot, ce soir, pour m'obliger à faire leurs quatre volontés?

- Nous sommes en public, murmura Lucas à mon oreille, vous ne voudriez pas vous donner en spectacle, n'est-ce pas?

J'hésitai, soudain consciente des inconnus qui nous entouraient. Ce bref moment d'hésitation suffit à mon cavalier, qui en profita pour me tirer sur al piste et m'étreindre avant que j'aie eu le temps de refuser à nouveau. En un clin d'oeil, il m'entraîna sur le sol glissant comme de la soie. J'essayai de me libérer, mais sa poigne m'emprisonnait comme un étau.

- Lâchez-moi grondai-je, la voix lourde de la colère qui bouillonnait en moi.

- Pour gâcher une occasion formidable de danser avec une belle femme? Sûrement pas.

Mes réticences paraissaient le divertir. Ma raideur rendait mes mouvements disgracieux, ce qui n'avait pas l'air de perturber mon cavalier le moins du monde. Il m'attira contre son corps dur, son étreinte pareille à de l'acier. Je touchais à peine le sol, tout mon poids reposait sur ses bras.

- Nous sommes partis sur le mauvais pied, reprit-il. Expliquez-moi pourquoi. Mon odeur vous déplaît-elle?

(...)

- J'aimerais toutefois l'entendre de votre bouche, souffla-t-il, tandis qu'il m'entraînait dans un grand arc de cercle autour de la piste de danse.

Mon ventre se noua soudain, je serrai les mâchoires. Au diable mon corps et ses réactions idiotes! Les mains de Lucas étaient comme deux charbons ardents sur ma peau, ses deux yeux aimants. Exactement comme son frère.

Tout en regardant la ville défiler à travers la vitre de la voiture, je lissai la robe chic et chère que je portais. En ce moment, le nœud que j’avais dans le ventre était dû aux craintes que j’éprouvais sur ce qui m’attendait dans cette histoire et moins à celles que m’inspirait l’homme assis à côté de moi, une main possessive plaquée sur ma cuisse.

Au nom de quoi un milliardaire pouvait-il envier ma petite existence insignifiante ?

L’éclat passionné qui éclairait ses prunelles me coupa le souffle. Dans mon dos, son autre main saisit mes reins à travers le tissu de ma robe tandis que ses doigts glissaient de mon visage à mon décolleté plongeant. Je réprimai un soupir, jouissant de ce moment, le corps tendu vers ses désirs non formulés.

- Vous êtes tellement beau, soufflai-je, incapable de le quitter des yeux.

- Vous n'avez pas l'intention de me laisser tomber en pleine danse, n'est-ce pas ? me moquai-je en acceptant ses doigts.

Sa seule présence agissait sur moi comme une drogue, comme un puissant aphrodisiaque qui me donnait envie de l’attirer dans un endroit intime pour nous adonner à des coquineries.

Maintenant qu’ils étaient réunis, il m’était plus facile de les distinguer. D’ailleurs, j’avais du mal à comprendre comment j’avais pu les confondre.

Même si je n'étais pas une féministe enragée, j'avais ma fierté.