Trente ans, trente morts

Il est juste quatorze heures trente. Le ciel s'est brutalement couvert, comme si les nuages voulaient étendre un linceul sur ma mémoire.

je suis à genoux, les mains jointes devant une tombe... celle de mes parents. Un petite plaque fixée dans le marbre indique la date de naissance et celle de la mort. Je n'ai pas besoin de faire le calcul, il y a déjà longtemps que je l'ai fait. Ces deux dates sont une plaie grande ouverte dans mon coeur et dans ma mémoire. Elles sont également le lien étroit de ma mission vengeresse. Un jour je bouclerai la boucle et s'en sera fini... fini pour toujours.

Deux petits cadres ovales contiennent les photos de mes parents. Mon regard ne peut se détacher de ces images. Les souvenirs déboulent dans ma tête comme une avalanche de douleurs. Je me souviens d'un choc... un choc terrible. Et puis un grand vide, un vide que jamais je n'ai pu combler. Mes actes pourront-ils remplir ce vide et refermer cette plaie immense qui brule dans mes veines.

Mes poings se crispent à cette évocation, mon sang coule avec anarchie dans mes artères et atteint une vitesse qui me fait subitement tourner la tête. Lentement, les larmes se sont mises à couler en cascades le long de mes joues. Je sens leurs traces froides marquer ma peau comme des morsures sinistres. tout mon corps n'est plus q'une masse de chair en souffrance.

Machinalement j'avance la main et du bout des doigts la pose sur la plaque tombale.

Le marbre est froid, pourtant j'ai nettement l'impression d'avoir ressenti une brulure, moins intense néanmoins que celle qui consumme mon esprit, mon coeur et... mon âme aussi.

Lentement je me relève, les genoux douloureux. Un dernier regard, les yeux embués par le chagrin et je quitte le cimetière sans plus me retourner. Papa, maman... Je vous aime.

Trente ans, trente morts