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Extrait ajouté par Laully 2020-10-05T20:47:46+02:00

De temps à autre, Barbara regarde les étoiles, renverse la tête en arrière et regarde vers le ciel, comme on l’a toujours fait. Elle regarde le ciel nocturne et pense à l’Homme qui était le seul qu’elle aimait, et aux bagages qui se perdent dans les aéroports. Marianne regarde les étoiles et pense à une étoile dorée qu’il lui avait un jour collée sur le nombril. Henriette penche la tête en arrière et pense à papa chouette avec les étoiles des États-Unis sur les yeux. Elise y pense peut-être aussi

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Extrait ajouté par siegrid 2010-12-19T15:25:00+01:00

I

Une fille tourne sur elle-même. Ses cheveux blonds sont attachés en couettes, et elle porte un tutu long. Elle est torse nu, et quand elle soulève très haut sa jupe, comme font les jeunes enfants qui s'appliquent à faire une vraie révérence, on voit qu'elle ne porte rien d'autre que ce vêtement en tulle blanc transparent. Il fait assez sombre dans la pièce. Un homme la regarde depuis le canapé. Il y a un verre plein sur la table devant lui, mais il n'y touche pas. Il ne fait que regarder. Il se renverse en arrière dans le canapé, ferme les yeux un instant, mais les rouvre pour regarder la petite fille. Elle danse. En bonds patauds qui font ressortir son petit derrière et son ventre proéminent. Tourne, commande le type. La petite virevolte, rit, manque de tomber. Jolie pirouette, complimente le bonhomme. Fais une révérence, maintenant. La fillette s'exécute, soulève sa jupe de tulle aussi haut qu'elle le peut et s'incline. Tu continues ? demande-t-il. La petite fille se remet à tourner sur elle-même jusqu'à ce qu'elle heurte la table. Le liquide clapote dans le verre. Viens t'asseoir, Élise, dit l'homme. La fillette le regarde, puis grimpe bien gentiment sur ses genoux. Il passe les bras autour de son petit corps. La petite sœur a été couchée plus tôt que d'habitude, elle a attrapé un rhume carabiné ; un sacré rhume. Maman est allée au cinéma avec des amies. Papa et Élise sont seuls au monde. Il l'embrasse derrière une oreille. Ma petite. La grande fille de son papa. Le lapin en peluche jaune d'Élise tombe par terre.

Un faux pas est vite arrivé. La chair est faible, les tentations innombrables. Il lève les bras et s'immobilise ainsi, comme une croix dodue devant le décor de fond orné de Jésus. Il baisse les bras, hésite, il doit en être à peu près à la moitié de son discours funèbre, ça fait déjà plusieurs minutes qu'il le fait traîner, ce qui est probablement aussi pénible pour lui que pour ses auditeurs. Il s'arrête pour de bon, garde le silence si longtemps que la chose n'échappe à personne. Il doit reconnaître que sans le vouloir, il s'est aventuré en eaux dangereuses. Dans son trouble, et sans doute pour atténuer sa nervosité, il frotte plusieurs fois un index gras à l'intérieur de son col de clergyman. Les tentations, recommence-t-il tandis qu'un côté de sa gorge rougit violemment après le passage répété de l'index. Des tentations que personne d'autre n'aurait considérées comme telles.

Il s'arrête de nouveau, perplexe et vaguement troublé. Ou des tentations qu'on laisserait de côté, qu'on ne relèverait pas pour se colleter avec. Il hésite. Une petite vieille recroquevillée sur un banc au premier rang se tortille, mal à l'aise, à quelques mètres seulement du prêtre. Sa voisine est une jeune femme blonde en pantalon noir.

Ce n'est pas facile d'être un homme, assène le prêtre. Cette explication semble le satisfaire. Son front est toujours luisant de sueur et un côté de sa gorge ne décongestionne pas, mais il paraît plus sûr de lui, à présent, sa voix est plus claire, presque vivante. Il est immédiatement sorti de la zone problématique, il a déjà quitté les eaux profondes et sombres où le courant est mauvais, et il doit manœuvrer avec d'infinies précautions afin de ne pas se fourrer dans les remous. Il est dans un secteur plus tranquille, proche de la rive. Dans peu de temps, ses pieds toucheront un fond bien ferme. Il en a bientôt terminé et il pourra classer l'événement avec les autres missions désagréables liées à son travail. Il baisse les yeux sur ses auditeurs : Et n'oubliez pas, le doute a sa place. Le doute a toujours sa place. Ils sont plus d'un à avoir l'impression que le prêtre les regarde, eux ; plus d'un à ressentir ses paroles comme une accusation ciblée. Il tourne imperceptiblement la tête vers la droite et reprend pied, il parle de la miséricorde divine, de la résurrection ; ces mots paraissent déjà rattachés les uns aux autres comme les perles d'un collier bien connues dans la conscience du prêtre, car ils quittent sa bouche sans effort de réflexion apparent. Ce n'est pas facile d'être un homme. Mais il faut pardonner. Alors que nous nous apprêtons aujourd'hui à dire adieu à Karsten Wiig, c'est le pardon qui doit dominer nos pensées. Il n'est pas facile de pardonner aussi aisément tous les actes, mais il faut essayer. Cela, nous le devons à Karsten Wiig. Nous le devons à celle qui l'a mis au monde. Nous le devons à Dieu qui lui a donné la vie.

Le prêtre parle pour un crématoire presque désert. Sa voix résonne entre les murs de pierre blancs et les rangées de bancs inoccupés. C'est une journée automnale magnifique, le genre de journée qu'adorait Karsten Wiig, à ce que l'on m'a raconté. Un sanglot bref monte du premier rang. Le prêtre sursaute mais se ressaisit bien vite. La jeune femme entoure son aînée d'un bras. C'était la jeune qui avait sangloté, elle n'avait pas su d'où venait ce son avant de l'entendre. C'était elle qui avait sangloté, et c'est à présent elle qui passe un bras protecteur autour de sa grand-mère paternelle. La vieille femme pleure ; elle pleure comme si elle avait honte de sa peine, ce qui n'est pas le cas. Cela fait plusieurs années qu'on essaie de lui prendre sa dignité. Elle a douloureusement conscience que de nombreuses personnes penseront que c'est elle, en tant que mère et éducatrice, qui a failli, qu'on ne peut pas élever impunément un tel monstre. Elle a entendu ce que les gens disent de lui, de son garçon. Et elle est là, tête baissée. Elle a mis son plus beau manteau bleu. Elle porte de jolies chaussures de marche à talons compensés, et un foulard en soie autour du cou. Elle n'a pas cherché à se faire belle, mais elle voulait être bien habillée pour dire adieu à son fils unique. À quoi pense-t-elle ? À quoi pense la mère de Karsten, assise au premier rang de la chapelle avec toute la dignité qu'elle est parvenue à mobiliser ? Pense-t-elle à la confirmation de Karsten ? À son mariage ? À l'époque où il a fait d'elle une grand-mère pleine de fierté ? Ou ne pense-t-elle tout simplement pas à son fils ? Ses idées sont peut-être en un tout autre endroit, elle pense peut-être à un épisode à moitié oublié de sa propre enfance, un instant heureux où elle mangeait des fraises des bois fraîchement cueillies et où un petit voisin insolent avec des taches de rousseur aussi grosses que des grains d'orge sur le dos des mains lui tirait les cheveux, elle pense peut-être à un instant bien avant qu'elle sache quels chagrins une mère peut endurer. Non, elle pense à l'accouchement. Elle pense au jour où Karsten est né. Il doit être impossible de ne pas y penser aujourd'hui. De la naissance à la mort, du berceau à la tombe.

À cet instant précis, à cette seconde même, la mère de Karsten Wiig pense au tout début, au jour où elle a vu Karsten pour la première fois. Dès l'aube, elle avait remarqué les contractions comme des coups secs dans son ventre. C'était une douleur très différente de tout ce qu'elle avait connu jusqu'alors. Elle savait qu'en l'espace de quelques heures elle deviendrait mère, qu'un nouvel être allait voir le jour. Vers la fin de l'après-midi, il était très précisément quatre heures et demie, il avait jailli d'elle, comme un poisson fort et aveugle qui voulait sortir ; avec une belle détermination, il s'était frayé un chemin à travers les muscles rouges et la chair meurtrie. Karsten. Le nom avait été choisi plusieurs mois auparavant. Il s'appellerait Karsten, en souvenir de son grand-père maternel. Elle était persuadée que ce serait un garçon. Ses amies avaient observé son ventre d'un œil plein d'expérience, déclaré qu'il était rond et large, que c'était un ventre à fille typique. Ce sera sans doute une fille, prédisaient-elles, les mains posées sur la peau de son ventre distendue. Elle s'était contentée de sourire. Elle savait que ce serait un garçon, même si ni le médecin ni la sage-femme n'avaient rien dit dans ce sens. Elle le savait. Point. Elle et son mari n'avaient même pas discuté de prénoms féminins.

Elle prit Karsten, son premier et, apparut-il, son unique enfant, dans les bras, et sentit immédiatement qu'elle aimerait sans restriction cet être, toujours. Elle aimerait Karsten jusqu'à son dernier jour. Elle joue avec son foulard, le tissu lisse qu'elle sent sous le bout de ses doigts. Jamais elle n'aurait imaginé qu'il partirait avant elle. Elle n'aurait pas imaginé non plus que l'amour maternel pût être mis si rudement à l'épreuve.

Assise à côté d'elle, sa petite-fille a passé un bras autour de ses épaules, son coude repose près de l'omoplate de la vieille, sa main caresse la peau flasque dans la nuque de sa grand-mère, sous le foulard. Il fait froid dans cette grande pièce presque vide, mais la peau de l'aïeule tient chaud à sa main. La fille de Karsten Wiig est habillée en noir, elle a les cheveux blonds et des taches de rousseur sur le nez, on dit qu'elle est assez jolie ; mais, les yeux rougis par les larmes, elle n'a cure de son apparence. Henriette fait de gros efforts pour ne pas écouter le prêtre. Elle pense à son père. Ses yeux sont braqués sur le cercueil blanc tout devant, un cercueil blanc brillant sur le couvercle duquel on a déposé quatre bouquets. Dans quelques minutes, il disparaîtra par un trou dans le sol, jusqu'à une pièce où des hommes en combinaison de travail sombres s'activent autour d'un four allumé. Un endroit bien trop semblable à celui où aurait dû arriver Karsten Wiig, selon beaucoup de gens. Elle lève la tête, regarde pendant quelques secondes la haute voûte avant de fermer les yeux pour faire barrage à la voix du prêtre. Elle sent faiblement le parfum de sa grand-mère. Tosca, elle le reconnaît, sa grand-mère n'en a jamais porté d'autre. Puis l'odeur disparaît, remplacée dans ses narines par une tout autre senteur, bien plus forte. Elle la connaît aussi bien que Tosca, mais ne parvient pas à l'identifier avant qu'elle n'emplisse toute la pièce. La chapelle entière sent les crêpes fraîches. Ça sent le beurre (du véritable beurre fin !) qui chauffe dans une poêle en fonte. Ça sent la pâte qui se fige, la crêpe qui se couvre de taches brun clair et frise sur les bords. Henriette ouvre les yeux, inhale ce parfum ; il est encore plus fort, mais la grand-mère regarde droit devant elle, comme avant.

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