Trudie contre les démons , Tome 1 : Que la chasse commence

« Que la chasse commence »

Quand la mélodie merdique de mon téléphone commença à s'élever dans la chambre, je me bottai mentalement le derrière pour n'avoir pas pris le temps d'en charger une autre. Franchement, qui oserait installer la Chevauchée des Walkyries comme sonnerie de mobile ? Je veux dire, à part Fred ? Mon dernier mec adorait cet opéra, ça lui rappelait une réplique d'Apocalypse Now : « Romeo Fox-trot, ouvrez le bal... ».

Et il me racontait la scène en battant la mesure tout en mimant les différents types dans l'hélico tirant à la mitraillette sur les Vietminhs... Hyper sexe, le mec. Nous ne sommes restés ensemble que trois semaines. Encore heureux.

Je grognai en repoussant ma couette et crapahutai sur mon lit à la recherche de l'objet refusant de la boucler. Je jetai un rapide regard sur la pendulette de ma table de chevet – 5 h 24, j'allais encore être d'excellente humeur aujourd'hui – tout en prenant la communication. C'était l'Agence.

Note pour moi-même : charger la sonnerie Ça m’énerve de Helmut Fritz pour l'assigner à mon patron. Non parce qu'il portait une frange comme la nana mentionnée dans la chanson ou un jean slim en taille trente quatre... mais il me gonflait assez pour que j'en aie l'illusion. Et c'était bien assez moche comme vision pour me pousser au suicide par overdose de Schoko-Bons.

— Allô ?

— Trudie ? C'est Sergio...

Pensait-il sérieusement que je n'avais aucune idée de qui pouvait m'appeler à cette heure-ci ?

— Il faudrait que vous veniez à l'Agence plus tôt, ce matin. Vous allez patrouiller en binôme, à partir de maintenant, et je dois briefer votre partenaire sur votre...

— Que... quoi ? Mais qu'est-ce que j'ai fait ?

— Écoutez, vous savez comme moi ce qui se passe quand vous allez en chasse toute seule.

— Je tue des démons.

— Précisément. Vous devez les neutraliser, Trudie. Pour que nous puissions les étudier, leur implanter une puce et les éduquer.

— Les décapiter avec mon katana les neutralise efficacement.

— C'est un peu trop radical.

Et alors ? pensai-je en moi-même. Le démon que je chassais depuis deux ans s'était-il soucié de neutraliser ma petite sœur de façon moins radicale ? Non. Avait-il pris la peine de l'informer de ses droits avant de la posséder ? Non. Lui avait-il donné une seconde chance en la faisant entrer dans un programme de réinsertion top secret ? Que dalle.

— Je ne vois pas du tout où est le problème.

— Vous allez bosser avec un coéquipier, un point c'est tout. Je vous veux à l'Agence dans une demi-heure et, s'il vous plaît, ne vous perdez pas en chemin.

Il raccrocha sans même me laisser le temps de m'insurger. Comme si j'avais l'habitude de faire un détour du côté de River Skull[1] pour y dénicher quelques démons à recoiffer... Il me connaissait décidément trop bien. J'abandonnai mon portable sur mon lit, sortis quelques fringues du tiroir de ma commode et filai sous la douche.

Je fis l'impasse sur le make up dont ma peau métissée n'avait absolument pas besoin, puis enfilai un gilet en cuir clouté par-dessus un T-shirt blanc. Avant de quitter mon appartement terrasse situé en plein cœur de Bones City[2] – et dont le loyer était totalement pris en charge par l'Agence –, je jetai un coup d’œil à mon reflet et repoussai mes dreadlocks en arrière pour les nouer sur ma nuque. Ah, il voulait m'assigner un coéquipier d'office ? Beh, qu'il s'accroche, le zozio... avant ce soir, il allait tellement me détester qu'il demanderait une mutation en Papouasie !