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Emmanuelle n’était pas particulièrement laide, mais, d’une certaine manière, c’était pire. Elle était atteinte du plus impardonnable des travers, considérant son appartenance au milieu urbain : c’est-à-dire, une affligeante banalité.
À sa naissance, c’était pourtant un tout petit machin rose plutôt appétissant, et doté d’un sourire si prometteur que ses parents l’avaient nommée en référence à un livre libertin très à la mode depuis quelques années.
Hélas, contrairement à sa mère Geneviève, au prénom désuet mais aux formes affriolantes et aux traits fins, Emmanuelle la mal nommée provoquait plus souvent des hochements de tête compatissants qu’elle ne passait inaperçue.
L’apparence est importante, vous expliqueront les magazines féminins, les laboratoires de cosmétique, les séries télévisées américaines, et les politiciens.
Il s’avéra qu’à titre compensatoire, la nature avait doté Emmanuelle de capacités intellectuelles particulièrement développées doublées d’un attrait singulier pour les sciences et les mathématiques.
Dès le cours élémentaire, à Mont-de-Marsan, sa ville natale, elle avait appris à son détriment que la beauté constitue un ingrédient pimenté de la vie en société. Certains enfants sont, dès le plus jeune âge, d’une cruauté effrayante, pour ne pas dire d’un sadisme affirmé !
Emmanuelle était replète. Ses camarades de classe l’avaient donc, tout naturellement, surnommée Manu Gros Tas. Elle était myope et portait de grosses lunettes. D’autres l’appelaient Emma la taupe. Elle était particulièrement douée pour le calcul mental. C’était devenu Nunu la calculette. Et pour faire bonne mesure, ses cheveux raides comme des queues de rats, virant au marron sale malgré les shampoings quotidiens, lui avaient acquis – et lui feraient garder jusqu’au bac - le pseudonyme de Serpi, charmant diminutif de serpillère.
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