Un héritier pour les Di Savo

** Extrait offert par Carol Marinelli **

1.

Quinze ans plus tard

Rome… La ville de l’amour.

Drapée dans une serviette de bain, Lydia Hayward méditait sur l’ironie de la formule, allongée sur le lit de sa suite.

Si elle était de retour à Rome pour rencontrer le soir même un homme très séduisant, l’amour n’avait rien à y voir.

Des questions autrement plus pragmatiques étaient en jeu.

Bien entendu, sa mère n’avait pas formulé les choses de manière aussi directe. Non. Elle n’avait pas évoqué le fait que, sans l’immense fortune de cet homme, ils perdraient tout. Ou, plus précisément, le château dans lequel elles vivaient, lequel leur servait également de fonds de commerce.

Valérie n’avait pas dit non plus qu’il fallait que Lydia couche avec cet homme, Bastiano, qu’elle allait revoir en compagnie de son beau-père.

Bien sûr que non.

En revanche, elle avait cherché à savoir si Lydia prenait la pilule.

— Tu ne veux pas gâcher tes vacances.

Depuis quand sa mère s’intéressait-elle à ce genre de sujets ? Lorsque, âgée de dix-sept ans, Lydia était partie en Italie avec son école, sa mère s’était montrée moins soucieuse.

De toute façon, pourquoi aurait-elle pris la pilule ?

« Garde-toi », lui avait-on répété.

Ce qu’elle avait fait.

Pas tant à cause des conseils de sa mère que parce qu’elle était incapable d’oublier sa méfiance.

En général, les gens la trouvaient distante, froide, ce qui ne lui déplaisait pas. C’était sa façon de se protéger, alors qu’au fond elle espérait bien rencontrer l’amour.

Ce qui, apparemment, ne risquait pas de lui arriver. Or ce soir, elle allait devoir rester seule avec un quasi-inconnu.

À cette perspective, Lydia sentit une crise de panique la menacer. Elle n’en avait pas eu depuis…

Rome.

Ou Venise, peut-être ?

Venise.

Les deux.

Cet horrible voyage scolaire.

C’était pour tordre le cou aux vieux fantômes qui avaient marqué ce premier voyage qu’elle avait accepté de revenir à Rome. Elle avait souhaité revoir la Ville éternelle avec des yeux d’adulte. Force lui était cependant d’admettre que le monde l’effrayait toujours autant qu’à l’époque de son adolescence.

Ressaisis-toi, Lydia. Avec un soupir, elle se leva pour s’habiller.

Elle avait rendez-vous à 8 heures pour petit-déjeuner avec Maurice, son beau-père. Craignant d’être en retard, elle sauta dans la robe qu’elle venait de s’acheter, une jolie tenue en lin taupe boutonnée de haut en bas — ce qui n’était peut-être pas le choix le plus malin, vu ses mains tremblotantes — et peigna à la hâte ses longs cheveux blonds qui avaient séché à la diable.

Ils n’attendent pas que tu couches avec lui !

Imaginer pareil scénario était totalement ridicule de sa part. Dans la soirée, elle irait prendre un verre avec le fameux Bastiano et son beau-père, remercierait ledit Bastiano pour son invitation, puis lui expliquerait qu’elle avait promis à des amis de les rejoindre au restaurant. Ce qui ne serait qu’un demi-mensonge : Arabella, qui vivait à présent à Rome, lui avait écrit que ce serait sympa qu’elles se retrouvent lorsqu’elle serait de passage.

D’ailleurs…

Lydia sortit son téléphone et tapa un message rapide.

Salut Arabella,

Ne suis pas sûre que tu aies eu mon message.

Suis à Rome et libre ce soir pour dîner si toi tu peux.

Lydia

Rassérénée par son plan, elle quitta sa suite et prit l’ascenseur pour descendre à la salle à manger. En traversant la somptueuse réception, elle aperçut son reflet dans un miroir. Ces fameux cours de maintien s’avéraient très utiles — elle marchait la tête haute, en digne incarnation du calme parfait… Alors qu’elle se serait volontiers sauvée à toutes jambes.