Extraits

- Excusez-moi, ma chère. Je dois sortir. Je vous communiquerai en fin de matinée les réceptions auxquelles j'aimerais vous voir participer cette semaine.

- Oui, Arthur, répondit-elle de son ton le plus professionnel.

Elle ne voulait pas se laisser illusionner par son "ma chère", qui n'était destiné qu'à donner le change devant le majordome.

Cependant, à se grande surprise, le comte se pencha vers elle pour l'embrasser. Et pas sur le front ni la joue, mais directement sur les lèvres ! Ce fut un baiser furtif, mais possessif. Le genre de baiser qu'un homme accordait à sa véritable fiancée.

Qui aurait pu deviner qu'Arthur était un aussi bon acteur ? Cette fausse preuve d'affection médusa Elenora au point qu'elle en resta un instant sans voix. Quand elle eu recouvré ses esprits, le comte avait déjà quitté la pièce.

- Désirez-vous quelque chose ? demanda Ibbitts d'un ton qui laissait entendre qu'elle ne pouvait rien désirer de particulier.

- Oui, répliqua Elenora fermement en repliant posément sa serviette. Apportez-moi les livres de comptes de la maisonnée.

Ibbitts la regarda, interloqué, puis il s'empourpra.

- Je vous demande pardon, mademoiselle ?

- Je pense avoir été claire, Ibbitts.

C'est le fondé de pouvoir du comte, M. Ormesby, qui conserve ces documents, mademoiselle. Ils ne sont pas en ma possession.

- Je vois. Dans ce cas, peut-être pourrez-vous au moins répondre à quelques questions ?

- Lesquelles, mademoiselle ? demanda Ibbitts prudemment.

- Où est la cuisinière ?

- Elle a quitté son poste voici quelques mois, mademoiselle, et n'a pas été remplacée. C'est Sally qui s'occupe de préparer les repas.

- Je ne mets pas en cause la bonne volonté de Sally, mais, enfin, ce n'est pas une cuisinière, que je sache.

- Si vous le souhaitez, je m'adresserai à une agence pour engager une nouvelle cuisinière, proposa Ibbitts.

- Merci.

Elenora se leva de table et partit vers l'office.

- Où allez-vous, mademoiselle ? s'enquit le majordome.

- Parler avec Sally du menu d'aujourd'hui. Occupez-vous de nous trouver rapidement une nouvelle cuisinière. Ainsi qu'une deuxième soubrette. Et aussi un jardinier, pendant que vous y serez.

Les prunelles d'Ibbitts brillèrent de colère, mais il ne dit rien. Quand Elenora lui tourna le dos pour entrer dans l'office, elle sentit un frisson glacé lui vriller l'échine.