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Chapitre 1

La grande nouvelle

Anselme Béliveau, le curé de la paroisse Saint-Paul-des-Prés, ronflait comme un bienheureux, son double menton appuyé sur sa poitrine. Ses lunettes rondes à monture métallique avaient légèrement glissé sur son nez. Après les fatigues causées par toutes les cérémonies de la semaine sainte, le digne ecclésiastique profitait d'un repos bien mérité.

Dès la fin du dîner, le prêtre au ventre confortable avait quitté son vicaire dans la ferme intention de lire son bréviaire dans son bureau. Cependant, il avait tellement fait honneur au rôti de bœuf et à la tarte aux pommes servis par Rose Bellavance qu'une digestion difficile et le silence de la pièce l'avaient fait succomber à une sieste involontaire.

— Monsieur le curé ! Monsieur le curé, êtes-vous là ? s'écria la servante en frappant à la porte du bureau du curé de la paroisse.

Tiré brusquement de son sommeil, il fallut plusieurs secondes au prêtre pour reprendre contact avec la réalité.

— Quoi ? Qu'est-ce qu'il y a ? maugréa-t-il, mécontent d'avoir été réveillé en sursaut.

La porte s'ouvrit sur une vieille dame de soixante-dix ans, légèrement voûtée et à la voix quelque peu chevrotante.

— C'est monsieur Parenteau qui aimerait vous voir, murmura la servante en demeurant sur le pas de la porte. Je l'ai fait passer dans la salle d'attente.

— Vous auriez pu demander à l'abbé Nadon de s'en occuper, rétorqua le curé Béliveau.

— Il est parti à l'école du village depuis un bon bout de temps.

— Bon, c'est correct, reprit-il en poussant un soupir. Dites-lui que je vais le recevoir dans cinq minutes.

Rose Bellavance sortit et le prêtre quitta son fauteuil pour se dégourdir les jambes. Il s'immobilisa un instant devant l'une des fenêtres dont il écarta le lourd rideau de velours brun qui la masquait partiellement. Son regard se porta immédiatement sur le terrain vague voisin où, en ce mois d'avril 1901, les pierres noircies par le feu de son ancienne église se devinaient au milieu des longues herbes brunes. Il dut faire un effort de volonté pour détourner les yeux de l'endroit et les diriger plutôt vers le cimetière voisin.

Même si ce triste spectacle s'imposait à lui depuis plus de trois ans, il ne s'y était jamais habitué. Il éprouvait toujours le même serrement de cœur à la pensée de la magnifique église que le feu avait ravagée en quelques heures le 12 février 1898.

*

* *

Ce soir-là, alors qu'il se préparait à monter dans sa chambre, des lueurs rouges dansant sur les murs du salon du presbytère l'avaient intrigué et incité à regarder par une fenêtre. À la vue des flammes en train de lécher l'avant-toit de son église, il avait poussé un cri de désespoir qui avait alerté son vicaire. Les deux ecclésiastiques s'étaient précipités à l'extérieur sans prendre le temps de revêtir un manteau en cette froide soirée de février. Leur arrivée sur les lieux avait coïncidé avec celle du maire et des premiers paroissiens.

— Sonnez le tocsin, monsieur le maire, avait ordonné le curé, au comble de l'énervement.

— Mais ça flambe en-dedans, avait fait remarquer Bertrand Gagnon. Quand je vais ouvrir la porte, ça va faire un appel d'air et ça va être pire encore. C'est ben trop dangereux, monsieur le curé.

L'abbé Nadon, que les paroissiens de Saint-Paul-des-Prés avaient affectueusement surnommé Tom Pouce à cause de sa petite taille, avait alors écarté le maire de la main, monté les marches du parvis et était entré dans l'église en flammes. Aussitôt, les cloches s'étaient mises en branle pendant que le curé Béliveau avait couru vers l'arrière du bâtiment pour atteindre la sacristie, suivi de près par deux braves paroissiens qui venaient d'arriver sur les lieux. C'était ainsi que les saintes espèces enfermées dans le tabernacle, les vases sacrés et une bonne partie des vêtements sacerdotaux avaient pu être sauvés.

En quelques minutes, les habitants de Saint-Paul-des-Prés avaient envahi les lieux de la catastrophe. Horrifiés, ils voyaient les flammes s'échapper en ronflant par les fenêtres dont les vitraux avaient éclaté. Pendant que certains hommes de la paroisse perçaient à grands coups de hache un trou dans la glace de la rivière Yamaska située à quelques centaines de pieds en face de l'église en flammes, les femmes, rassemblées en un troupeau frileux de l'autre côté de la route, priaient.

Rapidement, une chaîne s'était organisée et les seaux remplis d'eau avaient commencé à passer de main en main et avaient été déversés à la volée sur le brasier dans l'espoir de contenir les flammes. En pure perte. Après deux heures d'une lutte inutile, le curé Béliveau et le maire avaient enjoint les gens à s'éloigner de la scène parce que le toit risquait de s'effondrer d'un moment à l'autre. On s'était contentés alors de surveiller étroitement le brasier pour éviter que l'incendie ne se propage au presbytère voisin.

Ensuite, tout était allé très vite. Quelques minutes plus tard, le toit s'était écrasé dans un grondement sinistre accompagné par les cris d'horreur des spectateurs. À la fin de la nuit, l'église presque centenaire de Saint-Paul-des-Prés n'était qu'un amas de ruines fumantes dont il ne s'échappait plus que des volutes de fumée.

Alors, un à un, les paroissiens, transis et le cœur lourd, s'étaient résignés à rentrer chez eux dans la nuit hivernale.

Toujours planté devant la fenêtre, Anselme Béliveau se rappelait comme il avait accueilli avec soulagement la neige qui avait recouvert les restes de son église dans les heures qui avaient suivi. Elle avait rapidement dissimulé une bonne partie des débris calcinés.

La disparition de leur église avait endeuillé autant le curé que les habitants de Saint-Paul-des-Prés. Le spécialiste venu de Sorel quelques jours plus tard avait vite conclu à un incendie accidentel probablement causé par un lampion puisque l'édifice n'était pas chauffé durant la nuit.

Le surlendemain, le curé Béliveau avait attelé sa sleigh et était allé à Nicolet rencontrer monseigneur Gravel, son supérieur, pour savoir ce qu'il convenait de faire dans les circonstances. À cette occasion, le prélat avait fait mentir sa réputation d'ecclésiastique froid et sévère. Il s'était montré plein de compassion pour le curé de Saint-Paul-des-Prés.

— L'essentiel est que le feu n'ait pas fait de victime, avait-il affirmé. Je comprends que la perte soit grande pour vous et vos paroissiens, mais dites-vous que Dieu sera aussi confortable dans la prochaine maison que vous lui bâtirez. En attendant que votre fabrique ait trouvé les fonds nécessaires pour reconstruire, je vous laisse le soin de trouver un endroit approprié pour célébrer le culte, avait-il ajouté.

— J'ai pensé au réfectoire du couvent des sœurs de l'Assomption, monseigneur, avait répondu le curé. J'en ai parlé à mère Sainte-Flavie, la supérieure, et elle est d'accord pour nous laisser le transformer en chapelle. C'est pas bien grand, mais en célébrant une basse-messe de plus le dimanche matin, ça devrait aller.

— Et comment elle va se débrouiller sans son réfectoire ? avait demandé le prélat.

— Elle m'a dit qu'elle transformerait une classe vide en réfectoire pour ses religieuses et pour les filles du couvent.

— C'est parfait, avait jugé le prélat. Je vous enverrai cette semaine une lettre que vous pourrez lire en chaire à vos paroissiens. Je les encouragerai à se consacrer à la construction d'une autre église le plus tôt possible... Mais il va de soi qu'il n'est pas question de se lancer dans l'aventure avant que la fabrique n'ait amassé cinq mille dollars.

— Cinq mille dollars ! n'avait pu s'empêcher de s'exclamer le brave curé.

— Et encore, avait laissé tomber monseigneur Gravel en se levant pour signifier la fin de l'entrevue. J'ai sur les bras les dettes de deux paroisses du diocèse qui se sont lancées dans la construction d'églises trop coûteuses pour leurs moyens. Ça n'arrivera plus, du moins aussi longtemps que je serai évêque du diocèse de Nicolet.

Le dimanche suivant, Anselme Béliveau et son vicaire avaient lu la lettre de l'évêque aux paroissiens à la fin de chacune des trois messes célébrées au couvent voisin du presbytère. La veille, lors de la réunion du conseil de la fabrique, certains marguilliers s'étaient élevés contre la décision de monseigneur Gravel, mais ils avaient vite été ramenés à la réalité par le président de la commission scolaire et du conseil, Gonzague Boisvert.

— Parle donc pas à travers ton chapeau, avait-il sèchement lancé à un marguillier. Monseigneur a raison, il faut au moins cinq mille piastres pour commencer à construire.

— Oui, mais on n'a plus d'église, avait voulu argumenter Camil Racicot.

— On n'en mourra pas, l'avait abruptement coupé le président. On est déjà organisés avec les sœurs pour se servir de leur réfectoire. En échange, on fournira le bois pour chauffer leur couvent. On attendra le temps qu'il faudra.

Cette dernière déclaration du président irascible de la fabrique avait mis fin à toutes les discussions. L'assemblée avait alors été levée.

Depuis, la reconstruction de son église avait été au centre de toutes les préoccupations du brave curé Béliveau. Avec l'aide de son vicaire, il n'avait cessé de harceler ses paroissiens pour qu'ils contribuent généreusement aux fonds destinés à cette église dont l'absence se faisait si cruellement sentir, surtout à l'approche des grandes fêtes religieuses comme Noël et Pâques.

Malheureusement, l'argent était rare chez les cultivateurs en ce début du XXe siècle. Le pasteur avait beau se priver, économiser le moindre sou et pousser la fabrique à organiser toutes sortes d'activités paroissiales pour amasser de l'argent, la somme déposée chez le notaire Ménard n'atteignait que trois mille dollars après trois ans et demi de sacrifices. De plus, ce montant avait été atteint essentiellement grâce à quatre legs importants de paroissiens décédés.

— On n'y arrivera jamais ! se plaignait parfois le curé auprès de son jeune vicaire, dans ses moments de découragement.

— Ça avance, monsieur le curé, ça avance, le rassurait Jérôme Nadon. On a ramassé plus cette année que l'année passée.

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