Extraits

Un personnage admet qu'il ne sait pas laquelle des personnalités qu'il a fabriquées est vraie, tandis que Chris avoue: "je suis un bon menteur parce que je crois à mes propres mensonges".

Le personnage de Chris est un homme égocentrique avec de grandes ambitions intellectuelles. Il se perçoit comme un intellectuel à la philosophie unique, en raison de son éducation et de son Q.I. élevé. Son mode de fonctionnement manifeste les caractéristiques d’un comportement psychopathe. Il teste les limites pour voir s’il peut aller jusqu’au bout de ses […] fantasmes sadiques. Il traite les gens avec mépris, les considère comme intellectuellement inférieurs, manipule les autres pour arriver à ses fins, et est déterminé à satisfaire ses désirs sexuels en hédoniste. Si un tel personnage était réel – s’il existait pour de vrai – sa personnalité aurait pu être modelée par un sens très irréaliste de sa propre valeur. Elle pourrait aussi être […] le résultat de graves sévices psychologiques ou d’un manque d’assurance quant à sa virilité, […] d’un rapport pathologique à ses parents, ou de tendances homosexuelles refoulées.

Wroblewski s'en procura un exemplaire ; l'illustration sur la couverture représentait un bouc dans un style surréaliste – un symbole ancien du diable. À l'instar des romans de Michel Houellebecq, le livre est sadique, pornographique et morbide. Le personnage principal, par ailleurs le narrateur du récit, est un intellectuel polonais qui s'ennuie et qui, quand il ne s'épanche pas en divagations philosophiques, boit et couche avec des femmes.

Dans un coin reculé au sud-ouest de la Pologne, loin de toute agglomération, le fleuve de l'Oder fait un brusque méandre pour former une petite crique. Les berges, voilées par les pins et les chênes qui les dominent, sont recouvertes d'herbes folles. Seuls des pêcheurs arpentent régulièrement les lieux : la baie regorge de perches, de brochets et de carassins. Par une froide journée de décembre 2000, trois amis lançaient leurs lignes, quand l'un d'eux remarqua quelque chose qui flottait près de la rive. Il pensa d'abord que c'était une bûche mais en s'approchant il crut voir des cheveux. Le pêcheur héla l'un de ses amis, qui poussa l'objet du bout de sa canne. C'était un cadavre.

Aussi, à supposer que Bala avait tué Janiszewski ou participé au meurtre – comme Wroblewski le suspectait alors sérieusement – il allait falloir que Wroblewski, l'empiriste, devienne post-moderniste.

À la stupéfaction de tous les membres de son service, Wroblewski fit des photocopies du roman qu'il distribua autour de lui. À chacun fut confié un chapitre à « interpréter » : pour essayer de trouver des indices, des messages codés, des parallèles avec la réalité. Comme Bala vivait à l'étranger, Wroblewski prévint ses collègues de ne rien faire pour alarmer l'auteur.