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Le garçon remarque une porte ouverte. Il avance de quelques pas et découvre un nouveau salon, avec des fauteuils dorés et une table ronde. Trois hommes jouent aux cartes. Martin distingue mal leur visage. Il s’approche machinalement et déplace une chaise. Les joueurs lèvent la tête et le regardent.
Le premier joueur est très brun, fort, large d’épaules. Une épaisse barbe noire aux reflets bleutés lui donne l’air brutal.
Le deuxième, une sorte de géant au visage couperosé, a les cheveux clairs d’un homme du Nord.
Le dernier joueur se retourne. Une moustache grise aux reflets de fer barre son visage taillé en lame de couteau.
Martin chancelle comme si on l’avait frappé. Il s’appuie contre un mur, étourdi, effaré. Il connaît ces hommes, même s’il ignore leurs noms. Ils logeaient parfois chez ses parents, à Paimpol. Et depuis la mort de ces derniers, les trois hommes hantent ses rêves ou plutôt ses cauchemars ! Mais Martin ne sait pas pourquoi…
Afficher en entierMartin Malivert se réveille et s’assoit au bord de son lit. Il est six heures du matin. Il a froid aux pieds.
Le garçon jette un coup d’œil autour de lui. Il n’aime pas sa chambre, petite et sombre, humide en hiver, moite en été. Les murs sont gris, le plancher brunâtre. Il hausse les épaules et s’habille rapidement avant d’affronter sa famille.
Martin Malivert a seize ans. Il est blond et mince, il a les yeux bleus, le visage ouvert, un peu naïf. Il est orphelin depuis des années. Ses parents sont morts dans un accident de voiture, en Bretagne…
Martin descend l’escalier et entre dans la cuisine. Son oncle Richard Lerond, sa tante Hélène et son cousin Roger, qui a dix ans de plus que lui, l’attendent en silence. Aujourd’hui il ne s’agit pas d’un matin comme les autres. Martin les quitte, peut-être pour de bon.
L’oncle Richard, son tuteur, est épicier. Il a de grands pieds et la moustache humide. La tante Hélène sent le pain moisi et la vieille pantoufle. Roger est grand, massif, quelconque, avec des mains très larges. Il vend des voitures d’occasion.
Martin n’embrasse ni son oncle, ni sa tante, ni son cousin. Il ne les aime pas. Eux le détestent depuis qu’il habite chez eux. C’est ainsi…
Martin s’assoit devant la table recouverte d’une toile cirée et avale en vitesse un bol de café au lait.
– Dépêche-toi ! ordonne l’oncle Richard en regardant sa montre. Il ne faut pas arriver en retard.
– Non, non, marmonne docilement Martin.
Il repose son bol vide et se lève.
Il hésite, se dirige vers sa tante pour l’embrasser, mais elle se détourne. L’orphelin a envie de pleurer. Roger l’observe, prêt à ricaner, à se moquer de lui. Alors Martin se domine et murmure :
– Eh bien, au revoir.
– J’espère que tu ne reviendras pas, réplique sa tante d’une voix brève.
Voilà. Martin s’en va.
L’orphelin marche vers la porte, la tête basse. L’oncle Richard l’attend déjà dans sa voiture. Martin s’installe à côté de lui, sans un mot. L’épicier démarre.
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