Un jour, peut-être... ou jamais

— Je n’aime pas quand tu déprimes ainsi.

— Je vais bien.

— Non, tu ne vas pas bien. Et c’est tout à fait compréhensible. Tu as passé les huit dernières veillées de Noël avec Ludo.

L’audace de sa répartie m’oblige à tourner la tête. Ses yeux ne sont que tendresse inquiète et douce sollicitude. Il ne cherche qu’à m’aider. À moins de me comporter avec grossièreté, il m’est impossible de me fâcher. Profitant de mon indécision, il ajoute :

— Tu devrais lui téléphoner.

Je m’attendais bien à un conseil, toutefois pas à celui-là. Frappé par la brutalité de sa proposition je me dégage de son étreinte pour faire quelques pas dans la pièce.

— On ne t’a jamais appris qu’il existe des sujets à ne pas aborder ?

— On m’a surtout appris qu’il existe des erreurs qui ont besoin d’être réparées. Tu n’étais pas toi-même ce soir-là. Il le comprendra.

Laurent et son indécrottable foi en l’avenir et la bonté humaine. Me moquer de sa naïveté serait facile si ce n’était risquer de trahir la profondeur de mon chagrin. Obstinément, je conserve le dos tourné. L’éloquence de mon silence ne le trompe néanmoins pas. Je l’entends pousser un faible soupir avant qu’il ne reprenne :

— Personne n’est infaillible, Raphaël. Tu as eu tort, mais il n’a pas non plus cherché à faciliter la discussion. Je ne te demande pas de t’aplatir en excuses. Seulement d’essayer d’exprimer ce que tu as véritablement à lui dire. Et tant pis si c’est la dernière fois. Au moins, tu auras mis les choses au clair. Te voir souffrir ainsi m’est insupportable.

Sa gentillesse envahissante m’émeut infiniment et brise mon inertie. Cédant à sa sincérité, je me retourne pour lui faire face.

— Viens là.

Je lui tends les bras. Sans hésiter, il franchit la distance qui nous sépare pour m’offrir un nouveau câlin. Je l’ai initié et j’accepte le réconfort de son étreinte chaleureuse en toute humilité. Toutefois, je n’ai plus l’habitude de ce genre de corps à corps affectueux. Au bout de quelques instants seulement, je me dégage pour plonger mes yeux dans les siens. Je tiens à le remercier. Je ne trouve qu’un conseil qui me paraît bien plat pour le faire.

— Tu as la vie devant toi et tu rencontreras sûrement la personne qu’il te faut. Mais le bonheur est fragile. Ne commets pas la même erreur que moi. Ouvre ton cœur avant que la colère ne l’étouffe.

— C’est dans les moments comme celui-là que je regrette de ne pas être ton grand amour, répondit-il, le regard pétillant de malice. Tu as plein de qualités que tu ignores.