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Un mariage sous condition



Description ajoutée par Underworld 2018-01-26T20:21:28+01:00

Résumé

Un long chemin vers le bonheur...

Depuis le jour où, adolescente, elle a fait la connaissance de Roman Matthews, Sarah Harper est amoureuse de lui. Pourtant, c’est Diane, sa meilleure amie, qu’il a épousée, et c’est elle qui lui a donné deux enfants. Un bonheur qui s’est brisé le jour où Diane et ses fils ont été tués dans un accident de voiture…

Par sa présence amicale et discrète, Sarah a aidé peu à peu Roman à retrouver le goût de vivre après le drame. Puis un jour, le sentant prêt à aimer de nouveau, elle s’est décidée à lui avouer son amour. Le bonheur longtemps interdit est-il enfin à portée de sa main ? Elle le croit un temps, avant de comprendre, désespérée, qu’une autre épreuve l’attend, plus difficile que toutes celles qu’elle vient de surmonter. Car derrière les mots d’amour de Roman, elle croit entendre l’écho de tendres paroles déjà prononcées. Et lorsqu’il la regarde, c’est un autre visage qu’il semble encore chercher…

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Classement en biblio - 56 lecteurs

extrait

Extrait ajouté par anonyme 2011-06-12T06:10:24+02:00

...

Comme tous les vendredis, son patron, M. Graham, avait quitté le bureau de bonne heure. Rien n'empêchait Sarah de rejoindre la foule qui se pressait dans les rues en cette veille de week-end, et pourtant elle hésitait encore à rentrer chez elle.

Elle s'était donné le plus grand mal pour décorer son appartement, mais la solitude la hantait sans relâche. Elle avait beau emplir l'air de musique, louer n'importe quel film et passer le temps en face de son téléviseur, ou encore lire et imaginer qu'elle vivait dans un pays exotique à l'autre bout du monde, la solitude ne lui pesait pas moins. Récemment d'ailleurs, il s'agissait davantage d'isolement que de solitude.

Il ne s'agissait pas seulement du passage des saisons ; c'était sa jeunesse qui lui filait inexorablement entre les doigts. Les années s'étaient succédé et elle s'était investie dans son travail, faute d'un autre centre d'intérêt. Elle réalisait maintenant qu'elle était passée à côté de tout ce qu'elle désirait vraiment. Elle ne s'intéressait guère à la richesse et aux avantages matériels. Ce qu'elle voulait c'était de l'amour, un mari et des enfants, une maison solide, pleine de jeux et de rires, tout ce qu'elle n'avait pas eu dans son enfance. Elle réalisa soudain que le plus triste était qu'elle avait même cessé de rêver à ce bonheur idéal. Elle n'avait jamais vraiment eu l'opportunité de saisir sa chance. Elle était amoureuse du seul homme qu'elle ne pourrait jamais avoir, et elle était convaincue de faire partie de ces femmes qui n'aiment qu'une seule fois au cours de leur vie.

Le timbre du téléphone retentit. L'étonnement lui fit légèrement froncer les sourcils tandis qu'elle pivotait sur son siège pour saisir le combiné. Il s'agissait de sa ligne intérieure, mais qui pouvait bien l'appeler à une heure aussi tardive ?

— Sarah Harper, dit-elle d'une voix pleine d'une énergie toute professionnelle.

— Sarah, c'est Rome.

La voix grave lui donna un coup au cœur. Elle n'avait pas besoin du prénom, pour savoir qui était à l'appareil. Elle connaissait cette voix-là mieux que la sienne, et l'accent nordique de Rome, qu'il n'avait pas perdu en dépit des années passées au Texas, l'aurait trahi de toute façon. Elle avala la boule qui s'était formée dans sa gorge, se redressa sur son siège, et tenta de se convaincre qu'il s'agissait d'un appel comme un autre.

— Oh, bonsoir, monsieur Matthews ! Que puis-je pour vous ?

Il émit un grognement d'impatience.

— Ne m'appelle pas comme ça, pour l'amour du ciel ! En public je comprends, mais il ne... il ne s'agit pas d'une conversation d'affaires.

Sarah avala de nouveau sa salive, et ne trouva rien à dire. Était-ce de la magie ? S'était-il matérialisé simplement parce qu'elle pensait à lui ? Après tout, cela faisait des mois qu'il se contentait d'un bonjour ou d'un bonsoir quand par hasard leurs chemins se croisaient dans le bureau de M. Graham.

— Sarah ?

L'impatience le gagnait. Elle transparaissait dans la façon qu'il avait d'aboyer son prénom.

— Oui, je suis encore là, réussit-elle à articuler.

— Je vends la maison, dit-il brusquement. Je suis en train de mettre en caisse les affaires de Diane... et celles des garçons... Je vais tout donner à l'Armée du Salut. Mais j'ai trouvé une boîte de souvenirs datant du lycée, des choses que Diane et toi faisiez ensemble, des photos, et j'ai pensé que tu aimerais en vérifier le contenu. Ce que tu veux garder t'appartient, le reste...

Il ne termina pas sa phrase, mais elle l'avait compris. Le reste, il le brûlerait. Il rassemblerait tous ces rappels du passé et les détruirait. Elle frémit intérieurement à la pensée de raviver le souvenir de ses années d'adolescence. La plaie n'était pas encore refermée. Mais, d'un autre côté, elle ne pouvait pas le laisser brûler tout ce qui restait de Diane. Même si elle ne se sentait pas encore la force de l'ouvrir, elle garderait la boîte. Plus tard, quand elle en serait capable, elle en découvrirait le contenu sans trop de douleur, avec seulement de la tristesse et de la nostalgie.

— Oui, dit-elle d'une voix rauque. Oui, je voudrais bien garder cette boîte.

— Je rentre bientôt. Tu peux passer la prendre ce soir à n'importe quelle heure.

— Entendu. Merci, murmura-t-elle.

Sa main tremblait tandis qu'elle raccrochait l'appareil, et elle se rendit compte soudain qu'elle s'était levée sans même s'en apercevoir. A un certain moment de la conversation, la tension nerveuse l'avait fait se dresser malgré elle. Elle ramassa son sac, ferma ses tiroirs à clé, et éteignit les lumières.

Sa main n'était pas la seule à trembler. Elle avait l'impression de frissonner des pieds à la tête. C'était toujours l'effet que lui faisait Rome. Même après des années d'effort, durant lesquelles elle ne s'était pas autorisée à penser ni même à rêver de lui, le simple fait d'entendre sa voix la paralysait sur place. Comme si travailler dans la même compagnie que lui ne suffisait pas, ses efforts pour rester éloignée de lui s'étaient retournés contre elle. Il avait grimpé d'un pas ferme les échelons de la société jusqu'à sa récente promotion au poste de vice-président. Comme elle était elle-même devenue la secrétaire particulière du numéro deux de la compagnie, leurs fonctions respectives les mettaient en contact constant. Grâce au ciel, il avait adopté à son égard une attitude strictement professionnelle, et elle avait fait de même. Qu'aurait-elle pu faire d'autre, alors qu'elle avait commis la folie d'être amoureuse du mari de sa meilleure amie ?

Le parking avait beau être plus frais que la rue, la chaleur la prit à la gorge tandis qu'elle se dirigeait d'un pas vif vers sa voiture de sport, une Datsun dernier modèle. Cette voiture était un parfait exemple de sa tendance récente à collectionner des objets pour remplir le creux de son existence. Depuis l'enfance, elle avait souffert de la froideur du foyer paternel, et pourtant au fil des ans, elle s'était mise peu à peu à remplir le vide de sa vie avec des choses.

...

Elle se gara dans l'allée, derrière la Mercedes bleu foncé de Rome. Elle sortit de sa voiture, franchit lentement les quelques mètres qui la séparaient des cinq marches basses du perron, et pressa le bouton de la sonnette d'entrée.

Rome vint lui ouvrir et s'effaça pour la laisser passer. Un simple coup d'œil vers lui suffit pour que Sarah ait l'impression de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Il était pour elle la personnification même de la beauté masculine.

Il jeta un coup d'œil à son tailleur strict.

— Tu n'es pas repassée chez toi ?

— Non, je me suis simplement arrêtée en route pour dîner.

Il la précéda dans l'escalier, et tout en grimpant les marches derrière lui, elle dégagea son col et remonta les manches de son chemisier de soie jusqu'au niveau de ses coudes.

Rome fit une pause sur le seuil de la chambre qu'il avait partagée avec Diane. Il avait le regard voilé et un pli d'amertume au coin des lèvres alors qu'il restait immobile devant la porte fermée.

— Tu trouveras la boîte dans l'armoire. Je suis dans la chambre des garçons en train de mettre leurs affaires dans des caisses. Prends tout ton temps.

Sarah attendit qu'il soit hors de vue pour ouvrir la porte. Elle tourna le commutateur et resta figée sur place. Rien n'avait bougé dans la chambre de Diane depuis le jour de l'accident. Le livre qu'elle lisait se trouvait toujours sur la table de chevet. Sa chemise de nuit était jetée en travers du montant de lit. Non seulement Rome n'avait plus jamais passé la nuit dans cette chambre depuis la mort de sa femme, mais il l'avait transformée en une sorte de chapelle.

Sarah sortit la boîte du placard et s'assit par terre pour en explorer le contenu. Les larmes lui brouillèrent la vue au moment où elle en sortait la première photo qui les représentait, Diane et elle, en lycéennes. Dieu du ciel ! S'il était aussi douloureux de perdre sa meilleure amie, que devait ressentir Rome qui avait perdu sa femme et ses deux fils.

Diane et elle étaient inséparables depuis l'enfance. Elles l'avaient été tout au long de leur scolarité. Son amie était la plus dynamique des deux, toujours à rire et à bavarder, entraînant Sarah dans son sillage. Ses yeux bleus étincelaient, ses boucles d'un brun doré auréolaient son visage, et son enthousiasme contagieux rendait la vie légère à tous ceux qui l'approchaient. Que de plans elle avait bâtis ! Elle ne se marierait jamais. Elle allait devenir une styliste célèbre et voyager à travers le monde. Alors que Sarah se contentait de rêver d'une famille où régneraient l'amour et la tranquillité.

Pourtant, quelque part en chemin leurs plans s'étaient inversés. Diane était tombée amoureuse d'un grand brun aux yeux sombres et à l'avenir prometteur, qui travaillait dans la même entreprise que Sarah, et Sarah avait su immédiatement que ses rêves à elle ne se réaliseraient jamais. Diane avait oublié ses fantasmes de carrière prestigieuse dès l'instant où elle avait rencontré Rome Matthews et, après avoir donné naissance à deux garçons adorables et adorés, elle s'était laissé bercer dans un océan d'amour et de tendresse.

Sarah, elle, avait dédié sa vie au métier qui était devenu sa seule consolation.

Elle avait bien essayé de ne plus aimer Rome, mais elle avait vite découvert que les émotions ne se laissaient pas contrôler aisément. Si elle n'avait pas été amoureuse de lui avant même qu'il ne rencontre Diane, elle aurait sans doute pu éviter le pire, mais il était son premier et son seul amour. Dès leur première rencontre, elle avait su qu'il représenterait davantage pour elle qu'un simple collègue. C'était son regard qui l'avait frappée dès l'abord, ses yeux sombres et profonds, brûlant d'une extraordinaire intensité intérieure.

Roman Cardwell Matthews se montrait amical à son égard, mais Sarah savait qu'elle était trop effacée pour un homme doté d'un caractère aussi puissant.

Pourtant, cet été-là, quand elle avait invité son amie à l'accompagner au pique-nique annuel de la compagnie, elle ne s'était pas attendue à ce qu'un regard jeté à la vibrante Diane suffise à Rome pour se l'attacher aussitôt.

C'était pourtant ce qui s'était produit. Cinq mois plus tard Diane et Rome étaient mariés. Justin était né trois mois après leur premier anniversaire de mariage, et Shane deux ans plus tard. Deux petits garçons adorables qui possédaient la beauté de leur mère et la détermination de leur père, et Sarah les aimait de tout son cœur, simplement parce qu'ils étaient les enfants de Rome.

Elle était restée aussi proche de Diane qu'elle l'avait toujours été, mais elle avait toujours pris soin de ne pas s'immiscer dans leur vie de couple. Rome voyageait énormément, et Sarah limitait ses visites à ces périodes-là. Elle n'aurait pas su dire pourquoi, mais elle sentait que Rome désapprouvait son intimité avec Diane, quoique, à sa connaissance, il n'ait jamais abordé le sujet. Peut-être ne l'appréciait-il pas. Elle s'efforçait de se trouver le moins possible sur son chemin, et jamais, au grand jamais, n'aurait osé en parler à Diane. Cela n'aurait servi qu'à attrister son amie et à ternir leur amitié.

Sarah faisait des rencontres de son côté, sans jamais s'engager sérieusement. Il n'aurait pas été honnête de sa part d'encourager un autre homme alors qu'elle se savait incapable de répondre à quelque amour qu'il soit susceptible de lui offrir. Si jamais on la taquinait en lui demandant quand diable elle se déciderait à sauter le pas, elle répondait en plaisantant qu'elle aimait trop son métier pour le troquer contre une machine à laver le linge. Cette boutade lui protégeait le cœur, mais n'en restait pas moins un mensonge grossier. En réalité, elle n'avait jamais voulu faire carrière. La réussite professionnelle était tout ce qui lui restait.

Diane et les enfants étaient toute la vie de Rome et l'accident de la route qui les lui avait arrachés, deux ans plus tôt, avait bien failli le détruire. Depuis le drame, nul n'avait plus entendu le son de son rire, ni revu la lueur qui autrefois étincelait dans son regard.

Ce jour-là, Diane conduisait les enfants à l'école quand un chauffard ivre circulant en sens inverse avait franchi la ligne jaune, et était venu percuter de plein fouet la voiture des Matthews. Si l'homme n'avait pas péri lui aussi au volant de son véhicule, Rome aurait été capable de l'étrangler de ses propres mains. Il était devenu fou de douleur à l'annonce de l'accident. Justin était mort sur le coup, Shane deux jours plus tard. Diane était restée dans le coma durant trois semaines ; elle était morte sans jamais avoir repris connaissance ni appris la disparition de ses fils. Durant ces interminables journées, Sarah avait passé tout son temps libre au chevet de son amie, tenant sa main inerte entre les siennes, s'efforçant de lui transmettre une volonté de vivre, mais craignant que Diane n'ait perdu tout désir de se réveiller de son sommeil mortel. Rome n'avait pas quitté l'autre côté du lit, accroché à la main qui portait son alliance, le visage gris et inerte, barricadé en lui-même. Diane représentait son dernier espoir, le seul rayon de soleil qui lui restât après la perte de ses enfants, mais la lumière fragile qui demeurait en elle avait vacillé et s'était finalement éteinte, le laissant dans l'obscurité.

— Tu as trouvé quelque chose que tu aimerais garder ?

— Oui, j'emporte la boîte. Il y a beaucoup de photos de Diane et des enfants... Si tu n'y vois pas d'in...

Il lui coupa la parole.

— Prends tout.

Il franchit le seuil et s'arrêta au milieu de la pièce, comme si c'était la première fois qu'il se trouvait là. Ses yeux étaient éteints et on aurait dit que sa bouche était restée figée dans un rictus amer.

Il enfonça les mains dans ses poches. Les épaules tendues, il semblait se préparer à recevoir le choc des souvenirs que cette pièce devait évoquer pour lui. Il avait dormi dans ce lit, il y avait fait l'amour avec Diane, il y avait joué avec les enfants tôt le samedi matin quand ils se précipitaient dans la chambre pour le réveiller. Sarah se pencha à la hâte pour ramasser la boîte et détourner sa vue de l'angoisse manifeste de Rome.

Une profonde tristesse l'habitait, elle aussi. Elle l'aimait assez pour souhaiter que Diane puisse revenir à la vie et lui rendre le sourire. De toute façon, il ne cesserait jamais d'appartenir à Diane. La mort ne l'empêchait pas de continuer à l'aimer. Il pleurait toujours sa disparition, il souffrait encore mille morts parce qu'il l'avait perdue.

— J'ai fini dans la chambre des garçons, dit-il d'une voix lointaine. Tout est dans des cartons. Je...

Sa voix se brisa soudain, et le cœur de Sarah en fit autant. Il respirait bruyamment, et sa poitrine se soulevait par saccades dans un effort vain pour contrôler ses émotions. Soudain son visage se tordit de rage, il fit demi-tour et frappa violemment du poing contre la commode en laissant échapper une bordée de jurons.

— Ils étaient si jeunes, dit-il d'une voix étouffée. Ils n'ont pas eu la chance de vivre leur vie. Ils n'ont jamais connu les jeux d'équipe, les années d'université, leur premier baiser. Ils n'ont pas connu l'amour. Ils n'ont pas vu naître leurs enfants.

Sarah serra la boîte contre sa poitrine.

— Justin avait une petite amie, dit-elle d'une voix mal assurée. Elle s'appelait Jennifer. Il y avait quatre Jennifer dans sa classe, mais il m'a affirmé un jour que « sa » Jennifer était la plus jolie. Il l'avait embrassée sur la bouche, et elle s'était laissé faire mais, apparemment, elle a eu peur quand il lui a demandé de l'épouser...

Elle s'interrompit quelques instants avant de conclure :

— Il en a déduit qu'elle n'était pas encore mûre pour le mariage, et m'a déclaré qu'il avait bien l'intention de garder les yeux sur elle.

Elle eut un petit rire. Elle avait imité le ton de Justin, avec son accent conquérant de gamin de sept ans, et Rome faillit sourire. Quand il se retourna, quelque chose qui ressemblait à sa flamme ancienne dansait dans son regard. Soudain il se mit à rire de bon cœur.

— Quelle petite caboche il avait ! La pauvre Jennifer n'aurait pas eu la moindre chance de lui échapper.

Le cœur de Sarah fit un bond en entendant le rire de Rome, son premier rire véritable en l'espace de deux ans. Il n'avait plus parlé de Diane ni des garçons depuis l'accident. Il avait enfoui ses souvenirs avec sa douleur au plus profond de lui-même, comme si c'était nécessaire à sa survie.

— Si tu veux, je te rendrai ces photos un jour, elles sont à toi.

— Merci.

Il haussa les épaules comme pour chasser la tension qui régnait entre eux.

— ...C'est plus difficile que je ne m'y attendais. C'est encore... tout simplement insupportable.

Sarah baissa la tête, incapable de le regarder sans se mettre à pleurer.

Quand elle releva la tête, Rome était assis sur le lit qu'il avait partagé avec Diane et faisait glisser le négligé de soie entre ses doigts d'un geste répétitif.

— Rome...

Elle s'interrompit, ne sachant que lui dire. D'ailleurs, qu'aurait-elle bien pu lui dire ?

— Je continue à me réveiller la nuit et à la chercher auprès de moi. Elle portait ce déshabillé la dernière fois que nous avons fait l'amour. Je ne m'habitue pas à son absence. Cette douleur sourde ne me quitte pas, même quand je suis avec d'autres femmes.

Sarah en eut le souffle coupé. Ses yeux s'agrandirent et se voilèrent ; il leva la tête vers elle, le regard amer.

— Qu'est-ce qui te choque, Sarah ? Que j'aie eu d'autres femmes ? Je suis resté fidèle à Diane durant huit ans. Je n'ai jamais même effleuré d'autres lèvres que les siennes. Et pourtant, durant certains longs voya¬ges d'affaires, j'étais si tourmenté par le désir qu'une souffrance physique me tenait réveillé toute la nuit. Mais elle était irremplaçable. Alors j'attendais de rentrer à la maison, et nous ne dormions pas de la nuit entière.

La gorge serrée, Sarah s'écarta de lui sous prétexte de déposer la boîte sur la coiffeuse. Une douleur sauvage et inattendue lui déchirait les entrailles. Elle ne voulait rien entendre de plus. Elle avait toujours évité de penser à leurs ébats amoureux. Elle s'était toujours efforcée de ne pas laisser la jalousie détruire son amitié pour Diane. Elle y était arrivée tant que Diane avait vécu, mais maintenant les images crues qui accompagnaient les confidences de Rome lui transperçaient le cœur. Elle lui tourna le dos pour se protéger des mots qu'elle se refusait à entendre. Derrière elle, le lit craqua au moment où il se levait ; soudain, elle sentit qu'il l'agrippait avec violence et la faisait pivoter pour la forcer à le regarder.

— Qu'est-ce qui te déplaît tant, sainte Sarah ? Es-tu tellement prisonnière de ton monastère mental que tu ne supportes pas d'entendre des gens normaux parler de cette activité immorale qui s'appelle le sexe ?

La hargne de Rome la pétrifia. Sa poigne l'immobilisait, et sa colère la sidérait. Elle se rendait bien compte que sa rage s'adressait moins à elle qu'au sort qui lui avait arraché son épouse en ne lui laissant qu'un vide abyssal au cœur. Mais Rome dans cet état-là n'en était pas moins un homme à craindre.

Il la secoua comme pour la punir d'être une femme chaude et bien vivante, alors que Diane avait disparu pour toujours.

— Je ne peux pas dormir avec une autre, gémit-il soudain. Je ne parle pas de sexe. J'ai couché avec une autre femme deux mois à peine après la mort de Diane, et je me suis haï pour ça le matin suivant. Non ! Pas le matin suivant, mais dès la minute où ce fut fini ! J'avais l'impression de lui avoir été infidèle, et je me suis senti si coupable que j'ai dû courir jusqu'à ma chambre pour vomir. Je n'avais même pas pris de plaisir à l'aventure, mais j'ai recommencé la nuit suivante, de façon à res¬sentir de nouveau ce sentiment de culpabilité. Je voulais me faire souffrir, me faire payer pour continuer à vivre alors qu'elle était morte. J'ai eu beaucoup d'aventures depuis ; chaque fois que j'en ressens le besoin, il y a toujours une femme prête à s'allonger avec moi. J'ai besoin de sexe, et je me sers amplement, mais quand j'ai fini, il faut que je m'en aille. Dans mon esprit, je suis toujours l'époux de Diane, et je ne peux pas dormir avec une femme qui ne soit pas elle.

Sarah suffoquait sous le souffle brûlant de Rome dont le visage, trop près du sien, était de nouveau déformé par la rage et la douleur. Elle s'arracha à son étreinte. Elle ne voulait plus entendre le récit de ses ébats intimes. Elle lui jeta un regard désespéré qu'il ne remarqua même pas. Il poussa un gémissement, tomba à genoux sur le plancher, et enfouit la tête entre ses mains. Ses épaules se mirent à trembler convulsivement.

Il n'y avait plus assez d'oxygène dans la pièce. Les poumons tendus par l'effort, Sarah avait du mal à retrouver sa respiration. Elle était prise de vertige, comme si elle allait s'évanouir. Mais ce ne fut pas ce qui arriva. Sans savoir trop comment cela s'était produit, elle se retrouva à genoux à côté de Rome. Elle l'enveloppa dans ses bras ainsi qu'elle avait tant de fois rêvé de le faire. Aussitôt Rome l'enserra avec une force à lui briser les côtes. Il enfouit le visage dans sa poitrine et se mit à pleurer à gros sanglots qui lui secouaient le corps. Sarah lui caressa les cheveux et le laissa pleurer. Il en avait bien le droit ; il avait retenu ses larmes trop longtemps, sans laisser quiconque entrevoir sa douleur ni donner libre cours à son désespoir. Sarah ne remarquait même pas les larmes qui lui mouillaient le visage et lui brouillaient la vue. Rien ne comptait que Rome. Elle le berçait douce¬ment, sans une parole, car sa présence seule pouvait le protéger de la solitude amère qui avait transformé son cœur en un espace de désolation glacée.

Il se calma peu à peu. Elle entendait les profondes inspirations qu'il prenait pour desserrer l'étau de ses poumons. Elle sentait la chaleur de son souffle sur sa poitrine. Les pointes de ses seins se gonflèrent automatiquement, honteusement, et elle crispa les doigts dans la chevelure de Rome sans le vouloir.

Il leva la tête, les yeux encore humides, tendit la main, et ce fut lui qui essuya les larmes qui humectaient encore les joues de Sarah.

— Sarah, murmura-t-il dans un soupir, avant de lui effleurer les lèvres.

Elle retint sa respiration, comme si ses mille prières venaient soudain de se réaliser. Ce n'était qu'un baiser de remerciement, mais le plaisir ressenti lui faisait monter le sang à la tête. Elle se laissa aller contre lui. Toujours à genoux sur le sol, ils s'étreignirent.

Il s'écarta pour la regarder de nouveau, et l'expres¬sion de ses yeux se fit plus perçante. Il possédait trop d'instinct viril pour se méprendre sur ses réactions. Il contempla sa bouche généreuse, ses lèvres entrouvertes, et son intuition le poussa de nouveau vers elle. Cette fois-ci, il n'y eut rien de léger dans la pression de ses lèvres. C'était un baiser affamé et exigeant. Il poussa sa langue dans sa bouche avec autorité, et l'intimité de leur contact la fit de nouveau défaillir de plaisir. Elle émit un gémissement tandis qu'il couvrait son corps du sien et la faisait basculer contre le sol.

Il se releva, la souleva comme une plume, et la porta jusqu'au lit. Avec un grognement de plaisir il s'allongea sur elle, lui écarta les jambes, et se cala contre elle dans un mouvement aussi simple et naturel que sa respiration.

Les instincts qu'il éveillait donnaient à Sarah le vertige. Elle l'aimait depuis si longtemps qu'à cet instant-là elle eut le sentiment que ses rêves les plus fous se réalisaient. Elle était prête à lui offrir tout ce qu'il désirait. Elle sentait le durcissement viril de son corps. Seuls leurs vêtements constituaient des barrières insupportables qui empêchaient leurs chairs enflammées de se rejoindre.

Le paradis se dissipa brusquement. Il roula sur le côté, s'assit sur le rebord du lit, et plongea la tête dans ses mains.

— Que le diable t'emporte, dit-il d'une voix pleine de dégoût. Tu es censée être son amie, mais tu te roules dans son lit avec son mari.

Encore sous le choc, Sarah se rassit, rajusta sa tenue, et écarta les mèches qui lui retombaient sur les yeux. Elle ne pouvait pas lui en vouloir de cette accusation.

Elle comprenait la culpabilité qu'il ressentait, et l'état de vulnérabilité émotionnelle dans lequel il se trouvait.

— J'étais sa meilleure amie, murmura-t-elle.

— On ne le dirait pas !

Elle se remit debout, les jambes encore flageolan¬tes.

— Nous sommes tous les deux bouleversés, dit-elle d'une voix mal assurée. Nous avons tous les deux perdu le contrôle de nous-mêmes. J'aimais Diane comme une sœur, et elle me manque à moi aussi.

Elle commença à reculer, tout en cachant son désarroi sous des mots sans suite.

— ...Nous n'avons pas à nous sentir coupables ; il n'y avait rien de vraiment sexuel. Nous avions besoin de réconfort. Nous étions juste bouleversés au point de...

Il se dressa comme un diable hors de sa boîte.

— Rien de sexuel ? Et quoi encore ? J'étais entre tes jambes ! Une minute de plus, et tu aurais continué à appeler ça du « réconfort » ? Dieu du ciel, tu ne saurais toujours pas la signification du mot « sexe » si tu étais mordue par le serpent ! Tu n'es qu'un iceberg, qui ne sait rien des hommes ni de leurs désirs !

Sarah fit volte-face, le visage blanc, et les yeux voilés par le chagrin.

— Je n'ai pas mérité ça, murmura-t-elle avant de prendre la fuite.

Elle avait dévalé l'escalier avant qu'il ne réalise son départ. Il poussa un cri et se jeta à sa poursuite.

— Sarah ! hurla-t-il avec furie au moment où il arrivait sur le seuil, juste à temps pour la voir passer la marche arrière et rejoindre la rue principale dans un crissement de pneus. Debout sur le perron, il regarda ses feux arrière jusqu'à ce qu'ils disparaissent dans le tournant. Puis il rentra, fit claquer la porte derrière lui en jurant bruyamment. Il finit par apercevoir la veste de tailleur qu'elle avait laissée sur la balustrade et la ramassa.

Comment pouvait-il lui avoir parlé de la sorte ? Elle avait raison ; elle ne méritait pas ça. Il s'était vengé sur elle de la culpabilité qu'il ressentait, et cette culpabilité était le produit de ce qui s'était passé non seulement au cours des minutes précédentes, mais aussi durant les années qu'il avait passées à la lorgner à distance et à la désirer, bien qu'elle fût la meilleure amie de Diane.

Rome fixait la veste de lin, et sa bouche se crispa. Sarah ne se rendait-elle pas compte de ce qu'elle représentait pour n'importe quel homme ? Elle était si froide, si pâle, si lointaine, si complètement renfermée sur elle-même... Elle ne songeait qu'à sa carrière, et elle faisait clairement comprendre à tout un chacun qu'elle n'avait besoin de personne. Pendant des années la rumeur avait couru qu'elle était la maîtresse du pré¬sident de la compagnie, mais Diane assurait que c'était faux, et il avait fait confiance au jugement de sa femme. Diane pensait que Sarah devait avoir vécu une affaire de cœur malheureuse, mais qu'elle gardait jalousement son jardin secret.

Il se souvint de la première fois où il avait eu envie de Sarah... c'était le jour de son propre mariage ! Il attendait avec impatience de pouvoir quitter la réception en compagnie de Diane, et c'était à ce moment-là qu'il avait aperçu la jeune femme, seule comme elle l'était souvent, ses cheveux plus blonds que les blés remontés en chignon, un sourire de politesse accroché sur son visage pâle.

...

Une dizaine de jours après la crise cardiaque de M. Graham. Maxwell Conroy débarqua de Montréal. Grand et mince, il possédait un accent très britannique, une crinière de cheveux blonds, et des yeux bleu-vert les plus vifs et les plus malicieux que Sarah ait jamais vus. Il était d'une élégance rare. Il avait un air de jeunesse éternelle et une allure aristocratique qui laissaient les femmes sans voix. Si Sarah avait été capable de regarder un autre homme que Rome, elle serait très probablement tombée amoureuse de son nouveau supérieur au premier coup d'œil, mais dans les circonstances présentes, il ne reçut d'elle que son sourire habituel, poli et distant.

Il ne perdit pas un instant avant d'essayer de la conquérir. La première fois que Sarah se retrouva en tête à tête avec lui, il l'invita à dîner. Elle le dévisagea avec des yeux agrandis par la surprise. Il n'y avait pas moyen de se méprendre sur ses intentions. L'expression de ses yeux laissait deviner chacune de ses pensées. Elle se mordit la lèvre. Pouvait-elle refuser sans compromettre l'avenir de leurs relations professionnelles ? D'un autre côté, elle voulait d'autant moins s'engager que Rome pouvait lui demander de sortir avec lui à n'importe quel moment.

— Je ne pense pas que cela soit une bonne idée, dit-elle de sa voix la plus douce. Il faut que nous travaillions ensemble. Vous savez que, dans la compagnie, les membres du personnel sont entièrement libres de leurs mouvements. Il est néanmoins déconseillé d'entretenir des relations privées à l'intérieur d'un même département.

— Je sais aussi que nul ne s'en offusque, à condition que cela reste discret.

Elle prit une profonde inspiration.

— Je vois quelqu'un d'autre.

— Il en serait fâché ? demanda aussitôt Maxwell, et Sarah ne put s'empêcher de sourire.

— Probablement pas.

Mais son petit rire s'étrangla dans sa gorge, et ses yeux s'embrumèrent.

— Alors, c'est un imbécile, murmura Maxwell entre ses dents. Eh bien ! Si jamais vous décidez de donner une chance à un autre, faites-le-moi savoir.

— Entendu, dit-elle, tout en soutenant son regard perçant. Je m'en souviendrai.

La vérité l'obligeait à reconnaître qu'à l'exception de Rome, aucun homme ne l'avait jamais autant attirée que Maxwell. Elle se sentait curieusement détendue en sa présence. Elle savait aussi qu'il respecterait les barrières qu'elle avait élevées entre eux, et ne les franchirait pas sans sa permission.

Ce soir-là, Rome et Maxwell s'attardèrent dans le hall d'entrée à continuer l'une de leurs conversations. Sarah ferma son bureau, et passa devant eux pour sortir, en prenant bien soin de ne pas regarder Rome.

Maxwell se retourna à son passage et la suivit du regard, les yeux brillant d'un intérêt non dissimulé. Rome fit de même. Elle marchait avec grâce, et sa jupe suivait les mouvements de ses jambes ravissantes. Mais Rome n'aima pas la façon dont Maxwell la contemplait, comme un chat épiant un canari. Un nœud de colère se forma dans son estomac.

— Une très jolie femme, dit-il en surveillant la réaction de Maxwell.

Ce dernier lui jeta un regard incrédule.

— Jolie ? Vous voulez dire qu'elle est d'une beauté renversante ! Si discrète et subtile qu'il faut bien la regarder pour s'apercevoir de la pureté de ses traits.

Rome avait vu ce visage illuminé par le plaisir, ces lèvres gonflées par ses baisers, toute prête à mendier davantage. Il avait choisi sa tactique et avançait vers elle avec une lenteur insoutenable. Il attendait d'elle un geste indiquant qu'elle souffrait autant que lui de leurs étreintes inachevées. Oui, elle aimait leurs baisers, mais elle gardait une distance qu'il n'avait pas réussi à effacer. Elle l'embrassait avec des élans torrides, mais elle ne l'invitait pas à rester. Il commençait à désespérer. Son corps lui faisait mal. Il lui avait consacré toutes ses soirées libres, ce qui voulait dire qu'il n'avait pas eu l'occasion d'assouvir ses élans sexuels avec une autre femme. Il n'avait pas vécu un tel supplice depuis l'époque de son adolescence, alors qu'il s'efforçait tous les vendredis soir de convaincre sa petite amie de l'époque de lui sacrifier sa virginité.

Mais si Sarah devait s'abandonner un jour, ce serait avec lui.

Le diable l'emporte ! songea-t-il. Pas question qu'il laisse à Maxwell le privilège de faire fondre sa réserve et de la voir s'embraser avec lui dans un feu dévorant... Rome entendait bien être l'objet de tous les désirs de Sarah. Elle n'appartenait qu'à lui.

— Je l'avais remarqué, dit-il d'une voix égale, mais avec un ton d'avertissement.

Maxwell lui jeta un regard aigu et soupira.

— Ainsi donc, vous m'avez devancé ?

— Je la connais depuis des années, dit Rome sans s'engager.

— Je connais la dame de compagnie de ma très chère mère depuis des années, rétorqua Maxwell du tac au tac, mais elle ne m'intéresse nullement.

Rome se mit à rire, ce qui lui arrivait plus facilement depuis une semaine ou deux. Malgré tout, il appréciait Maxwell. Max pouvait bien avoir l'œil rivé sur Sarah, il n'y avait rien en lui de sournois. Il ne forcerait pas les choses, mais saisirait sa chance si jamais elle se présentait. Ce qui ne changeait rien à la détermination de Rome de posséder Sarah pour lui seul. Il échangea avec Max un regard de complicité masculine. Max eut un haussement d'épaule.

— J'attendrai dans les coulisses, au cas où vous échoueriez.

— Me voilà rassuré, dit Rome d'un ton sardonique.

— Ne le soyez pas trop quand même, dit Max avec un petit sourire.

...

— Vous grignotez ces amandes comme si vous n'aviez rien mangé depuis trois jours, lui glissa soudain Rome à l'oreille.

Il employait le vouvoiement réservé à leurs relations en public. Elle était encore sous le coup de la surprise, quand il lui prit le verre des mains et le remplaça par un autre plein d'un liquide ambré.

— Tenez, vous pouvez boire celui-ci en toute tranquillité. C'est du Ginger ale, ajouta-t-il avant d'avaler d'un trait le résidu de son cocktail alcoolisé.

— J'ai déjà fini le lait qui restait dans le réfrigérateur, dit-elle en riant. Aviez-vous peur que je ne m'écroule avant la fin de la soirée ?

Il la dévisagea d'un air sombre. Il ne voyait plus trace de la mélancolie qui l'avait toujours caractérisée. Que son rire léger soit dû à l'alcool absorbé ou à une autre cause n'importait guère. Il avait bien l'intention de lui rendre visite dès que la réception serait terminée. A en juger par la façon dont elle le regardait, il se pouvait bien que les fils invisibles qui l'avaient empêchée de se donner tout entière à lui jusqu'à maintenant soient en train de se relâcher.

— Oh, non ! vous ne feriez jamais une chose aussi déplorable que de vous soûler. Vous tenez trop à votre image de secrétaire parfaite. D'ailleurs, Max ne jure déjà plus que par vous.

— Max est charmant, répondit Sarah avec chaleur, tout en cherchant dans l'assemblée la haute et élégante silhouette, et sans se rendre compte que les yeux de Rome s'assombrissaient dangereusement. J'aimais beau¬coup M. Graham, mais je dois reconnaître qu'il est plus amusant de travailler pour Max. Il a l'art de faire bouger les choses.

Conscient qu'il avait sans doute commis une erreur en introduisant le nom de Max dans la conversation, Rome se déplaça instinctivement, et se positionna de façon à boucher la vue de Sarah.

— J'aimerais vous rendre visite ce soir, si cela ne vous ennuie pas ?

Il y avait dans sa voix une note dure qui transformait sa demande en ordre. Sarah lui jeta un regard circonspect.

— Si vous voulez. Je n'ai pas l'intention de m'attarder très longtemps de toute façon. Vous avez dîné ? Ou bien vous êtes-vous contenté de ça ? ajouta-t-elle en désignant d'un geste de la main les plats de crudités colorés mais peu consistants dont elle s'était nourrie toute la soirée.

Rome avait un appétit solide.

— Je meurs de faim, dit-il. Voulez-vous que nous allions souper ?

— Je préférerais ne pas sortir. Il me reste à la maison de quoi faire d'énormes sandwichs au poulet.

— J'échangerais tous les céleris et toutes les carottes de la terre pour un gros sandwich au poulet !

Il se sentit d'humeur plus légère et lui sourit. Sarah lui rendit son sourire. Il se détendait chaque jour davantage, et de son côté, elle s'épanouissait sous son regard. Il commençait peut-être à la considérer d'une façon qui dépassait la simple amitié. L'espoir la fit resplendir, et sa beauté attira le regard de plus d'un homme dans l'assemblée.

Max se matérialisa soudain tout près de Rome, mais c'était de toute évidence Sarah qui l'intéressait.

— J'aimerais que vous restiez à mes côtés, dit-il tout en remarquant à quel point la teinte abricot de sa robe était assortie à son teint. Après tout, je suis totalement perdu sans vous. Si vous n'aviez pas été là depuis mon arrivée pour m'indiquer sans cesse la direction à prendre, je serais passé pour un bel idiot.

Il tendait déjà la main vers Sarah quand Rome s'interposa, l'œil dur.

— Je vous ai déjà prévenu une fois, dit-il d'une voix lourde de menace. Laissez Sarah tranquille !

— Rome !

Prise au dépourvu, Sarah n'arrivait pas à comprendre comment Rome osait se comporter d'une façon pareille dans une réunion d'entreprise.

— Vous ne lui avez pas passé la bague au doigt, dit Max sans s'émouvoir le moins du monde. Vous allez devoir prendre des risques.

Pâle de désarroi devant la façon abrupte dont une conversation badine avait tourné à une bataille entre mâles, Sarah recula d'un pas.

— Arrêtez ! dit-elle d'une voix à peine audible. Je vous interdis à tous deux de dire un mot de plus.

Les narines frémissantes, Rome passa le bras autour de la taille de la jeune femme.

— Je ramène Sarah chez elle, dit-il d'une voix assez haute pour que plusieurs personnes se retournent. Elle ne se sent pas bien. Voulez-vous transmettre mes excuses à nos invités, Max ? Je vous verrai demain au bureau.

Sarah savait qu'elle devait être livide, ce qui rendait le mensonge de Rome parfaitement crédible. Il la guida vers la sortie d'un pas trop rapide pour que quiconque pût les approcher. Il la portait plus qu'il ne la soutenait.

— Rome !

Les ascenseurs se trouvaient au bout d'un long couloir. Rome glissa soudain un bras derrière ses genoux et la souleva de terre d'un mouvement si rapide qu'elle eut le vertige et s'accrocha à son cou. Ils croisèrent un homme en habit de soirée qui les regarda avec le plus grand intérêt.

— Tu te donnes en spectacle ! Qu'est-ce qui te prend ?

Un tintement annonça l'arrivée de l'appareil. Rome entra dans l'ascenseur en la tenant toujours dans ses bras.

— Tu pourrais peut-être me déposer maintenant, suggéra-t-elle. Tu n'as tout de même pas l'intention de me porter à travers le hall de l'immeuble ?

— Nous sommes au Texas. Personne n'en serait surpris... quoique, ajouta-t-il avec une pointe d'humour, je sois censé, pour respecter les formes, te jeter en travers de mon épaule.

Il la reposa à terre, sans cesser pour autant de la tenir par la taille.

— Puis-je savoir ce qui s'est passé ?

— Cela s'appelle revendiquer un droit.

...

Les yeux brûlants et le corps tout entier raidi par la tension nerveuse, il prit une inspiration profonde mais saccadée.

—Sarah, veux-tu m'épouser ?

— Pourquoi ?

— Je crois que nous pourrions réussir notre vie de couple. Nous avons tous les deux des activités profession¬nelles enviables ; nous serons à même de comprendre les tensions inhérentes à nos carrières, et de tenir compte des impératifs de temps qui empiéteront sur notre vie privée. Nous nous entendons aujourd'hui mieux que jamais, et nos voyages d'affaires nous donneront à chacun l'espace nécessaire. Je sais que tu tiens à ton indépendance, que tu as besoin de temps à toi, continua-t-il en guettant sur son visage lisse un semblant de réaction. Nous saurons respecter nos domaines réservés.

— Si nous avons besoin de tant d'indépendance, pour¬quoi nous donner le mal de nous marier ? Pourquoi ne pas laisser les choses en l'état ?

L'expression de Rome s'adoucit tandis qu'il admirait la cascade dorée de la chevelure de Sarah.

— Sarah, si tu étais femme à te contenter d'une aventure passagère, tu n'aurais pas été vierge hier soir.

— Je serai un époux modèle, travailleur et loyal.

J'aime être domestiqué. J'aime la stabilité, la compagnie, boire mon café avec quelqu'un les matins de pluie et les froides nuits d'hiver. Il pleut en ce moment. N'est-ce pas agréable ?

...

— Avant que tu ne prennes une décision, il y a quelque chose que tu dois savoir.

Il y avait une dureté à peine perceptible dans son ton qui trahissait le négociateur soupesant les arrière-pensées et comparant les avantages et les inconvénients de la franchise. Il traitait le sujet comme une conversation au sujet d'une fusion d'entreprises.

— Je ne veux pas d'enfants. Jamais. Après avoir perdu Justin et Shane, je ne supporte plus les enfants. Si tu en veux, alors je préfère m'en aller, parce que je suis incapable de t'en donner.

La douleur lui déforma soudain le visage, mais il ne tarda pas à reprendre le contrôle de lui-même, et la détresse fit place à la résignation.

— Je ne peux pas m'habituer à leur absence...

— Veux-tu encore de moi dans ces conditions ?

— Oui, dit-elle avec le plus grand calme. Et maintenant ?

...

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Commentaires récents

Commentaire ajouté par letty85 2015-09-04T20:30:50+02:00
Lu aussi

Une sympathique romance signée Harlequin. L'intrigue est loin d'être originale et le scénario est sans surprise mais il y a une belle galerie de personnages principaux et secondaires (au point que j'aurais adoré que l'auteure leur écrive des romans pour chacun d'entre eux^^) et l'auteure arrive parfaitement à nous émouvoir.

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Commentaire ajouté par assiaz55 2015-05-08T23:39:13+02:00
Lu aussi

Le résumé était prometteur, mais l'histoire a été décevante pour moi. Manque de profondeur des personnages, je n'ai pas du tout accroché.

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Commentaire ajouté par Oxalis 2015-05-05T15:10:42+02:00
Or

J'ai beaucoup apprécié. Sarah est une héroïne parfaite, jusqu'au bout. Je ne sais pas comment la décrire, mais juste miam. Rome, celui-là j'avais envie de le frapper à chaque fois qu'il sortait une phrase pour blesser Sarah, et il l'a fait jusqu'à la fin même, sans chercher à s'excuser. J'ai horreur des gens qui rejettent des âmes innocentes, surtout pas des bébés. Bon bien sûr, je peux respecter le fait qu'il a perdu sa première femme et ses deux fils...même compatir avec lui, parce que c'est terrible, les parents ne doivent jamais enterrer leur enfant, c'est trop horrible. Heureusement, Sarah était là pour le sauver. :D

Les personnages secondaires étaient superbes, Max, Derek et Marcia. J'aurais infiniment aimer que Max soit le héros, hélas on obtient rarement ce que l'on veut vraiment, surtout lorsqu'on a pas le choix. ;)

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Commentaire ajouté par sameera 2014-12-31T05:05:21+01:00
Argent

Très bien.

Une histoire triste mais qui nous montre comment un homme peut revenir à la vie même s'il n'en a pas envie. Le livre aurait été meilleur si plus de passages avaient été écrits du point de vue de Rome car Sarah vit en fonction de ses humeurs et de ses envies à lui. Mais bon, on a déjà accès à certaines de ses pensées ce qui est plutôt rare. Beaucoup de livres ne sont écrits que du point de vue d'un seul personnage. Sarah est vraiment la fille folle amoureuse par excellence. Elle serait prête à faire tout et n'importe quoi pour lui mais réellement. Elle choisit d'ailleurs Rome plutôt que son bébé. Le choix qu'elle lui donne n'en est pas vraiment un puisqu'elle ne négocie pas le fait qu'il doit endosser son rôle de père mais seulement la vie de leur bébé.

La fin est rapide et j'ai fini ce livre en étant contente pour Sarah qui méritait tellement d'avoir ce qu'elle voulait.

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Commentaire ajouté par Angelique-zoe 2013-10-10T09:41:06+02:00
Argent

Une très belle histoire, qui nous fait pleurer. Rome a un passé tragique et Sarah ne se laisse pas approchée facilement.

J'ai vraiment déteste Rome par moment, il méritait des baffes......

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Date de sortie

Un mariage sous condition

  • France : 2004-01-01 (Français)

Activité récente

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2024-01-25T00:16:11+01:00
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