Extraits

- Je suis les mondes refaits, les espoirs défaits, les choses qui existent et celles à chercher, l'interminable attente, au bord de la sente...

- Tu connais l'histoire de la chèvre ? [...] La chèvre, elle affronte le loup, elle sait que c'est perdu d'avance mais tant pis. Elle se bat en attendant l'aube...Elle a désobéi à son maître en se rendant dans la montagne. Elle voulait seulement croquer les fleurs sauvages...Mais sans en avoir conscience, elle donne tout à coup à son existence de chèvre une épaisseur inconnue des autres bêtes...[...]

Cette chèvre, elle montre au monde entier que la vie se moque bien de la durée ! La vie, elle veut l'instant et l'éternité...La chèvre a tout compris. Elle préfère quelques heures sur la montagne plutôt qu'une longue existence dans sa bergerie...Elle troque l'éternité des chèvres contre un instant, un éclair. L'espace d'une nuit à attendre les premiers rayons du soleil, le goût plus fort de l'herbe, la noirceur apaisante de la nuit ! Elle accepte le prix, le prix à payer pour vivre mieux. Elle va se fracasser dans un combat ultime, tandis que là-haut tremblent les étoiles. Et là, dans les yeux de l'autre bête, elle se voit pour la première fois...

Livie se fend d'un grand sourire.

- C'est une histoire magnifique !

Féral est ému. Il a enfin réussi à exprimer pour cette fille qui brûle dans ses bras ce qu'il ressentait au fond de lui. Et Féral comprend à présent que s'il n'a jamais oublié cette histoire, si elle résonne si fort après toutes ces années, c'est parce que c'est une chèvre qui lui a appris à être un homme.

On s'est retrouvés captifs de prisons sans mur, comme des esclaves amoureux de leur propre servitude...Et dans ces prisons, on a perdu le sens du mystère. La plupart des gens aujourd'hui rendent un culte aux objets, s'oublient derrière les miroirs qui ont remplacé leurs fenêtres. Ils ont, encore un peu, mais ils refusent absolument d'être...

- Je suis l'horizon orange qui fabrique d'étranges orages...

Les coups que Féral donne et ceux qu'il reçoit, peu d'hommes le pourraient, mais Miguel et lui ont en eux autre chose, une chose qui se lit dans le feu qui embrase leurs prunelles, dans la lave qui coule à l'intérieur de leurs veines. Ce feu qui les consume, venu des profondeurs, eux les farouches. Ce feu qui les condamne...