Un prêtre à la guerre

À huit ans, je ne me pose pas la question de savoir pourquoi je veux être prêtre. Je suis un petit garçon et on m’a dit qu’il est bon d’aimer Dieu qui est alors pour moi aussi évident que la respiration. Cette évidence immédiate ne m’a jamais quitté non plus. Dans le même temps, je constate bien que dans ma vie je ne L’aime pas tous les jours. Que tout ce que je fais n’est pas toujours bon. Qu’il m’arrive de commettre des péchés de gourmandise ou d’orgueil, de me mettre en colère, ou de commettre d’autres péchés d’enfant. Mais, outre mes parents, je suis guidé par une série de figures sacerdotales qui m’aident à avancer. Je songe bien sûr à ce prêtre qui m’a posé cette question « étincelle » et qui me touche par sa piété et l’attention qu’il porte à bien célébrer la messe. Je me souviens aussi des saints prêtres de la paroisse Saint-Aubin que j’ai connus quand nous habitions Rennes. Au cœur des réformes liturgiques les plus déconcertantes, ils étaient demeurés fidèles à la tradition de l’Église sans entrer en rupture avec Rome ou l’épiscopat français. Par leur mode de vie et leur action pastorale, ils ont fait preuve d’une crédibilité qui m’a beaucoup influencé. Si j’avais rencontré sur ma route un prêtre pédophile, peut-être cela aurait-il ruiné à tout jamais la possibilité pour moi de répondre à cette vocation. J’ai eu la chance et la grâce de croiser des prêtres qui étaient de bons prêtres. Ils n’étaient pas attirants au sens mondain du mot. Plutôt âgés, je n’avais pas du tout envie de leur ressembler. Mais il émanait d’eux quelque chose qui les rendait crédibles et reflétait une autre réalité, et cette réalité me parlait. Parce que cette réalité, Dieu lui-même l’habitait déjà.

Dans ma tête d’enfant, tout cela est très sérieux. Il ne faut jamais faire d’enfantillages avec les enfants. Ils sont souvent plus mûrs que les adultes en matière spirituelle. Tout gamin, je suis capable de comprendre des enjeux spirituels profonds et parmi eux le plus important : le salut de mon âme. Ou je me trompe sur ma vocation, auquel cas je n’ai pas le droit d’approcher le sacerdoce et de m’arroger une fonction à laquelle je ne suis pas appelé. Ou je ne me trompe pas et le cas échéant, il est de la plus grande importance de bien répondre à cet appel. Ce conflit intérieur me suit durant toute ma jeunesse sans que j’en parle à personne.