Un refuge en Irlande

Leo commençait à s’impatienter. Il n’avait pas l’habitude d’attendre, ou de crier pour se faire entendre. La population entière du bourg semblait s’être donné rendez-vous ici, et le niveau sonore était assourdissant. Tous les tabourets de cuir vert étaient occupés, toutes les tables ; derrière le bar, deux filles se démenaient pour servir la foule, une petite brune à la poitrine généreuse et une grande mince à la somptueuse crinière cuivrée. Quand il interpella cette dernière, elle braqua sur lui les yeux verts les plus limpides qu’il ait jamais vus et répliqua :

— Oui, pourquoi ?

— Il me faut une chambre. Je suppose que vous êtes le seul établissement à Ballybay à en proposer ?

Sa question, pourtant assez innocente, eut le don de la hérisser.

— Ici, ce n’est pas assez bien pour vous ?

Cette serveuse était bien susceptible ! Il préféra couper court.

— Je peux parler au propriétaire ?

— C’est ce que vous êtes en train de faire.

L’établissement était à elle ? Surpris, il la dévisagea plus attentivement. Hmm, cette peau crémeuse, lisse comme du satin et vierge de tout maquillage, ces cheveux fabuleux… Dommage qu’elle s’habille aussi mal. Par quel tour de force réussissait-elle à rester aussi spectaculaire dans ce jean délavé et cette chemise d’homme trop grande pour elle ? Il décida de se montrer plus conciliant.

— Bon, reprenons. Je voudrais une chambre.

— Je vous ferai monter dès que j’aurai une minute. Vous voulez boire quelque chose en attendant ?