Ajouter un extrait
Liste des extraits
Il faut toujours se méfier : le moment où l'on croit être victorieux est toujours l'instant le plus dangereux.
Afficher en entier- [...] C'est à vous de choisir.
Je regardai Maurice.
- Moi j'aimerais bien essayer la poterie, dis-je.
Le directeur jeta un oeil sur mon frère.
- Et vous ?
- Moi aussi.
Subinagui se mit à rire devant le ton peu convaincu de Maurice.
- C'est très bien de vous sacrifier. J'ai l'impression que vous n'aimez pas trop vous séparer.
Chacun de nous deux se serait fait couper le poing plutôt que de répondre à une question pareille, et il n'insista pas.
Afficher en entierIl est un monsieur que j’admire
Afficher en entierRaymond - Mais n'aller pas vous imaginer que c'est partout facile, il y a des coins à moins de vingt -cinq kilo-mètre d'ici, où il y a eu des morts il y pas longtemps et ça devient de plus en plus dure...
Afficher en entierDans la glace, le S.S. a aperçu nos deux têtes qui dépassaient.
- À vous les petits garçons ?
Papa a souri.
- Oui, ce sont des voyous.
Le S.S. a hoché la tête, attendri. C'est drôle comme les S.S. pouvaient s'attendrir en 1941 sur les petits garçons juifs.
- Ah, a-t-il dit, la guerre est terrible, c'est la faute aux Juifs.
Les ciseaux ne se sont pas arrêtés, ce fut le tour de la tondeuse.
- Vous croyez ?
L'Allemand a hoché la tête avec une certitude que l'on sentait inébranlable.
- Oui, j'en suis sûr.
Papa a donné les deux derniers coups sur les tempes, un œil fermé comme un artiste.
Un mouvement de poignet pour lever la serviette, la présentation du miroir.
Le S.S. a souri, satisfait.
- Très bien, merci.
Ils se sont approchés de la caisse pour régler.
Papa est passé derrière pour rendre la monnaie. Tassé contre mon père je voyais son visage très haut, très souriant.
Les deux soldats remettaient leurs casquettes.
- Vous êtes satisfaits, vous avez été bien coiffés ?
- Très bien, excellent.
- Eh bien, a dit mon père, avant que vous partiez, je dois vous dire que tous les gens qui sont ici sont des Juifs.
Il avait fait du théâtre dans sa jeunesse, le soir quand il nous racontait des histoires, il mimait avec des gestes amples, à la Stanislavsky.
À cet instant aucun acteur n'aurait pu avoir devant la rampe plus de majesté que le père Joffo derrière son comptoir.
Dans le salon le temps s'était arrêté. Puis Crémieux s'est levé le premier, il serrait la main de son fils qui s'est dressé aussi. Les autres ont suivi.
Duvallier n'a rien dit. Il a posé son journal, rentré sa pipe et François Duvallier, fils de Jacques Duvallier et de Noémie Machegrain, baptisé à Saint-Eustache et catholique pratiquant s'est dressé à son tour. Nous étions tous debout.
Afficher en entier- Qu'on va ?
C'est Maurice qui pose les questions, presque toujours.
Je vais répondre lorsque mes yeux se sont portés vers l'avenue, tout en haut.
Et je les ai vus arriver.
Il faut dire qu'ils étaient voyants.
Ils étaient deux, vêtus de noir, des hommes grands et bandés de ceinturons.
Ils avaient de hautes bottes qu'ils devaient frotter des jours entiers pour obtenir un brillant pareil.
Maurice s'est retourné.
- S.S. murmura-t-il.
On les regardait avancer, ils n'allaient pas vite, d'une démarche lente et raide comme s'ils étaient sur une place immense remplie de trompettes et de tambours.
- Tu paries qu'ils viennent pour leurs tifs ?
Je ne pense pas que l'un de nous ait eu l'idée plus vite que l'autre.
On s'est collés devant la devanture comme si nous étions des siamois, et les deux Allemands sont entrés.
C'est là qu'on a commencé à rire.
Masqué par nos deux corps il y avait un petit avis placardé sur la vitre, fond jaune et lettres noires : "Yiddish Gescheft".
Dans le salon, dans le silence le plus intense que jamais sans doute salon de coiffure ait pu connaître, deux S.S. têtes de mort attendaient genoux joints au milieu des clients juifs de confier leurs nuques à mon père juif ou à mes frères juifs.
Dehors se gondolent deux petits Juifs.
Afficher en entier"C'est une bille de terre et le vernis est parti par morceaux, cela fait des aspérités sur la surface, des dessins, on dirait le planisphère de la classe en rédaction.
Je l'aime bien, il est bon d'avoir la Terre dans sa poche, les montagnes, les mers, tout ça bien enfoui.
Je suis un géant et j'ai sur moi toutes les planètes."
Afficher en entierDans les jours qui suivirent, des soldats désertèrent en masse, le 8 septembre, la nouvelle fut officielle, Maréchal Badoglio avait signé l'armistice près de Syracuse. Les unités passaient la frontière pour continuer la guerre, cette fois contre les Allemands. Au salon de coiffure, un officier vint se faire couper les cheveux et proposa à mes frères de partir avec lui, persuadé que la guerre était finie en Italie.
Un matin, Nice se réveille sans occupants. Pourtant, les rues étaient mornes, les visages inquiets, les passants raser les murs. Londres avait annoncé qu'Hitler expédiait trente divisions d'élite au-delà des Alpes et qu'il occuperait la totalité de la péninsule.
Le 10 septembre, un train s'arrêta en gare et un millier d'Allemands en descendirent. Il y avait des S.S. et des civils parmi eux, des hommes de la Gestapo.
Afficher en entierMais j'ajouterais ceci, qui me paraît le plis important: je n'étais pas mécontent de voir mon aventure devenue un jeu d'enfants. Je serais encore plus heureux qu'elle le reste, et que les adultes, eux, n'aient plus jamais envie d'y jouer.
Afficher en entier«Peut-être ai-je cru jusqu’à présent me sortir indemme de cette guerre, mais c’est peut-être cela l’erreur. Ils ne m’ont pas pris ma vie, ils ont peut-être fait pire, ils me volent mon enfance, ils ont tué en moi l’enfant que je pouvais être… Peut-être suis-je déjà trop dur, trop méchant,Spoiler(cliquez pour révéler) quand ils ont arrêté papa, je n’ai même pas pleuré. Il y a un an, je n’en aurais même pas supporté l’idée. »
Afficher en entier