Un si petit mensonge

Spencer se découvrit incapable d'assimiler les dernières nouvelles du monde des affaires. Le fin chemisier de soie de sa compagne de voyage brouillait le fil de ses pensées. Il avait entrevu un caraco en dentelle en dessous. L'ensemble témoignait d'une délicatesse féminine tellement inattendue, sous la sévérité du tailleur, qu'un frisson le traversa à la pensée de la splendeur de ces formes sagement couvertes. Il se fit l'effet d'un gentilhomme des temps anciens, bouleversé par la vue de la cheville d'une dame...

La page qu'il venait de tourner se froissa entre ses doigts fébriles. Impossible de saisir un traître mot des articles qui s'étalaient sous ses yeux. « Elle est mariée, mariée », psalmodiait sa conscience tandis qu'il savourait la chaleur exquise de cette chair qui le brûlait à travers la chemise. Elle ne portait aucun parfum, mais son odeur naturelle lui chavirait les sens. Il fit voler les pages jusqu'aux cours de la Bourse.