Un troublant accord

L’homme s’avança alors dans la lumière, révélant un visage apparu d’innombrables fois dans la presse à scandales. En découvrant à qui elle venait de servir un énorme mensonge, Dara sentit son sang se glacer.

— Oh ! Mon Dieu, c’est vous…

Ses réflexes professionnels si finement aiguisés la lâchaient au plus mauvais moment face au solide Sicilien d’un bon mètre quatre-vingts qui se dressait devant elle.

— Si vous entendez par là le propriétaire de l’établissement dans lequel vous tentiez à l’instant de vous introduire par effraction, oui, c’est bien moi.

Son regard avait perdu de son éclat ; il semblait surtout las et désabusé désormais.

— Je suppose que vous voulez entrer, maintenant ? reprit-il. Pour m’expliquer que tout cela n’est qu’un affreux malentendu ?

Dara ne sut que répondre. Les bras croisés sur un torse imposant, Leonardo Valente attendait tranquillement qu’elle s’enfonce un peu plus.

Une vague de honte brûlante la submergea. Il croyait de toute évidence à un stratagème de sa part pour arriver jusqu’à lui. Elle avait lu les magazines. Partout où il passait les filles se jetaient à son cou — et pas seulement parce qu’il était riche à millions. Trois qualificatifs lui étaient invariablement accolés : appétissant, délicieux, dangereux. Cela la faisait toujours rire, cette manie de décrire les hommes un peu comme des desserts. Enfin, d’habitude… Ce soir, en voyant celui-ci d’aussi près, elle comprenaitmieux l’image.

Leonardo Valente était tout sauf son genre. Des cheveux sombres un brin trop longs et négligemment coiffés, des cils interminables, les joues ombrées d’une barbe de trois jours… Pourtant, le spectacle valait le coup, elle ne pouvait le nier. Et lui, après un regard à son tailleur et son chemisier sages, l’avait prise pour une groupie venue lui proposer des jeux de… de fétichisme pervers !

Gênée au plus haut point, Dara faillit s’étouffer. Ce n’était pas du tout la première impression flatteuse qu’elle avait escomptée.

— Alors ? reprit-il. Je ne déteste pas me faire reluquer, mais entre nous, je n’ai pas toute la nuit devant moi.

— Je ne reluque personne ! protesta vivement Dara. Je… Je réfléchis.

Seigneur… Son cas s’aggravait de seconde en seconde. La rencontre cruciale pour laquelle elle œuvrait depuis trois semaines s’était enfin produite, et voilà que ses neurones s’étaient mis en veille.

Il haussa un sourcil, goguenard.

— Vous réfléchissiez ? A la situation présente ou à d’autres actes scélérats dont vous vous seriez rendue coupable ce soir ?