Extraits

Jen revit la scène de son choix par les cartes. Elle avait choisi cette carte de brouillard, pour éviter le fouet et les cordes si effrayants. Le brouillard semblait plus facile, des volutes sans souffrances ni violences.

Ce fut alors un cauchemar de réalité. Elle marcha longtemps dans la gare abandonnée, puis dans la ville endormie sans trouver une âme à qui parler, une main à serrer, un regard à croiser, des bras qui la retiendraient... Elle vit des gens pressés qui rentraient chez eux et ne répondirent pas à ses questions, elle rencontra des mendiants qui se sauvèrent quand elle les aborda, des chats et des chiens qui déguerpirent à son approche...

Choisissez maintenant... Maintenant... Choisissez...

Cette phrase résonnait dans la tête de Jen qui restait saisie, écoutant l'écho de ces mots retentir encore et encore à l'infini en une résonnance infinie. Cette situation avait un air de déjà vu, quelque chose d'étrange et de familier, comme si elle avait déjà vécu cette scène. Elle avait rêvé cela, ce wagon et ce décor baroque et chargé de dorures, ces personnes séduisantes et menaçantes, cette vie d'aventures, elle avait vu cela dans ses songes.

Peur et excitation mêlées lui donnaient des spasmes incontrôlables dans le bas-ventre, envie de séduire les hommes qui la regardaient passer, plaisir de sentir leurs mains baladeuses sur ses fesses, appréhension et joie de se retrouver avec David qui avait eu l'air plutôt contrarié de son attitude provocante, inquiétude latente dans cette situation bizarre qui semblait devenir de plus en plus étrange et peut-être dangereuse, perplexité de se voir agir comme elle ne l'aurait jamais fait auparavant.

Jen tourna et retourna le papier entre ses doigts, puis regarda sa montre. Elle indiquait 22 h. Pourtant avant de prendre son bain elle marquait 19 h. La petite aiguille bougeait normalement, mais dans l'autre sens. Incrédule, Jen l’examina attentivement. Oui, elle se déplaçait en arrière, à petites secousses régulières ! Que faire ? Jen décida de la déposer sur le guéridon, la supposant défectueuse. Elle découvrit ensuite les vêtements préparés sur la chaise. Ils étaient plutôt sexy, elle se demanda si elle oserait les porter.

Elle rêva un moment, se demandant si tout cela allait continuer jusqu’à Amsterdam ? Elle s'étonna un peu que le train ne se soit pas arrêté encore à une gare en chemin, cela devait faire des heures qu'il roulait. Elle repoussa ses questions au fond de son esprit, elle voulait vivre cette expérience à fond, tant pis pour le reste !

Le souffle se rapprocha de son épaule, de son cou, des lèvres et des dents lui mangèrent la nuque. Jen trembla, frissonna, les jambes vacillantes. Une électricité se dégageait de leurs deux corps, leurs respirations haletantes se mêlaient aux bruits de boggies... Les mains caressèrent le haut de ses seins, sensation délicieuse, une jambe écarta les siennes, Jen était plaquée contre la fenêtre, la barre oppressant sa poitrine, elle avait peine à respirer. Les yeux écarquillés dans le noir, tremblante de peur et d'excitation, de crainte et de désir, partagée entre l'envie de continuer ce délicieux et troublant enserrement, et la peur de ce qui arriverait ensuite, car il y aurait une suite, c'était inévitable, inéluctable..

Tout en contemplant le paysage qui s'obscurcissait lentement dans la nuit tombante, fermant un peu les yeux sous les flashs des lumières des maisons et des rues que le train longeait dans sa course rapide, Jen revoyait les prémisses de son départ précipité. La fugue de chez elle après une énième dispute entre ses parents, tournant en une sauvage bagarre, puis les quelques jours passés chez cette copine qui avait fini par la mettre à la porte pour être tranquille avec son nouvel ami, les errances dans la rue, puis au bureau de placement, et cette opportunité d'aller à Amsterdam, comme jeune fille au pair.