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Monsieur Anselme : "Allez viens, bourreau des coeurs, faut que j't'occupe. La saison se rafraîchit, on va couper du bois pour l'hiver... Alors ? Qu'est-ce qu'il a écrit, ton copain ?"
Spirou : "Oh, c'est affreux, il a mis : "...Telle celle du Juif satisfait..."
Monsieur Anselme : "Ah oui, c'est moche."
Spirou : "Il dit beaucoup de bêtises, mais ça, ça ne lui ressemble pas..."
Monsieur Anselme : "C'est peut-être à cause de la guerre, les esprits changent pendant les crises..."
Spirou : "Comment ça ? Monsieur Anselme, qu'est-ce qui s'passe au juste avec les Juifs ? Pourquoi les gens les méprisent-ils tant ?"
Monsieur Anselme, lui tendant une hache : "Tiens... Écoute, faut croire que quand les hommes sont perdus, frustrés, ils cherchent un coupable à leur malheur. Ils se rassemblent alors assez facilement dans la haine de l'autre... Ben, dans notre monde chrétien, c'est les Juifs qui ont ce rôle. On les a déjà accusés de tout : de la peste, du choléra, de la famine... De nos jours, ils seraient responsables du capitalisme et du bolchevisme à la fois ! Et ça, crois-moi, c'est fortiche !"
Spirou rit, mais le cœur n'y est pas.
Monsieur Anselme, poursuivant : "Et maintenant, bien sûr, de la guerre... Rien n'a changé..."
Spirou : "Mais pourquoi on leur fait ça ?"
Monsieur Anselme : "Ben parce qu'en réalité, on leur fait payer encore et toujours la même chose..."
Spirou : "Et c'est quoi ?"
Monsieur Anselme : "Bon sang, mais t'es pas au courant ?" [sur le ton de la conspiration, avec ironie] "Chuuut ! Y paraît qu'y a deux mille ans, en Palestine, ils ont tué not'brave Jésus-Christ, dis donc... Ils sont DÉ-I-CIDES... C'est très grave..."
Spirou : "Ah, d'accord, c'est pour ça !"
Monsieur Anselme : "Comment ça "d'accord" ? Que je sache, c'est tout de même les Romains qui l'ont condamné et crucifié, ce pauv' gus !"
Spirou : "Ah mais oui !"
Monsieur Anselme : "C'était l'occupant de l'époque ! Sans blague, c'est plutôt à ces zozos-là qu'y faudrait empoisonner la vie ! À l'aut' César de carnaval !" [en référence à Mussolini, puis, jouant la comédie et faisant un salut Nazi] "AVE ROMANA !!!"
Spirou rit de bon coeur.
Monsieur Anselme, poursuivant, avec ironie : "Mais ça, non, faut pas toucher ! Rome, c'est notre culture à nous... On va quand même pas s'accuser du pire des crimes. Non, non, c'est pas nous..." [Il place une bûche pour la fendre.] "Pourtant on peut dire que de Saint Pierre à Saint Tartempion, ils en ont bouffé du chrétien, les Romains ! Trois cent ans de martyre, la liste est longue ! Mais bon, un jour, ils se sont convertis et tout ce joli monde a été absous... Ça a du bon la religion... Et comme le pouvoir était devenu chrétien, les vrais ennuis ont commencé pour les Juifs : on les a déclaré coupables de trahison, de la mort du Christ et tout l'bazar..."
Spirou, pensif : "Ah... Mais... Comment vous savez tout ça, vous ?"
Monsieur Anselme, surpris : "Ha ! Tu veux dire comment un pauv' paysan comme moi peut savoir tout ça ?" [Il rit.]
Spirou, le rouge aux joues : "Hein ? Non, non !"
Monsieur Anselme : "Bon, Spirou, tu restes planté comme un piquet à m'écouter béatement ou tu coupes du bois ?"
Spirou : "Ah, oui, oui, bien sûr !"
Monsieur Anselme : "Parce que tendre l'oreille, c'est bien, mais tu dois réfléchir et agir par toi-même en te servant de ton bon sens, c'est mieux..."
Spirou : "Heu... J'ai jamais fendu de bûche..."
Monsieur Anselme : "Oh, tu m'as vu faire..." [Spirou se met au travail.] "Si tu veux tout savoir, moi, ma conscience, elle s'est réveillée dans l'enfer des tranchées en 14. C'était tellement atroce et absurde que j'ai failli ne plus croire en l'homme..."
Spirou, interloqué : "Ah..."
Monsieur Anselme : "Alors j'ai cherché à comprendre qui j'étais réellement. Ben, ça n'avait rien à voir avec ce qu'on m'avait appris... Du coup, je m'éduque pour avoir ma propre opinion et combattre les préjugés qu'on nous fourre dans la caboche..." [Voyant la bûche à moitié fendue de Spirou avec sa hache toujours dedans] "Hé ! Mais c'est pas mal du tout ! Tu l'as presque fendue d'un seul coup ! T'es costaud, dis donc !"
Spirou, en riant : "Ha ! Ha ! Mais là, c'est coincé."
Christina, qui arrive en courant : "Anselme ! Anselme ! Y a des soldats allemands qui arrivent !"
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