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Cette sœur de Shakespeare mourut jeune...hélas, elle n'écrivit jamais le moindre mot. Elle est enterrée là où les omnibus s'arrêtent aujourd'hui, en face de l'Elephant and Castle. Or, j'ai la conviction que cette poétesse, qui n'a jamais écrit un mot et qui fut enterrée à ce carrefour, vit encore.
Elle vit en vous et en moi, et en nombre d'autres femmes qui ne sont pas présentes ici ce soir, car elles sont en train de laver la vaisselle et de coucher leurs enfants. Mais elle vit; car les grands poètes ne meurent pas; ils sont des présences éternelles; ils attendent seulement l'occasion pour apparaître parmi nous en chair et en os.
Afficher en entierEcrivez ce que vous désirez écrire, c’est tout ce qui importe, et nul ne peut prévoir si cela importera pendant des siècles ou pendant des jours. Mais sacrifier un cheveu de la tête de votre vision, une nuance de sa couleur, par déférence envers quelque maître d’école tenant une coupe d’argent à la main ou envers quelque professeur armé d’un mètre, c’est commettre la plus abjecte des trahisons.
Afficher en entierCe n’est pas une bedroom, mais une room of one’s own. Pas une chambre à soi, mais une pièce, un endroit, un lieu à soi. On a pourtant toujours traduit le titre de l’essai de Woolf sous le signe de la chambre. L’intention était peut-être louable : appuyer le souci d’une vie épargnée par « treize enfants », ces treize enfants qu’une chambre conjugale sans contraception ne manquait pas de jeter dans les jupes des femmes, ces treize enfants que Woolf cite comme entrave absolue pour une vie à soi. Ou bien l’intention était misogyne, consciemment ou pas : où travaille une femme sinon en chambre ? Que pourrait-elle faire d’un bureau ? Un boudoir, à la rigueur, dans les classes privilégiées ?
Afficher en entierN'est-il pas absurde pourtant, pensais-je, tournant la page du journal, qu'un homme avec tout le pouvoir qu'il a, se mette en colère ? Ou bien, me demandais-je avec curiosité, la colère ne serait-elle pas quelque chose comme le démon familier, le lutin qui vous suit au pouvoir ? Les riches, par exemple, sont souvent en colère, parce qu'ils soupçonnent les pauvres de vouloir s'emparer de leurs biens ? Les professeurs, ou les patriarches -- comme il serait plus juste de les appeler -- peuvent se mettre en colère pour cette raison, mais aussi pour une autre raison qui s'étale avec un peu moins d'évidence à la surface des choses. Peut-être même ces professeurs n'étaient-ils pas du tout en colère ; souvent, en effet, ils étaient des hommes pleins d'admiration, dévoués, exemplaires dans les relations de la vie privée. Peut-être, lorsque le professeur insiste d'une façon par trop accentuée sur l'infériorité des femmes, s'agit-il non de leur infériorité à elles, mais de sa propre supériorité. C'est cette supériorité qu'il protège avec tant de fougue et d'énergie parce qu'elle lui semble un joyau d'une exceptionnelle valeur.
Afficher en entierElles sont loin d'être aussi préoccupées que les hommes par le soin de leur gloire et, en général, peuvent passer devant une pierre tombale ou un poteau indicateur sans éprouver l'irrésistible désir d'y graver leur nom, ce à quoi Alf, Bert ou Chas sont contraints, poussés par cet instinct qui les fait grogner dès qu'ils voient passer une belle femme ou même un chien : Ce chien est à moi.
Afficher en entierLes femmes vont peut-être se mettre à faire usage de l’écriture comme d’un art et non plus comme d’un moyen pour s’exprimer elles-mêmes.
Afficher en entierLes femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l'homme deux fois plus grande que nature.
Afficher en entierLa poésie ne doit pas seulement avoir un père, mais aussi une mère.
Afficher en entierLes femmes ont pendant des siècles servi aux hommes de miroirs, elles possédaient le pouvoir magique et délicieux de réfléchir une image de l'homme deux fois plus grande que nature. Sans ce pouvoir la terre serait probablement encore marécage et jungle.
Afficher en entierEn imagination, elle est de la plus haute importance, en pratique, elle est complètement insignifiante. Elle envahit la poésie d'un bout à l'autre ; elle est, à peu de chose près, absente de l'Histoire. Dans la fiction, elle domine la vie des rois et des conquérants ; en fait, elle était l'esclave de n'importe quel garçon dont les parents avaient exigé qu'elle portât l'anneau à son doigt. Quelques unes des paroles les plus inspirées, quelques unes des pensées les plus profondes de la littérature tombent de ses lèvres ; dans la vie pratique elle pouvait tout juste lire, à peine écrire, et était la propriété de son mari.
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