Une femme ordinaire

Alex ne savait pas ce qu’elle lui reprochait exactement. Justine avait toujours refusé la discussion, en fait elle avait tout refusé en bloc pour ne pas avoir à se justifier. Pour lui, tout cela n’était que du baratin, elle vivait chez lui et, si elle avait eu besoin de quelque chose d’urgent en son absence, ses parents étaient là, elle n’avait qu’à descendre à la loge. C’est sûr, elle devait avoir quelqu’un d’autre, mais cette question, même si elle lui avait souvent brûlé les lèvres lorsqu’elle était encore là, il n’avait jamais osé la lui poser, même au moment de son départ. En fait, lui non plus n’avait rien dit, ni rien fait pour la retenir, et elle était partie. Dans la famille Dufour, on avait énormément de pudeur à exprimer ses sentiments et Alex ne dérogeait pas à cette règle. Sans doute Justine avait-elle pris cela pour de l’indifférence, mais c’était loin d’être le cas. Il l’avait beaucoup aimée, à sa façon mais sans jamais le lui dire véritablement. Alex lui en voulait encore aujourd’hui et pourtant cela faisait déjà quatre mois qu’elle avait quitté l’appartement. Quatre mois, en laissant chez lui quelques-unes de ses affaires et « Praline » son chat. En ce qui concernait Praline, il avait été très surpris car elle avait beaucoup d’affection pour ce chat et pourtant elle ne l’avait pas emmené avec elle, c’était vraiment à ne rien comprendre aux femmes. Quatre mois pendant lesquels il avait plus ou moins sombré dans une espèce de déprime qu’il avait essayé d’oublier dans le sport. Dès qu’il avait un moment il allait dans la salle de gym de la brigade mise à leur disposition et pouvait alors se défouler sur les différents appareils de torture présents sur les lieux. De temps en temps, pendant son heure de déjeuner, il aimait faire un petit footing, histoire de prendre un peu l’air, sur les Quais de Seine, ce qui était très agréable par beau temps. Le sport était devenu, les premiers temps, comme une drogue pour Alex et il aimait « se déchirer » comme il disait, jusqu’à ce qu’il se vide complètement l’esprit. Ensuite, à bout de forces, il se sentait beaucoup plus serein pour affronter le quotidien de son métier qui n’était pas toujours rose. Il essayait par tous les moyens de chasser toute pensée négative de sa tête et ainsi aller de l’avant. Aujourd’hui, il était de repos et comme il avait constaté, depuis quelques jours, que sa voiture faisait un petit bruit bizarre à l’allumage, il décida d’aller au garage de son père à Montreuil pour lui montrer  le ventre de « la bête ». Alex avait toujours été passionné par les vieilles voitures américaines et pour l’achat de sa Mustang il avait dû investir presque toutes ses économies, cela aussi avait été source de conflits dans son couple. Justine n’avait jamais compris sa passion dévorante pour les belles voitures et lui répétait sans cesse que c’était uniquement de la frime et surtout beaucoup d’argent fichu en l’air. Et elle, elle fumait, ça aussi c’était de l’argent fichu en l’air !