Extraits

J'aime courir. J'aime courir seule sur la ligne verte. Elle traverse la ville, longe le fleuve et s'échappe vers la forêt. C'est une ancienne voie de chemin de fer, réaménagée en piste de cyclable, terrain de sport ou sentier pour les amoureux. J'aime l'idée que les endroits abandonnés puissent renaître. J'aime l'idée que l'on puisse renaître.

La honte a une odeur, la misère aussi et ce sont celles de ma mère. Pourtant, elle est coquette, élégante, maman, c'est son métier qui pue. C'est la lâcheté des humains qui pue.

Moi, je ne suis pas une enfant de l'amour, je suis une fille de passe, ça calme et ça tue d'entrée de jeu les rêves romantiques en rose et bleu.

Une fille de passe, c'est presque joli à entendre.

Les mots meurent parfois, ils déguisent si bien la puanteur du monde...

Je m'appelle Hanna Sobolev, fille d'Olga Sobolev, prostituée indépendante. Fille de pute quoi.

Je suis une insulte, celle que les gens de mon âge balancent si facilement à la tête de leurs ennemis.

Que fait Maman dans la petite chambre au bout du couloir ? Pourquoi n'a-t-elle que des hommes comme clients ? Est-ce que son métier est lié à leur zizi ?

J'ai cinq ans, je ne sais rien, je n'ai jamais vu le sexe d'un garçon, mais je pense à ça.

Au zizi des hommes et je me dis que ça a l'air dangereux.

La prostitution ne rend pas plus viril, bien au contraire. Pourquoi les garçons modernes ne le disent-ils pas ? Haut et fort, dignement, en hommes, quoi !

L'amour, j'ai longtemps pensé que ça n'existait pas entre un homme et une femme. Que c'était un sentiment de fiction. Un truc de riches, de nantis.

J'ai quatorze ans et je bois du champagne avec des prostituées qui fument des pétards dans ma cuisine.

La prostituée, c'est toujours l'autre, un monstre sans visage. Une femme qui blesse, une femme qui salit et que personne n'a jamais vue.

Ma mère fait des choses bizarres avec des hommes. Des choses dangereuses et gênantes.