Extraits

Après que le choc d’avoir découvert que Jeremy l’Enfoiré du Club Gay était la victime dans l’affaire de vandalisme se soit dissipé, Kai avait passé le reste de la soirée précédente à revivre cette nuit et l’incroyable partie de jambes en l’air, suivie par l’humiliation d’être laissé seul à baigner dans le sperme refroidissant du type. Une colère toute nouvelle l’avait empêché de s’endormir et seule la pensée des enfants qu’il déserterait l’avait empêché d’appeler Liliana pour lui dire d’enfoncer l’idée dans le cul de Jeremy.

Malgré tout, l’idée de se retirer l’avait tenté toute la matinée et, incroyablement, quand il avait pris le téléphone pour appeler Liliana, c’était pour lui demander où avait lieu la réunion et s’inviter à y participer. Elle avait été ravie, disant que le fait que Kai soit là pour la soutenir ne pouvait qu’aider.

Alors maintenant, il ouvrit la lourde porte de la salle de réunion et entra, ses yeux se focalisant sur le grand homme assis à un bout de la table à côté d’Andrew Maglio, un procureur d’État. Jeremy étudiait des papiers dans sa main et n’avait pas pris la peine de lever les yeux pour l’instant, et Kai utilisa ces quelques fractions de seconde pour transformer son expression en politesse courtoise, même si son cœur menaçait de faire son chemin hors de sa poitrine ; il était honnêtement surpris que personne dans la salle ne l’entende tonner.

- Super, Kai est là. Maintenant, nous pouvons commencer.

La voix de Liliana fit sursauter Jeremy qui perdit sa concentration sur les documents, et il leva la tête pour plonger les yeux directement dans ceux de Kai. Sa réaction fut celle que Kai espérait et il ressentit une sombre satisfaction à voir chaque goutte de sang quitter le visage de Jeremy.

Donc les yeux peuvent vraiment être exorbités, pensa Kai d’un ton un peu hystérique. Jeremy serra les mains sur le papier et le froissement bruyant attira le regard de tout le monde vers lui. Kai le regarda déglutir convulsivement plusieurs fois, puis Liliana dit d’un ton curieux :

- Vous vous connaissez tous les deux ?

Kai maintint le contact visuel avec les yeux choqués de Jeremy.

- Non, je ne pense pas, dit-il doucement, gardant son expression vaguement curieuse, un peu perplexe. Pour autant que je le sache, nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant.

Il fit un pas en avant et tendit la main à Jeremy.

- Kai Daniels.

Jeremy prit sa main et Kai dut se concentrer afin de réprimer un frisson sous la sensation de sa paume chaude, ses doigts calleux – le souvenir de ces doigts parcourant son corps, le caressant…

Il essaya de ne pas retirer sa main quand Jeremy murmura :

- Jeremy Speer.

Le son de sa voix profonde et rauque envoya de nouveaux frissons dans le dos de Kai, se souvenant de cette voix grondant dans son oreille.

— Tu me dis que tu m’aimes, pourtant c’est lui qui sèche tes larmes. C’est lui qui te tient dans ses bras quand tu as mal, pour te réconforter. Il va toujours être celui vers qui tu te tourneras quand c’est important, n’est-ce pas ? Alors que moi, j’ai le droit de t’apporter des putains de sandwiches. Il ricana amèrement, sentant ses yeux commencer à le brûler. Il frotta sa main sur eux impatiemment.

— Et parfois, Jeremy, avec quelqu’un, il… je ne sais pas, mec… il te convient. Il remplit les espaces vides à l’intérieur de toi avec des choses que tu ne savais même pas que tu voulais ou dont tu avais besoin. Tu ne peux pas l’expliquer, mais parfois c’est juste la bonne personne. Ne te pose pas de questions, accroche-toi des deux mains.

Le désespoir pur sur le visage du garçon tira sur la corde sensible du cœur réticent de Jeremy. Il pouvait imaginer un garçon qui avait grandi sans beaucoup de possessions, vivant peut-être dans un logement social, prendre son chalet pour un palais, quelque chose qu’on ne peut voir que dans un magazine. Il ne pouvait pas lui reprocher de vouloir faire un tour, mais sachant qu’il était encore capable d’un tel manque de jugeote après tout ce qui lui était arrivé à ce jour… Jeremy secoua la tête. Le gamin avait un long chemin devant lui pour atteindre la maturité.

Il se retourna, tournant la tête, incrédule, lorsqu’il se rendit compte que Jeremy l’avait laissé sans un mot. Kai s’affaissa contre le mur, se sentant utilisé. Eh bien, qu’attendait-il vraiment, à choisir quelqu’un dans un club et lui offrir son cul dans une ruelle sale ? Pourtant, il y avait eu une alchimie forte et une connexion que Kai avait ressenties jusque dans ses orteils. Il avait vraiment voulu parler avec Jeremy, peut-être même apprendre à le connaître un peu. Quel con !

Kai soupira en pensant à l’année scolaire qui venait de s’écouler. Il ne se faisait pas d’illusions en croyant qu’il était le genre de professeur qui écrirait un jour un best-seller sur la façon dont il avait changé la vie de certains enfants difficiles, ou qui verrait sa vie devenir un film. La vie n’était pas un film et la réalité, c’était que la plupart de ces enfants seraient absorbés dans une vie de gangs comme leurs parents avant eux, comme leurs frères et sœurs plus âgés avant eux. Mais Kai s’en était sorti et s’il pouvait aider au moins un enfant à avoir une vie correcte…

I wish you’d just fucked him. It would have hurt less.

“I can’t call the fucking police, Kai. I am the police!”