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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-19T16:16:14+02:00

** Extrait offert par Caitlin Crews **

1.

La porte se referma sur les hurlements du vent qui, déchaîné en ce mois de novembre, secouait les vitres ruisselantes de pluie du bar-restaurant du seul hôtel du seul tronçon de route du seul village de cette île lointaine du Maine. Larissa était venue y chercher un isolement quasi total, se couper du monde et, depuis quelques mois, ses vœux étaient exaucés.

Détournant les yeux du spectacle fascinant des vagues de l’Atlantique qui se fracassaient sur le rivage, elle reposa sa tasse de thé sur la table basse et jeta machinalement un regard vers l’entrée. Un petit groupe d’hommes venait d’arriver ; ils se débarrassaient de leurs vêtements de pluie, cirés ou parkas, bonnets et gants. Soudain, son cœur cessa de battre. Elle cilla, comme victime d’une hallucination venue de son passé qu’il lui aurait été loisible de chasser d’un battement de paupières. Peine perdue : l’homme qui délivrait sa longue silhouette d’une canadienne élimée, qu’il suspendit au portemanteau, était bien Jack Endicott Sutton !

— N’importe qui, mais pas lui…, murmura-t-elle en baissant instinctivement la tête. Seigneur, non, pas lui…

Elle but une gorgée de thé, les doigts crispés sur la tasse qu’elle avait sirotée face à la furie des éléments, en ruminant le gâchis de son existence. A quoi bon nier ? C’était Jack qui s’avançait vers le comptoir, et personne d’autre.

Elle l’avait identifié au premier coup d’œil, comme l’aurait fait sans doute n’importe quel habitant de la planète Terre. Ce visage d’une étonnante et vibrante beauté était imprimé de manière indélébile dans sa mémoire ; ses traits ne lui étaient pas moins familiers que ceux des stars abonnées aux articles de magazines — dont Jack occupait lui aussi les pages, avec toujours une jolie femme à son bras, mannequin, actrice ou mondaine en vue.

En cette fin de journée, Jack portait un T-shirt noir tout simple, un vieux jean usé et d’inattendues grosses bottes d’ouvrier. Cette tenue mettait ses muscles en valeur et conférait une sorte de poésie bohème et très virile à sa silhouette athlétique. Pourtant, cet homme, qui lorsqu’il voulait paraître décontracté dans les soirées jet-set de Manhattan s’habillait en Armani, aurait dû donner l’impression d’être déguisé ainsi vêtu. Bien au contraire. Et s’il se fondait aisément dans la clientèle d’habitués, grosso modo habillés comme lui, il se détachait malgré tout du lot.

Larissa doutait que Jack Sutton se soit jamais fondu dans un environnement. Du sang bleu coulait dans ses veines, lui conférant une aura qui allait bien au-delà de l’effet produit par sa saisissante beauté de brun viril aux yeux chocolat. Il portait son illustre et glorieux passé familial avec une nonchalance consommée, telle une arme puissante qu’il n’aurait pas eu besoin de brandir. Sa noble ascendance, les Boston Brahmins de Nouvelle-Angleterre et les New-Yorkais d’ancienne souche qui avaient marqué de leur empreinte l’âge d’or de Manhattan, estampillaient de leur sceau son port altier et l’arrogance toute aristocratique qu’il exsudait. Jack avait pour ancêtres des capitaines d’industrie, des politiciens, des visionnaires, des rois de la philanthropie et des investisseurs avisés ; il en était le pur produit, dans chaque parcelle de sa chair musclée.

Pour être issue du même cénacle privilégié, Larissa n’ignorait rien de Jack Endicott Sutton. Mais c’était pour une autre raison que son cœur battait la chamade : cet homme représentait son pire cauchemar. Et impossible pour elle de sortir des lieux sans attirer son attention.

« Bravo, Larissa ! ironisa-t-elle en son for intérieur, tiraillée entre le désespoir et une amertume étrangement mâtinée d’attente. Toi qui voulais disparaître, c’est réussi ! »

Mais à quoi bon s’énerver ? Elle se recroquevilla sur son siège et s’enveloppa plus étroitement dans son pull à capuche, comme si l’épaisse laine grise pouvait lui offrir un camouflage ; comme si elle pouvait y disparaître ainsi qu’elle s’était effacée de la surface du monde — ou du moins, de ce qui avait été jusqu’ici son monde.

Elle se força à détacher son regard du célibataire le plus couru de Manhattan pour le reporter sur les vagues féroces qui assaillaient la côte rocheuse. Jack ne la reconnaîtrait sans doute pas. Elle avait quitté New York depuis plusieurs mois sans dire à personne où elle allait. De toute façon, elle ne passait pas pour une fille capable de se perdre en jean et chandail informe dans un trou perdu à l’écart de la civilisation, à des milliers de kilomètres de toute thalasso cinq étoiles. Sans compter qu’elle ne portait aucun maquillage, avait coupé ses tresses blondes et teint ce qui lui restait de cheveux en noir. Pour ne pas être reconnue par ceux qui l’avaient côtoyée avant, dans son ancienne vie, si compliquée.

Jack Sutton incarnait cependant le pire fantôme du passé que le destin pouvait mettre sur sa route. En effet, il ne se laissait pas facilement abuser, Larissa était bien placée pour le savoir. Même elle, qui avait trompé son monde des années durant, ne se sentait pas de taille face à un tel adversaire. Pour cette raison, la présence inopinée de Jack dans ce restaurant, qui semblait se rapetisser à chaque seconde depuis qu’il était entré, la mettait à cran. Et mal à l’aise.

Elle se força à inspirer lentement, puis expirer de même, comme les médecins le lui avaient appris à New York pendant sa convalescence. Non, Jack ne la remarquerait pas. Et, s’il la voyait, il ne réaliserait pas qui elle était.

— Larissa Whitney.

* * *

Il avait une voix grave et calme, à peine teintée d’amusement. Elle en fut effleurée comme par une caresse et eut l’impression de voler intérieurement en éclats.

Sans y être invité, il s’assit sur le siège en face d’elle. Ses yeux bruns brûlaient d’un feu qu’elle préféra ne pas identifier lorsqu’elle osa enfin croiser son regard. Il allongea ses longues jambes par-dessous la petite table, et Larissa ne put s’empêcher d’écarter les siennes. Elle était furieuse de laisser transparaître une ombre de faiblesse, de laisser soupçonner si peu que ce soit que sa présence lui portait sur les nerfs. Qu’il aille au diable, bon sang !

Pourquoi fallait-il qu’elle tombe sur Jack Sutton ? Et que fichait-il ici ? Depuis des mois, elle vivait incognito, et voici qu’elle se retrouvait piégée sur une île inhospitalière, face à un homme qui en savait long. Jack avait toujours été trop renseigné ; c’était une des raisons qui le rendaient si redoutable, si dangereux pour sa propre sauvegarde.

Elle eut l’impulsion insensée de faire semblant d’être une autre, de ne pas le connaître. Elle pouvait très bien dire : « J’ignore qui est Larissa Whitney. » Ce qui ne serait pas un vrai mensonge, au bout du compte. Elle pouvait face à Jack nier son identité et, ainsi, échapper au poids de sa propre existence ? Elle en était férocement tentée.

Mais il posait déjà sur elle ce regard trop lucide, et Larissa n’osa pas.

Au lieu de cela, elle afficha le sourire de pure forme auquel elle était rodée depuis le berceau. Elle était déjà adolescente le jour où quelqu’un lui avait déclaré qu’on devait aussi sourire avec les yeux — affirmation qu’elle avait accueillie avec scepticisme, mais dont elle avait depuis testé la véracité en bien des occasions.

— Je plaide coupable, déclara-t-elle d’un ton détaché. C’est bien moi.

Il lui fallait réagir comme si elle n’était pas du tout affectée par cet homme, par le choc fulgurant de sa présence et celui de sa réaction inattendue face à lui — si fort, si viril, si vivant. Elle changea de position, mais réussit à conserver une apparence imperturbable. Celle que Jack attendait d’elle. Mais, au fond, n’était-elle pas aussi vide que ce qu’elle voulait bien montrer ?

Les yeux braqués sur elle en un défi perceptible, il lâcha :

— Je n’ai vu dans le village aucun essaim de paparazzis. Pas davantage une flottille de yachts encombrant la baie sous l’orage de novembre. Ni de clubs huppés censés distraire les riches de leur incommensurable ennui. Aurais-tu confondu la côte du Maine avec la Côte d’Azur ?

— Enchantée de te revoir moi aussi, marmonna-t-elle, tâchant de rester imperméable à son intonation dédaigneuse.

Pourquoi aurait-elle été affectée, d’ailleurs ? Elle aurait dû être habituée puisqu’elle n’avait jamais eu droit qu’au mépris pendant toute sa vie. Elle s’était même, à vrai dire, évertuée à le provoquer chez qui voulait bien lui prêter l’oreille.

— Ça fait combien de temps, déjà ? ajouta-t-elle. Cinq ans ? Six ?

— Que fabriques-tu ici, Larissa ?

Son ton n’était ni poli ni amène, et Jack était pourtant un homme qui savait enjôler qui bon lui semblait. Il l’avait d’ailleurs fait pendant toute son existence de privilégié. Elle l’avait vu à l’œuvre ; elle connaissait l’étendue de son charme.

— N’ai-je pas droit à de petites vacances ? fit-elle d’un ton volontairement nonchalant et joueur — tout en réprimant un frisson.

— Pas ici.

Il l’examina en plissant les yeux, et elle s’évertua à ignorer ce qu’il éveillait en elle. Simplement de la défiance, pensa-t-elle pour se rassurer — mais elle n’était pas dupe de son propre mensonge.

— Une épicerie-bazar, cette auberge, moins de cinquante foyers : voilà tout ce qu’on trouve ici. On ne compte que deux liaisons hebdomadaires par ferry avec le continent ; et encore, quand le temps le permet. Bref, il n’y a aucune raison valable pour qu’une fille telle que toi séjourne sur cette île.

— Si : l’accueil. Un tel sens de l’hospitalité est propre à vous retenir, dit-elle d’un ton léger, hochant la tête comme s’il venait de l’accueillir à bras ouverts.

Elle se carra dans son siège, sans comprendre pourquoi elle avait l’estomac noué, pourquoi elle se sentait faible. Elle connaissait Jack depuis toujours. Ils avaient grandi dans les mêmes cercles new-yorkais, richissimes, clinquants et étouffants. Ils avaient fréquenté les mêmes écoles privées, visé l’admission dans les mêmes universités — les plus prestigieuses et anciennes de la côte Est. Ils avaient côtoyé les mêmes créatures attirantes et élégantes dans les soirées huppées d’Aspen, de Miami ou de Martha’s Vineyard, tous ces lieux chics où se réunit la jeunesse dorée américaine.

Larissa se souvint d’être tombée sur lui au cours d’une party estivale ultra-chic, du temps de son adolescence. Elle le revoyait tel qu’il était alors du haut de ses vingt ans et quelques, resplendissant et hâlé, semblant éclipser jusqu’au soleil inondant la plage privée des Hamptons où se déroulait la fête. Il était décontracté et facile à vivre, avec un sourire de tombeur qui ne masquait pourtant pas son intelligence ravageuse. Toutes ses amies étaient, à cette époque, désespérément amoureuses de lui. Quand elle pensait à Jack Sutton, c’était toujours ainsi qu’elle se le rappelait : intelligence brillante, beauté fatale et sourire solaire.

Mais d’autres souvenirs, qu’elle préférait refouler, s’étaient ajoutés quelques années plus tard : ceux d’un certain week-end, alors qu’il était un peu plus âgé et son charme infiniment plus dévastateur. La vérité était que cet homme l’avait fascinée, puis terrifiée. Mais c’était avant. Avant qu’elle ait droit à sa petite résurrection, à sa deuxième chance. Elle ignorait encore où ses pas la conduiraient, mais l’irruption de Jack Sutton équivalait à l’explosion d’une bombe au beau milieu de ce nouveau chemin qu’elle voulait se tracer. Oui, Jack était dangereux pour elle. Un homme incontrôlable. Tant de feu. De passion. Et ces yeux chocolat au regard doux-amer, qui voyaient trop de choses, trop en profondeur…

Il la dévisageait en silence. Larissa adopta alors l’attitude décontractée qui était sa marque de fabrique et lui venait comme une seconde nature — opérante à volonté, conforme aux idées préconçues de Jack à son sujet. Elle était très douée pour donner aux autres l’image exacte qu’ils se faisaient d’elle. Parfois, elle se demandait si ce n’était pas son seul véritable talent.

— Es-tu là anonymement ? demanda-t-il de sa voix douce, qui fit courir de légers frissons sur la nuque de Larissa. Ou alors, en fuite ?

— Pourquoi cela t’intéresserait-il ? s’enquit-elle, laissant perler un rire étudié. Aurais-tu peur d’y être impliqué ?

— Tout au contraire, répliqua-t-il, le regard dur.

— On m’a assuré que le Maine était paradisiaque à cette époque de l’année. Comment résister ? dit-elle, coupant court à la réplique assassine qu’il lui réservait sans doute et que, de sa part, elle n’aurait pas supportée.

Elle désigna au-delà de la baie vitrée le ciel assombri. De gros nuages noirs volaient à la poursuite les uns des autres. La pluie martelait la vitre et, en contrebas, les rochers soutenaient l’assaut coléreux des vagues. Larissa avait l’impression d’être, comme ces rochers, assiégée et meurtrie mais encore debout — son tragique passé s’assimilant au fracassement implacable des rouleaux. Jack, pensa-t-elle, s’incarnait dans la pluie : une avanie glacée et déprimante venant s’ajouter à une grande blessure.

— Tu as déjà eu droit à ton annus miserabilis, paraît-il, non ? ironisa-t-il.

Elle se sentit horriblement mise à nu et vulnérable, ce qu’elle cherchait à éviter à tout prix, surtout face à lui. Le pire était qu’elle ne pouvait pas lui révéler la véritable version des choses ; il lui était donc impossible de se défendre. Elle devait supporter de jouer un rôle qu’elle n’assumait pas, dans un scénario qu’elle n’avait pas écrit, car tout le monde pensait que c’était la réalité.

Elle répliqua donc à Jack — le haïssant et se haïssant elle-même encore plus :

— Oh ! bien sûr. Une année de désintoxication en service commandé. Merci de me le rappeler.

Elle aurait dû dire : « Ce n’était pas moi. J’étais K.O. et une femme qui s’est fait passer pour moi s’est retrouvée avec mon fiancé… » ? Mais c’était impossible. Et Jack ne l’aurait pas crue.

Car tout le monde savait que Larissa Whitney, fêtarde, oiseau de nuit et source de honte pour son illustre famille, s’était évanouie un soir devant un club sélect de Manhattan, dix-huit mois auparavant. Grâce à la traque incessante de la presse à scandale et aux manipulations médiatiques de sa famille, personne n’ignorait non plus la suite : Larissa avait été expédiée en désintoxication dans une clinique privée, puis exhibée en société au bras de Theo, son fiancé, P.-D.G. de Whitney Media. Jusqu’à ce que Theo la quitte et — plus choquant encore étant donné les ambitions qu’il avait toujours affichées — quitte la tête de l’empire familial fondé par les ancêtres de Larissa. Chacun la blâmait, la voyait comme une femme déloyale et sans cœur, qui n’avait cessé, avant sa cure, de blesser publiquement Theo. Elle était forcément la méchante de l’histoire.

En réalité, Larissa avait été rivée pendant deux mois à un lit médicalisé, entre la vie et la mort, cachée dans la demeure familiale ; pendant ce temps, sa famille avait déployé ses cruelles machinations. Cette histoire n’était pas aussi intéressante que la version officielle. Larissa avait peu de chance de faire un jour entendre la vérité, à Jack ou à qui que ce soit d’autre.

— Tu as causé assez d’ennuis ces derniers temps, non ? lança Jack, comme s’il lisait dans son esprit. Je ne sais pas pourquoi tu es ici, mais tu ne réussiras pas à m’entraîner dans un de ces imbroglios dont tu as le secret. J’ai définitivement cessé de me prêter à tes petits jeux.

— Puisque tu l’affirmes, dit-elle en feignant d’étouffer un bâillement d’ennui.

Pourtant, elle aurait donné n’importe quoi pour détaler en courant, pour fuir ce regard évaluateur qui semblait la transpercer jusqu’au tréfonds de l’âme et n’y lire que ses plus sombres secrets.

Dieu, qu’elle détestait Jack Sutton en cet instant !

Mais elle aurait préféré mourir plutôt que de laisser voir qu’il l’avait blessée. Elle ne pouvait pas lui dire la véritable raison de sa présence sur ce caillou battu par les vents, environné par l’océan désolé. Que, si elle avait pris le ferry, c’était pour mieux disparaître, devenir aussi invisible qu’elle avait le sentiment de l’être. Elle n’aurait pas su l’exprimer, ni expliquer ce que lui inspirait cette miraculeuse deuxième chance dans une existence qu’elle avait jusqu’ici gâchée par trop de légèreté. A Jack moins qu’à tout autre — lui qu’elle voyait toujours comme un être intelligent, brillant, malgré la dureté du regard noir qu’il posait sur elle en cet instant.

Elle s’était juré de ne plus jamais se mentir, mais elle n’avait pas le même devoir envers Jack. D’ailleurs, si elle lui livrait une infirme parcelle du peu qui restait de son être, il la pulvériserait. Il avait ce pouvoir, elle le sentait.

Elle lui délivra donc ce qu’il attendait et lui décocha ce sourire énigmatique qu’elle avait appris à adresser aux journalistes : un sourire qui affolait les hommes, faisait d’elle l’objet de leurs fantasmes les plus fous tandis qu’elle se tenait devant eux, réduite à l’état de coquille vide.

Haussant à peine les sourcils, elle ronronna d’une voix grave et sensuelle :

— Dis-moi, Jack, à quoi exactement pensais-tu quand tu parlais de « petits jeux » ?

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Extrait ajouté par Underworld 2019-09-19T15:55:48+02:00

** Extrait offert par Caitlin Crews **

Larissa Whitney's luck ran out with the loud thump of the heavy door that let in the howl and clamor of the wet November winds outside, shaking the rain-soaked windows in front of her.

She looked away from the gray, brooding Atlantic waves that crashed against the rocky shore of the isolated Maine island, glancing without particular interest toward the door of the tiny restaurant that was also the only bar in the only inn on the only stretch of desolate road that could be called a village in this place, so far from the blue skies and sunny days of the summer high season. So far from anywhere—which was why she'd come. She'd expected nothing but the near-total isolation she'd been seeking, and for the past few days, that was exactly what she'd found.

So, naturally, he walked in.

Her stomach dropped with a thud as she took in the man at the door. She blinked, as if he was an apparition and she could banish him back into the depths of her memory that way, but no: Jack Endicott Sutton was still shouldering his way inside, shaking off the weather as he peeled the battered rain jacket from his long, lean frame and hung it on the coatrack.

"Anyone but Jack Sutton.. " Larissa whispered to herself, not meaning to speak aloud. Her fingers clenched hard around the mug of coffee she'd been nursing while she brooded about the mess of her life. "Please…" But there was no one listening, and it was no use anyway. It was him. It could hardly be anyone else.

She recognized him instantly, as she imagined everybody on the planet in possession of two working eyes would. That surprisingly beautiful, richly masculine face was burned into her mind, as familiar to her as that of any major movie star in any glossy magazine, which he'd certainly spent enough time adorning in his day. More familiar to her, perhaps, because she knew him personally. That long, leanly muscled body was famous for the Yale rugby shirt he'd worn as an undergraduate, the Harvard Law gravitas that was said to infuse it later, and, of course, the many beautiful women, starlets and models and socialites without number, that usually clung to it.

Tonight—or was it late afternoon? It was hard to tell the difference so far north—Jack wore a simple black, long-sleeved T-shirt that clung to his celebrated torso over a pair of weathered old jeans that made his lean hips and strong legs into a kind of powerful male poetry, and a pair of what looked to her like incongruous workman's boots. He should have looked as if he was playing dress up, when she knew that he more commonly viewed Armani as casual wear when he was in his usual element, glittering brightly in the midst of the Manhattan high life. Barring that, he should have blended right in with the other locals who had wandered in while Larissa had nursed her hot coffee in the farthest corner, all of them dressed just as he was—but he didn't.

She doubted Jack Sutton had ever blended in his life. And it made her heart kick against the walls of her chest.

Hard.

Centuries of blood so blue it shone like sapphires coursed in his veins, making him far more than just a shockingly good-looking man with rich dark hair and dark chocolate eyes—though he was certainly that. He wore the whole of his family's great and glorious history with complete nonchalance, like a mighty weapon he didn't need to brandish. All those noble Boston Brahmins and lofty Knickerbocker families of Gilded Age Manhattan who peppered his ancestry were evident in the easy way he moved, the power and pure arrogance that emanated from him, as much a part of him as the long, strong lines of the body some regarded as a national treasure. Jack's hallowed ancestors were all of them captains of industry, leaders and visionaries, kings of philanthropy and canny investors. And he was every inch their heir. Every last muscled, beautiful, proud and dangerous inch.

She knew who he was, where he came from. She came from the same lofty heights, for all her sins. But Larissa knew what else he was: her absolute worst nightmare. And he was blocking her only escape route.

Nice job, Larissa, she told herself, veering somewhere between despair and a kind of bitterness that felt too much like anticipation. You can't even disappear to the ends of the earth properly.

But there was no point getting hysterical. She slumped down in her seat, and pulled the hooded sweater tighter around her, as if the thick gray wool might camouflage her somehow. As if she could disappear into it the way she'd wanted to disappear from the face of the earth—or at least, from everything she knew. Her "life," such as it was.

She forced herself to look away from the compelling figure of Manhattan's Most Eligible Bachelor, back out to the sea, where the merciless waves beat at the craggy coastline, inexorable and fierce. He probably wouldn't even recognize her, she told herself. She had left New York months ago and had told no one where she was going. And anyway, she was hardly known for spending time in near-abandoned places like this godforsaken island, a million miles from the nearest five-star spa without so much as lip gloss on her face, wearing nothing but jeans and a sweater that could double as a cloak. Not to mention, she'd cut off all her trademark blond tresses before she'd left and dyed what remained of it black for exactly this reason—to avoid being recognized, even by the people who had known her in her long and complicated former life.

Even by ghosts of weekends past, like Jack Sutton, who, she had the uncomfortable feeling, was not the sort of person who was easily fooled. Not even by someone like Larissa, who had been fooling everyone around her for years. Hadn't she discovered that firsthand? Wasn't that why the very fact that he was here, in this smaller-by-the-moment restaurant and bar, made her so tense, suddenly? So…wound up?

She ordered herself to breathe, just the way the doctors had taught her to do back in New York. Breathe. He wouldn't even notice her, and if he did, he certainly wouldn't realize that she was—

"Larissa Whitney."

His voice was cool and low, just this side of amused. It moved over her skin like a caress, then moved inside, making her feel as though she was shaking to pieces when she knew she wasn't moving at all.

Breathe.

But she suspected that was out of the question.

He didn't wait for an invitation, he simply threw himself into the chair opposite hers, his dark brown eyes gleaming with something she was afraid to identify when she finally dared meet his gaze. His long legs stretched out before him, crowding her under the small table, and she couldn't help but move hers out of the way. She hated herself for even so slight an indication of weakness, so small an acknowledgment that he got under her skin. Damn him.

Why did it have to be Jack Sutton, of all people? What was he even doing here? He was the one person she'd never quite managed to mislead, not even when he'd been as lost a cause as she was. Why did it have to be him? It had been months since anyone had even known her name, and now she was trapped on an inhospitable island with a man who knew too much. He always had. It was only one of the reasons he was so formidable. So dangerous to her health.

She had the sudden, insane urge to pretend she didn't recognize him. To pretend she was someone else. I have no idea who Larissa Whitney is, she could say, and it wouldn't even really be a lie, would it? She could simply deny her own existence, and maybe, just maybe, escape the great weight of it that way. Part of her wanted to, with a ferocity that should not have shocked her.

But he was looking at her with those too-knowing eyes of his, and she didn't dare.

She smiled instead, the perfunctory sort of public smile she had perfected in the cradle. She'd been well into her teens before someone had pointed out to her that smiles were supposed to reach the eyes. She'd been skeptical.

"Guilty as charged," she said, keeping her voice light, easy. Unbothered. Unaffected by this man, by the sizzling shock of his proximity, of her unexpected response to him—so strong and male and alive. She shifted in her seat, but kept her face smooth. Empty. Just as he'd expect it to be. Just as she worried she truly was.

"So I hear." He smirked, his eyes never leaving hers, the challenge unmistakable. Or was that a cool dose of contempt? She could hardly tell the difference these days. "I didn't see any paparazzi swarming over the village like ants. No yachts cluttering up the bay in the middle of a November storm. No clubs heaving with the rich and the terminally bored. Did you somehow mistake the coast of Maine for the south of France?"

"It's wonderful to see you, too," she murmured, as if that scathing, judgmental tone didn't bother her. And why should it? She should have been well-used to it by now, having heard nothing but her whole life. Having, in fact, gone out of her way to court it from all and sundry. "How long has it been? Five years? Six?"

"What are you doing here, Larissa?" he asked, and his voice was not nice. Not polite. This from a man who could charm anyone he pleased—who had been doing so the whole of his privileged life. She knew. She'd seen him in action. She'd experienced exactly how powerfully charming he could be. She repressed a shiver.

"Can't a girl take a little vacation?" she asked idly. Playfully. As if she felt either. But she knew better than to show him anything else.

"Not here." His cool eyes narrowed slightly as he watched her, and she pretended she couldn't feel her own reaction to him, unfolding inside of her. Wariness, she told herself—that's all it was. But she knew better. "There's nothing here for you. One general store. This inn. Less than fifty families. That's it. There are only...

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