Extraits

« on est pas obligé de comprendre pour aimer , ce qu’il faut c’est rêver »

La pièce était plongée dans l’obscurité. Le réveil égrenait les heures de son tic-tac obsédant, seul son dans sa chambre, mais elle s’en fichait. Les rideaux sombres, tirés, cachaient le soleil d’été ; cette journée radieuse ne cadrait pas du tout avec son humeur. Un vent violent s’était levé et agitait furieusement les arbres au-dehors, mais dehors n’existait pas. Elle ne voulait voir personne, ne voulait rien savoir, rien entendre.

Se murer dans le silence n’était pas la solution, mais c’était la seule attitude qui lui paraissait supportable. Elle suffoquait,

étouffait, mais avait besoin de ce moment où elle pouvait être elle-même, faire ressortir la part d’ombre qu’elle refoulait sans arrêt. Tomber assez bas pour avoir envie de se relever.

Il faudra bien que je sorte un jour.

Oui, bien sûr. Un jour. Mais pas aujourd’hui. Aujourd’hui, elle avait le droit de pleurer, de se lamenter, d’injurier le responsable de ses peines, de lâcher la bride à ses émotions qu’elle gardait enfouies depuis trop longtemps. Pour sauver les apparences. Pour

être forte. Pour eux. Aujourd’hui, elle était seule et pouvait enfin donner libre cours à son chagrin. C’était si rare, ces moments où ils étaient occupés à autre chose et où elle redevenait une simple femme. Ce n’était pas comme ça qu’elle pensait occuper ces instants précieux, mais elle avait laissé tomber le masque dès que la porte avait claqué. Elle avait d’abord versé des larmes qui avaient presque jailli de nulle part, puis ses hoquets silencieux avaient laissé la place à un véritable torrent de plaintes douloureuses, et elle avait alors préféré se réfugier dans sa chambre, dans son monde à elle, s’enfermer dans le noir, dans le calme, dans la souffrance.

Il fallait bien qu’elle sorte un jour.