Une mission à hauts risques / La Disparue de Billington

A l’instant où elle ouvrit les yeux, elle comprit que quelque chose clochait.

C’était évident. Autour d’elle, tout le lui indiquait.

Le goudron humide sur lequel elle était affaissée. L’escalier d’incendie métallique qui courait sur la façade de ce bâtiment désaffecté, à sa droite. La rangée de portes cadenassées sans numéro ni fenêtre. Les bourrasques de vent qui sifflaient en soulevant de la poussière et des papiers gras. La benne à ordures contre laquelle elle était en train de s’adosser. Cette atmosphère de vide, ce coin perdu aux vagues relents de désespoir.

Décidément, rien n’était comme d’habitude.

Il pleuvait une sorte de neige fondue. Elle avait froid. Elle se sentait même gelée au plus profond de son âme.

Ça n’allait pas du tout.

Elle tenta de se redresser davantage mais sentit une douleur aiguë dans son épaule gauche. Malgré ses doigts engourdis, elle massa doucement ses muscles meurtris. Alors elle vit la manche en loques de son manteau de laine bouillie, à motif écossais rouge et noir. Avec étonnement, elle détailla le reste de sa tenue : un pantalon gris très large et constellé de taches de graisse, pas de chaussettes et de grandes bottes qui ne pouvaient être les siennes tant elles étaient grandes. Des bottes qui devaient appartenir à un homme.

En se levant, elle sentit ses orteils nus frotter le cuir trempé. Tout son corps était endolori.

Pourquoi était-elle habillée ainsi ? Et que faisait-elle dans ce passage sinistre ?

Une autre question — bien plus terrifiante — la contraignit à prendre appui sur la benne.

Qui était-elle ?

En une fraction de seconde, la panique s’insinua dans ses veines et la laissa pétrifiée d’angoisse.

Elle lutta contre l’effrayant brouillard qui ravageait sa mémoire, priant pour que ses neurones veuillent enfin fonctionner.

Rien. Le néant.

« Une seule information, un nom, une adresse, quelque chose, n’importe quoi », implora-t-elle en se concentrant de toutes ses forces.