Extraits

"C'est magique", songea Ariane, le souffle coupé, en entrant pour la première fois à Versailles. Elle avait l'impression de s'être glissée en catimini dans un conte de fée.

-Incroyable ! murmura Elise, sa cousine, qui se tenait à son côté.

Tout était trop somptueux pour être vrai. Chaque pièce paraissait plus neuve et plus immense que la précédente ; pas un meuble qui ne fût verni, doré, sculpté ; pas un mur qui ne fût couvert de marbre, de dorures, de tableaux et de tapisseries...

- Ariane ! commanda Madeleine, sur un ton toujours autoritaire et sans appel.

- Oui ? demanda la jeune fille, en s'approchant, un peu inquiète.

Que lui voulait donc Madeleine ? Était-elle censée aider Molière à entrer en scène ? Un léger soulagement la traversa lorsqu'elle vit que celle-ci ne lui tendait rien d'autre qu'un fil blanc et une aiguille. Il s'agissait seulement d'arranger le costume du comédien !

- Recouds-moi, ordonna Molière, avec un sourire ironique et fatigué.

- Où ? demanda Ariane à Madeleine.

Le costume lui semblait tout à fait en ordre ; il ne manquait aucun bouton, les hauts-de-chausses étaient parfaitement en place.

- La tempe, bien sûr, répondit simplement Madeleine.

Un frisson d'horreur traversa Ariane, et les autres comédiens regardèrent Molière comme s'il avait perdu la raison.

Allongé dans son lit, Antonin fixait les rideaux pourpres du baldaquin. Il ne s'endormirait pas, il le savait parfaitement. Il ne comptait plus les nuits sans sommeil, passées à attendre. Attendre quoi ? Que les secondes passent, que la douleur s'amenuise ?

Bientôt, les premières lueurs de l'aube se glisseraient entre les rideaux; à ce moment-là peut être, la douleur aurait laissé place à l'épuisement, et il s'assoupirait un instant.

-Alors, ma robe couleur de printemps,à quoi ressemblera-t-elle?

Marquise s'était approchée. Paniquée, Ariane tenta d'imaginer quelque chose, n'importe quoi, qui évoque le printemps.

-Euh...,hésita-t-elle. Elle sera...en taffetas vert pâle, brodé, à fleurs, très beau, très...

-Mais je le sais bien! s'exclama Marquise, irritée. C'est moi qui ai choisi le tissus. Je veux savoir à quoi ressemblera la robe!

Elle avait reconnu le comte de Vilez. C'était lui qui se trouvait face à elle, si proche, et qui lui jetait un regard bleu, vaguement amusé.

-Oh !dit Ariane.

Lentement, elle baissa ses ciseaux; à présent, elle se trouvait presque dans les bras du jeune homme. Elle aurait dû être rassurée, mais son cœur se mit à battre avec plus de véhémence.

-Que faites-vous ici ?murmura-t-elle finalement.

-Je me fais attaquer, apparemment, répondit-il avec un demi-sourire.