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Extrait ajouté par Underworld 2020-03-13T10:37:02+01:00

** Extrait offert par Abby Green **

1.

Rowan Carmichael hésita un instant dans le hall de l’hôtel. Elle ne s’attendait pas à trouver un établissement aussi luxueux et, même correctement vêtue, se sentait déplacée dans cet univers. Elle regarda autour d’elle et un frisson lui parcourut la nuque : cela faisait si longtemps qu’elle n’était pas venue dans ce genre d’endroit… A cette époque, elle était une autre femme.

Elle franchit la porte du bar, s’efforçant de ne pas céder à la panique qui l’envahissait. Ce n’était pas le moment d’évoquer le passé. Cette existence-là était révolue… Une douleur vive lui traversa la poitrine et elle dut s’arrêter un instant. Soudain, elle se sentit terriblement âgée, malgré ses vingt-sept ans.

Après s’être ressaisie, elle se dirigea vers une table libre et s’assit avec soulagement dans un confortable fauteuil en cuir noir. Un serveur vint avec empressement prendre sa commande. Quand il fut reparti, Rowan s’appuya au dossier de son siège et croisa les jambes en inspirant à fond. Il fallait absolument qu’elle rassemble ses esprits et, surtout, qu’elle contrôle ses émotions.

Dans moins de dix minutes, son avocat serait là et ils discuteraient de la meilleure façon de reprendre contact avec le mari qu’elle avait quitté deux ans plus tôt… ainsi que son fils. La douleur aiguë la traversa de nouveau. Peut-être avait-elle été stupide d’arranger ce rendez-vous si rapidement. Après tout, elle venait juste de descendre du train, et c’était la première fois qu’elle se retrouvait dans un endroit public après deux ans passés loin de cette grande métropole bruyante et agitée — Londres, où elle avait sincèrement pensé ne jamais revenir.

Elle se redressa résolument sur son siège. Tout se passerait bien. Ses frayeurs étaient ridicules, n’avait-elle pas traversé des épreuves bien plus terribles ?

Un nouveau chapitre de sa vie commençait. Et peut-être… Un tout petit espoir frémit dans sa poitrine. Peut-être une nouvelle chance de bonheur ? Elle en avait eu si peu jusqu’à présent…

Juste à cet instant, son attention fut attirée par un petit garçon qui courait et vint s’étaler de tout son long à ses pieds sur le sol en marbre. Sans réfléchir, Rowan se leva et se pencha pour le relever doucement.

— Ce n’est rien, lui dit-elle avec un sourire rassurant. Tu ne t’es pas vraiment fait mal, hein ? Tu as l’air d’être très courageux.

Il se tenait maladroitement sur ses petites jambes, les lèvres tremblantes, se demandant visiblement s’il allait se mettre à pleurer ou pas. Il était adorable avec ses cheveux blond foncé, sa peau mate et ses yeux immenses… de la nuance des violettes. Une nuance si rare…

Rowan eut l’impression de recevoir un coup en pleine poitrine. Les yeux de l’enfant étaient exactement de la même couleur que les siens. Une sensation intense, primaire, l’envahit et elle sentit le monde basculer autour d’elle.

Apparemment, le petit garçon avait décidé de ne pas pleurer et la regardait d’un air candide, avec un grand sourire exhibant ses petites dents blanches. Puis il se frotta le front et prononça quelques mots inintelligibles qu’elle entendit à peine. Le choc avait été si intense qu’elle pouvait à peine respirer.

Ce ne pouvait pas être lui…

Avait-elle rêvé de ce moment depuis si longtemps qu’elle avait une hallucination ? Probablement, songea-t-elle en regardant le petit visage souriant et ces grands yeux violets. Pourtant, son cœur lui criait le contraire.

Allait-elle éprouver un tel bouleversement chaque fois qu’elle apercevrait un petit garçon de son âge ?

A cet instant, les jambes d’un homme apparurent derrière lui. Il se pencha un bref instant pour soulever l’enfant et le parfum épicé de son eau de toilette mêlé à son essence virile arriva jusqu’à elle. Elle reconnut immédiatement le mélange familier et son sang se figea dans ses veines.

Une voix profonde et grave résonna au-dessus de sa tête, teintée d’un léger accent à peine décelable.

— … pas les quitter un seul instant, ils filent si vite…

Ebranlée au plus profond de son être, Rowan se redressa. Il la dominait de sa haute taille et était si beau qu’elle eut l’impression que son cerveau cessait de fonctionner, exactement comme la première fois qu’elle l’avait vu.

Presque trois ans plus tôt.

Cela ne pouvait pas être vrai. C’était trop cruel. Après tout ce qu’elle avait déjà traversé…

Soudain, il s’arrêta brusquement de parler et son sourire chaleureux s’évanouit. Ses sourcils blond foncé se rejoignirent au-dessus de ses yeux d’un bleu perçant, de la couleur de la glace. Rowan se sentit percée jusqu’au cœur par son regard, déchirée à vif. Elle vit une succession d’émotions se succéder sur son beau visage — après le choc, l’incrédulité… puis, plus puissant, le dégoût, la colère, la haine, le rejet…

Tétanisée, elle tenta de parler, mais aucun son ne franchit ses lèvres. Tout semblait s’être arrêté autour d’eux, comme s’ils se trouvaient dans une bulle invisible, suspendue dans le temps. Quand elle regarda le petit garçon qu’il tenait dans ses bras, elle eut l’impression que son cœur allait exploser. C’était vraiment trop. « Mon fils », songea-t-elle avant de s’effondrer aux pieds de son mari.

Isandro Vicario Salazar se tenait devant l’une des fenêtres de la suite où il avait emmené Rowan quelques instants plus tôt. Il contempla la haute tour des télécommunications qui se dressait à proximité sans la voir.

Rowan Carmichael. Rowan Salazar, son épouse.

Sa bouche se tordit malgré lui. Son épouse… Celle qui l’avait quitté, abandonnant son enfant quelques heures à peine après sa naissance, parce qu’elle n’était pas prête à assumer cela. Il avait peine à contenir la rage qui rugissait en lui, battait dans ses veines. Ce jour-là, il l’avait laissée se reposer après l’accouchement. A son retour, quelques heures plus tard, elle avait disparu et jamais il ne l’avait revue depuis, jusqu’à aujourd’hui…

Il était encore sous le choc de l’avoir rencontrée dans le bar de son hôtel londonien. Des émotions qu’il avait supprimées depuis longtemps se bousculaient en lui. Il les avait extirpées de son âme ce jour-là, en découvrant sa véritable nature, en s’apercevant à quel point il s’était laissé duper.

Soudain, un léger bruit interrompit ses pensées. Se raidissant, il se retourna lentement.

Rowan attendit quelques instants avant de soulever les paupières, comme elle en avait pris l’habitude durant ces deux dernières années. Quelques secondes de répit avant d’affronter le choc de la réalité, quelques secondes pour faire l’inventaire de son corps, en découvrir les sensations, chercher la douleur… vérifier qu’elle allait bien. Les bruits de Klaxon lui parvirent de l’extérieur et ce qui venait de se passer lui revint brutalement à la mémoire. Elle se raidit : pour l’instant, elle se moquait éperdument de savoir si elle sentait une quelconque douleur physique.

Elle ouvrit les yeux et le vit. Ce n’était pas un mirage, il se tenait dos à la fenêtre, les mains enfoncées dans les poches du pantalon de son costume taillé sur mesure. Les vêtements soulignaient les contours de sa silhouette virile, mettant en valeur ses épaules puissantes et son corps mince et musclé. Il était exactement comme dans ses souvenirs…

Il était si beau et il était bien là, devant elle, vivant, vibrant de sensualité.

— Eh bien, commença-t-il d’un ton sarcastique, me retrouver t’a causé un choc, apparemment. Pourtant, cet hôtel m’appartient, tu n’aurais pas dû être surprise de me voir.

« L’hôtel lui appartient ? » se demanda Rowan en sortant de son hébétement. Depuis quand possédait-il un hôtel à Londres ? Il y venait souvent pour affaires, mais n’avait jamais aimé cette ville. Comment avait-elle pu choisir involontairement cet hôtel… parmi des dizaines d’autres ?

Et comment était-elle arrivée dans cette chambre ?

La mémoire lui revint soudain et elle fut envahie par un flot d’émotions à peine supportables. Elle avait vu son fils, l’avait touché, tenu dans ses bras durant quelques secondes…

Cette simple pensée la bouleversait à un tel point que son cerveau lui semblait prêt à exploser.

— Est-ce que… Est-ce que je lui ai fait peur ? demanda-t-elle faiblement.

L’expression de dégoût qui passa sur le visage de son mari lui fit l’effet d’une gifle.

— Non. Si cela avait été le cas, tu ne serais pas ici en ce moment.

Rowan se redressa et s’assit au bord du lit. Elle se sentait encore la tête terriblement lourde et regarda Isandro avec méfiance. Après tout ce temps, le fait de le revoir lui faisait presque mal physiquement. Elle avait tant rêvé de ce moment, depuis si longtemps…

— L’as-tu appelé Zacarias ? demanda-t-elle d’une voix rauque.

— Oui. Mais ne me fais pas croire que tu t’en soucies, je t’en prie, ajouta-t-il avec mépris.

Rowan tressaillit et se sentit pâlir. Elle avait su exactement à quoi s’attendre quand elle se retrouverait en face d’Isandro, mais n’avait certes pas prévu que cela se produirait si vite. Elle avait pris ses dispositions pour être en possession de ses moyens, pour avoir la possibilité de s’expliquer… Qui avait-elle voulu tromper ? A présent, elle avait l’impression que jamais elle ne serait prête à s’expliquer.

— Ton amant est parti.

Elle avait été sur le point de se lever mais s’était rassise.

Malgré l’attitude glaciale qu’il s’imposait, Isandro était loin de se sentir calme. Il faisait appel à tout son contrôle pour ne pas avancer vers elle, la relever brutalement et exiger… Exiger quoi ? Il tressaillit involontairement sous la force des émotions qui se pressaient en lui. A son grand dépit, il se rendait compte que la plus forte d’entre elles était… la jalousie.

Non, se dit-il en repoussant aussitôt cette idée, la seule armure qui lui restait était sa fierté, et le tourbillon qui s’était emparé de lui n’avait rien à voir avec des sentiments. Il avait retenu la dure leçon qu’elle lui avait infligée il y a deux ans.

— Pardon ? demanda-t-elle, lui lançant un regard incrédule.

— Ton amant est parti, répéta-t-il. L’homme avec qui tu avais rendez-vous. Je suppose que vous aviez réservé une chambre ? Est-ce ainsi que tu as passé ces deux dernières années ? A te promener autour du monde en t’arrêtant dans des chambres d’hôtel avec des amants de passage ? Pensais-tu à cela quand tu as écrit que tu n’étais pas prête à assumer le mariage et la maternité ?

Rowan sentit une douleur lancinante vriller ses tempes et porta la main à sa tête, tentant désespérément de saisir le sens de ses paroles.

— Oh, tu dois parler de David Fairclough. C’est mon avocat. J’avais rendez-vous avec lui ici et…

— Pour me provoquer, n’est-ce pas ? l’interrompit-il en la regardant avec mépris.

Rowan l’avait à peine entendu. Elle finit par trouver la force de se lever.

— Je ne mens pas. Nous avions rendez-vous…

Envahie par un affreux sentiment d’impuissance, elle se tut. Elle n’avait vraiment pas prévu que les choses se dérouleraient ainsi. Rassemblant son courage, elle redressa le menton.

— Je voulais discuter avec lui de la meilleure façon de prendre contact avec toi, afin que nous parlions toi et moi de la possibilité que je voie mon fils.

Isandro croisa les bras sur son torse puissant.

— Je peux te dire tout de suite que tu ferais mieux de renoncer à cette idée.

Une vague de panique traversa Rowan. Elle avança nerveusement d’un pas.

— J’ai le droit de voir mon fils, en dépit de ce qui s’est passé. Tu ne peux pas m’en empêcher.

Horrifiée, elle constata qu’elle allait fondre en larmes. Elle essaya de se contrôler. Il ne fallait pas qu’elle s’écroule, pas là, pas comme ça. Elle devait être forte.

— Je le peux et je le ferai, dit Isandro d’une voix glacée.

Elle secoua la tête et ouvrit la bouche pour lui répondre, mais il l’interrompit brutalement.

— Je suis surpris que tu te souviennes que tu as accouché d’un fils — tu es partie si vite.

Rowan se sentit anéantie par la douleur.

— Je… Bien sûr que je savais que j’avais eu un fils, dit-elle d’une voix tremblante. Je n’ai pensé à rien d’autre depuis…

Isandro fit deux pas rapides et la prit si violemment par le bras qu’il lui fit mal.

— Cela suffit !

Tétanisée, Rowan respira profondément pour dissimuler sa douleur. C’était pire que tout ce qu’elle avait imaginé.

— Isandro. Je t’en prie, je peux tout t’expliquer. Peut-être pourras-tu alors comprendre…

Il lui coupa la parole durement.

— Comprendre ? Comprendre ?

Son visage était si proche du sien qu’elle voyait les fines rides qui entouraient les coins de ses yeux. Refoulant les sensations qui se bousculaient en elle, elle se raidit.

Rageur, il continua et le mépris transpirait de chacune de ses paroles :

— Je sais ce qui est arrivé. Tu as laissé un mot… tu te souviens ? Il n’y a rien, pas un seul mot, tu m’entends ? Pas une seule histoire boiteuse qui pourrait excuser ce que tu as fait ce jour-là ! Tu as privé un enfant innocent de sa source fondamentale d’amour. Rien ni personne au monde ne pourrait t’absoudre de ce crime. Quand tu l’as abandonné, quelques heures à peine après sa naissance, tu as renoncé au droit d’être sa mère.

« Et tu as renoncé au droit d’être ma femme… »

Ces mots inexprimés pesaient lourdement entre eux.

Rowan sentit ses pauvres explications mourir sur ses lèvres tandis que les paroles cruelles d’Isandro résonnaient en elle. L’espace d’un instant, elle se sentit comme insensibilisée, puis les flèches empoisonnées s’enfoncèrent dans son cœur, mêlées au sentiment de culpabilité qui ne l’avait jamais quittée. Qu’aurait-elle pu dire pour sa défense ?

Il avait raison, songea-t-elle, incapable de prononcer un mot. Comment aurait-il pu comprendre ce qu’elle avait elle-même eu tant de mal à admettre ? Ce qu’elle commençait à peine à se pardonner ? Elle avait abandonné son nouveau-né. Avait-elle vraiment cru qu’Isandro la laisserait s’expliquer ? Qu’il lui pardonnerait un jour ? Elle ne le méritait pas.

Rowan se sentait prête à s’effondrer, mais ne pouvait se le permettre maintenant. Elle devait assumer les conséquences de ses actes et renoncer à chercher l’absolution. Rassemblant ses forces, elle réussit à se dégager de sa poigne de fer.

Isandro la regarda avec indifférence reculer de quelques pas et se frotter le bras, les yeux baissés. Il sentit sa colère se transformer en rage glaciale. Elle était beaucoup plus mince que quand il l’avait rencontrée, il s’en rendait compte maintenant. La veste courte de son tailleur et la jupe droite faisaient ressortir sa finesse extrême, remarqua-t-il. Même si tout en lui se révoltait contre cette réaction involontaire de son corps, une vague de désir brûlant frémit au creux de son ventre.

Il s’empressa de réprimer les sensations troublantes qui l’avaient envahi, mais ne put cependant s’empêcher de constater qu’elle semblait à présent terriblement fragile, vulnérable, même. Ses cheveux blond vénitien, qui lui tombaient autrefois sur les reins, étaient maintenant beaucoup plus courts. Elle n’avait rien perdu de la noblesse de sa classe, constata-t-il en contemplant la ligne gracieuse de son cou.

En tout cas, il s’était terriblement trompé sur son compte, pour la première fois de sa vie, il avait fait une erreur monumentale, catastrophique.

Elle leva soudain les yeux vers lui, le prenant par surprise. Sa résolution se raffermit. Cette femme était la créature abjecte qu’il avait épousée, malgré tout, son regard restait irrésistiblement attiré par les courbes féminines et sensuelles de son corps mince et, à sa stupéfaction, il sentit de nouveau son corps réagir violemment.

— Que cela te plaise ou non, j’ai des droits, reprit-elle, le sortant ainsi de l’égarement où l’avaient entraîné ses sens. N’importe quel tribunal le reconnaîtra. En dépit de mes actes passés, on me permettra de voir mon fils, tu n’y peux rien.

Rowan observa sa réaction avec méfiance. Il ne fallait pas qu’il soupçonne qu’elle faisait des efforts surhumains pour lui parler sur ce ton.

Pendant quelques secondes il la regarda sans rien dire, le visage impassible, puis se détourna et se dirigea vers la porte.

— Tu resteras dans cette chambre jusqu’à ce que je te permette d’en sortir, dit-il avant de quitter la pièce. Il y a un garde du corps derrière cette porte, si tu essaies de t’échapper, il a ordre de t’en empêcher.

Stupéfaite, Rowan s’avança vers lui.

— Attends ! s’exclama-t-elle. Qu’est-ce que tu fais ? Nous n’avons pas terminé cette conversation.

Quand il se retourna, la froideur de son regard la figea sur place.

— Oh, si, nous l’avons terminée. Pour l’instant… Mais n’oublie pas ceci : tu as abandonné ton fils et tu l’as laissé avec moi. Maintenant, je peux ou te faciliter les choses, ou te les rendre très difficiles. A toi de choisir.

Puis il ouvrit la porte. Rowan n’eut que le temps d’entr’apercevoir la masse impressionnante du garde du corps, avant d’entendre une petite voix s’écrier joyeusement : « Papa, papa ! »

La porte se referma aussitôt et Rowan recula en titubant. Le fait d’entendre la voix de son fils était plus qu’elle n’en pouvait supporter. Ses jambes cédèrent et elle se laissa glisser sur le sol. Elle resta longtemps assise ainsi, les jambes repliées sous elle, complètement assommée. Ce ne fut qu’après quelques minutes qu’elle se rendit compte que ses joues étaient inondées de larmes, et qu’elle s’étreignait la poitrine comme pour apaiser la douleur qui irradiait de son cœur.

Elle finit par se relever et se dirigea vers la fenêtre. Comment le destin avait-il pu les réunir ainsi ? se demanda-t-elle en contemplant les immeubles qui se dressaient devant ses yeux. C’était d’une ironie féroce. Elle avait choisi cet hôtel parce qu’il était proche de la gare de Saint-Pancras, où elle était arrivée en train de Paris, et parce que le cabinet de son avocat était trop proche des bureaux londoniens d’Isandro ! Et comme son nom commençait par un « A », l’Alhambra Hotel avait été l’un des premiers à apparaître sur la liste que proposait internet.

Rowan avait pensé qu’Isandro serait probablement en Espagne et avait envisagé de le contacter par courrier pour lui annoncer son désir de faire la connaissance de son fils… Au lieu de cela, ils étaient là, tous les deux…

A présent, tous ces projets étaient anéantis. Inutile de songer à rédiger une lettre détaillée et sincère afin de lui expliquer pourquoi elle était partie ce jour-là… Face à la colère d’Isandro, elle avait compris qu’il n’était pas d’humeur à l’écouter — et le resterait probablement un bon moment. En outre, il avait cru qu’elle avait un rendez-vous galant… Décidément, tout semblait s’être ligué contre elle.

Et puis il y avait son fils. Zacarias. Il était si beau, songea-t-elle, sentant un immense bonheur mêlé de détresse lui étreindre le cœur.

Elle avait été si peu préparée à cette rencontre. Mais comment aurait-elle pu s’attendre à retrouver ainsi l’enfant qu’elle avait pensé ne jamais revoir ? Chaque seconde de ce jour funeste où elle s’était éloignée de lui était restée gravée dans sa chair, comme imprimée au fer rouge.

Son cœur battait irrégulièrement dans sa poitrine. La souffrance et la joie se fondaient en elle, lui donnant envie de pleurer et de rire à la fois.

A cet instant, Rowan entendit la porte s’ouvrir derrière elle. Elle tressaillit et inspira à fond avant de se retourner. Le visage d’Isandro était si sombre et sévère qu’elle retint son souffle. Elle sentit toute la force de la haine qu’elle lui inspirait quand il s’approcha d’elle, la regardant avec un dégoût évident. Ses yeux bleus étaient plus glacials que jamais.

— Tu peux t’en aller si tu veux, dit-il froidement.

Devant cette volte-face, Rowan sentit un spasme douloureux traverser sa poitrine. Après s’être trouvée si près de son fils, l’idée d’être renvoyée lui semblait maintenant insupportable.

— Non ! dit-elle en secouant la tête. Je ne bougerai pas d’ici. Je suis revenue à Londres pour reprendre contact avec toi. Crois ce que tu veux, mais je ne savais vraiment pas que cet hôtel t’appartenait. Je ne partirai pas avant que tu m’aies laissée voir Zacarias.

Ses lèvres se serrèrent sous le coup de la contrariété, apparemment, il ne s’attendait pas à cela.

— Très bien. Dans ce cas, tu passeras la nuit ici, et demain matin, nous discuterons de tout cela.

Rowan lui lança un regard sceptique. Elle n’avait pas pensé qu’il céderait aussi facilement.

— Ce n’est pas la peine de me regarder avec cet air méfiant, Rowan. Après tout, tu es ma femme, n’est-ce pas ? Je suis donc ravi de te revoir.

Puis, une expression sardonique sur le visage, il se détourna avant de quitter la pièce.

Pour la première fois depuis des heures, Rowan commença à respirer plus librement. Elle alla s’installer sur le sofa et se roula en boule, serrant ses genoux contre elle avant de s’abandonner à son chagrin.

Beaucoup plus tard dans la soirée, devant la porte de la suite où se trouvait Rowan, Isandro se demanda ce qu’il faisait là, à quelques mètres de son propre appartement. Il entra dans la pièce faiblement éclairée et ce ne fut que quand il voulut se diriger vers la chambre qu’il aperçut la forme lovée sur le sofa.

Son cœur se serra douloureusement. Pourquoi n’était-elle pas restée là où elle était, loin d’eux ?

Fichtre, il savait parfaitement pourquoi.

Elle était revenue pour prendre tout ce que ses mains avides pourraient saisir, y compris son fils, sans aucun doute. Il eut envie de ricaner en observant la façon dont elle s’était recroquevillée, comme une enfant désespérée. Elle avait resurgi dans sa vie, comme une actrice dissimulée dans les coulisses fait son entrée sur scène.

Pourtant, devant cette forme inoffensive endormie, Isandro ne put refouler la vague de souvenirs qui se pressaient dans sa mémoire. Il revit la première fois qu’il l’avait aperçue dans cette salle de réception bondée, où il était venu rencontrer Alistair Carmichael. Le père de Rowan se trouvait au bord de la faillite et espérait qu’Isandro accepterait un marché qui pouvait être profitable aux deux parties. Carmichael savait ce que voulait Isandro, et Isandro n’ignorait pas que son adversaire était prêt à tout pour éviter l’humiliation publique de la ruine. Rowan avait fait partie du marché.

Quand il l’avait vue au milieu de la foule, leurs yeux s’étaient croisés, dans le plus pur style romantique. Il s’était senti magnétisé par ces yeux d’une nuance rare, d’un beau violet foncé, par leur sérieux. Les femmes le contemplaient en général avec une tout autre expression.

Elle avait eu l’air si timide — trop timide, en fait, il savait maintenant que tout cela n’avait été que comédie. Il avait aperçu ensuite son père à ses côtés et avait compris. Le vieil homme cherchait à marier sa fille et lui avait fait miroiter les biens considérables qu’elle hériterait de sa mère le jour où elle se marierait.

Soupçonnant le banquier d’avoir lui-même des vues sur l’héritage de Rowan, Isandro lui avait laissé croire que la perspective de cette manne l’intéressait. Il n’avait aucun besoin de cet argent, bien sûr, mais en revanche, recherchait la reconnaissance sociale. Sans son mariage avec Rowan, issue de la bonne société anglaise, le fait qu’il reprenne le siège de Carmichael à la banque serait toujours considéré avec méfiance.

Isandro serra les lèvres. Il ne se laisserait pas entraîner dans les pensées qui s’insinuaient dans son cerveau. Deux ans plus tôt, il avait juré de ne plus jamais s’aventurer sur ce terrain dangereux.

Il n’avait pas prévu, quand il avait conclu ce marché, la place que sa nouvelle épouse prendrait dans sa vie, ni ce qu’il éprouverait en découvrant sa vraie nature. Un instant, il repensa à ce qu’il avait ressenti lorsqu’il était revenu dans la chambre de la maternité pour découvrir qu’elle était partie, ne lui laissant qu’un mot, accompagné de sa bague de fiançailles et de son alliance. Quel imbécile il avait été ! Ne l’avait-il pas crue différente des autres femmes qu’il avait connues ?

Eh bien, se jura-t-il en silence avant de sortir silencieusement de la pièce, elle allait payer ses actes — au centuple.

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