Commentaires de livres faits par Upsilonn
Extraits de livres par Upsilonn
Commentaires de livres appréciés par Upsilonn
Extraits de livres appréciés par Upsilonn
Moi qui n'ai pourtant pas d'affinité particulière avec le genre de l'horreur, je me trouve captivée par ses nouvelles. C'est sans doute son écriture qui m'emporte en premier. Il y a aussi quelque chose de presque cathartique dans sa façon de décrire des personnages et des situations qui sont à la limite de provoquer le dégoût. Le recueil met en avant des personnages solitaires et leurs fétichismes douteux, des odeurs de cadavres dans les rues, des disparitions d'enfants et plus d'un récit menace de virer au fantastique à tout moment. Certaines descriptions sont presque insoutenables, notamment lorsqu'elles touchent aux sens et la vie intime des personnages, mais même dans ces passages crus et dérangeants, je ne pouvais pas me détacher de ma lecture.
J'ai apprécié son ton de l'auteur, toujours plein d'humour et d'une désinvolture apparente, mais aussi la façon qu'il a de se re-situer régulièrement en temps que personne blanche, européenne et privilégiée.
Comme souvent avec les partis pris expérimentaux, le principe me séduit mais l'œuvre en elle-même a du mal à garder mon attention pendant plus d'une vingtaine de pages. C'est un texte écrit à hauteur d'enfant, dans une langue purement descriptive. On saute d'une scène à l'autre sans transition. C'est un peu comme écouter un enfant qu'on est venu·e chercher à l'école et qui nous raconte sa journée sur le chemin du retour - et oui, c'est charmant et doux. L'autre aspect qui a été abondamment commenté et qui reste troublant à la lecture c'est l'usage du pronom "on" dans lequel se mélangent la narratrice, ses camarades, dans un flou sans genre et sans nombre qui colle bien au monde de l'enfance.
Outre le côté expérimental ça reste un texte très beau. Les aventures des enfants dans la campagne, leurs bagarres et les noms de fleurs et d'arbres qui parsèment le récit m'ont beaucoup touchée. Sans avoir grandi exactement dans les mêmes conditions, c'est un roman qui m'a rendue nostalgique de l'enfance. Il m'a aussi fait penser à mes grands-parents, dont l'expérience est probablement plus proche de celle de l'autrice.
La reconnaissance attribuée à ce texte est totalement justifiée et j'aurais adoré travailler dessus pendant mes études. Je n'ai toutefois pas trop culpabilisé en sautant des passages entiers, dans la mesure où une fois que le concept est compris, une bonne part du roman m'a paru répétitive. Si je devais le relire autrement, je pense que je le lirais davantage comme je lis des poèmes que comme un roman : quelques pages avant de dormir, sans essayer de le lire d'une traite et d'y chercher du sens.
J'ai particulièrement aimé les moments où il est question des dérives de certains mouvements décroissants et des tendances technophobes/anti-technicistes. L'auteur souligne par exemple le risque de glissement idéologique vers l'éco-fascisme dont témoignent certains discours critiques de la PMA, de la GPA et des parcours de transitions hormonés.
Tout le passage sur le mouvement des Wandervogel, jeunes hommes allemands gays des années 1920 portés sur le culte de la nature, l'idéalisation du corps et la défense de la patrie a aussi été très instructif pour moi qui n'en avait jamais entendu parler.
La réflexion sur la stérilité de l'opposition entre milieu rural et milieu urbain comme ancrages de mouvements de résistance queer m'a aussi paru bénéfique. Pour moi qui ne rêve que de quitter la "grande ville" pour retrouver la campagne qui m'est plus familière, c'est le genre de considération que je suis contente qu'on me remette en tête.
C'est encore une lecture dont je ressors avec une bonne quantité de références bibliographiques à explorer, mais avec joie.
Dans Demain, Demain, on suit Kader, un ouvrier algérien qui vient d'être rejoint en France par son épouse Soraya et leurs enfants. Soraya découvre avec effroi les conditions de vie qui vont être les siennes. Malgré la chaleur et la solidarité des familles voisines, qui ont elles aussi quitté leur pays pour la promesse d'une vie meilleure, le quotidien dans le bidonville est éprouvant. Au milieu d'une zone où se construiront bientôt des tours d’immeubles, les baraquements sont considérés comme des habitations provisoires et à ce titre, les forces de l’ordre interdisent toute réparation et toute nouvelle construction. Les fuites d’eaux, les incendies et la dégradation des cabanes sont bien sûr nombreux et les habitants doivent sans cesse s’organiser pour réparer les dégâts sans être repérés. A la préfecture pour appuyer leur demande de relogement, Kader comme ses voisins font face à la violence d’une institution qui les considère comme des citoyens de seconde zone. Malgré tout, ce qui ressort également du récit et qui m’a beaucoup touchée c’est l’entraide réelle et constante entre les familles. Le partage des repas, le soin apporté aux enfants, ou encore la volonté de mentir aux parents restés au pays, en leur faisant croire que tout va bien, en font un récit vraiment émouvant.
C’est une belle bande-dessinée qui souligne le climat profondément raciste de la France des années 60. Suivie d’un dossier de Monique Hervo, militante qui a largement documenté l’histoire du bidonville, c’est une lecture forte et instructive, que je recommande vivement.
J'ai toutefois trouvé que le personnage de Marta était un peu trop superficiel et que les "leçons de vie" étaient exprimées trop explicitement par certains personnages sans laisser la possibilité aux lecteur·ices de les faire émerger elle·ux-mêmes de leur lecture.
J'ai voulu lire Elvira Sastre parce qu'elle est poétesse et entre autre la traductrice de Rupi Kaur, mais je serai sans doute plus réceptive à sa poésie qu'à ce roman.
L'écriture est belle, mais j'ai été plus sceptique devant les dialogues, que j'ai trouvé un peu lourds. C'est aussi parce que j'ai plus l'habitude des passages descriptifs/contemplatifs et que je me lasse vite si je trouve que le dialogue n'apporte rien de nécessaire à l'intrigue. J'ai trouvé que l'exposition dans le premier chapitre était trop lourde, avec beaucoup d'informations données dès le départ alors qu'elles auraient pu être distillées plus subtilement au fil du récit. Ces détails mis à part, Mers mortes reste un roman original et à la thématique forte, que je recommanderai avec plaisir.
C’est un roman que j’ai trouvé bien construit. Le récit est un va-et-vient entre le point de vue de la narratrice, celui de sa mère d’adoption et celui de sa mère biologique. Cette alternance met en miroir les rêves des deux mères, leurs valeurs et les espoirs qu’elles placent dans leur fille. Comprendre leurs vies et leurs choix permet de comprendre ce que chacune voudrait transmettre à la narratrice, et comment elles ont pu l’influencer plus ou moins directement. Lire les pensées de Françoise lorsque sa fille, devenue une adulte, l’accuse elle et son époux de racisme, est aussi très éclairant. Françoise, convaincue d’être une bonne personne, humaniste et de gauche, a le genre de discours que peuvent avoir la plupart des personnes blanches, bien intentionnées mais parfois trop peu au fait de ce que vivent concrètement les personnes qui subissent le racisme. Les limites et les stéréotypes de son discours ne sont pas explicitement pointées du doigt, mais le reste du récit me semble suffisamment clair pour inciter les personnes peu informées à s’interroger.
Les passages sur le mal-être Linh enfant m’ont aussi paru intéressants en ce qu’ils donnent une idée claire de ce que peut vivre un·e enfant racisé·e en France. Linh peine à trouver sa place en classe face à des enfants qui répètent des insultes racistes et comprend très tôt qu’elle va devoir travailler plus dur que tous·tes les autres pour choisir la place qu’elle voudra occuper dans le monde.
J’ai aussi été très touchée par la portrait des amitiés que Linh construit au fil de son parcours et ses stages à l’étranger. Ces relations semblent à chaque fois lui apporter une petite pièce du puzzle qu’est son identité. Elles montrent qu’en plus de la famille qui l’a vue naître et de la famille qui l’a vue grandir, c’est aussi la famille choisie qui compte dans le développement de soi, de sa personnalité et de ses affinités.
Lou Eve s’est fait connaître sur les réseaux sociaux avec le compte la.charge.raciale. Rebaptisée Mangouinistan, sa page Instagram est toujours un espace de ressources sur les luttes antiracistes et queer. Son premier roman fait partie de la rentrée littéraire et paraîtra le 31 août 2023 aux éditions Les Escales. Merci à elles et à NetGalley de m’avoir permis de découvrir ce texte avant sa parution.
Et toujours les Forêts est un roman au cadre post-apocalyptique. L’essentiel de l’action se déroule dans un monde ravagé par un cataclysme qui a détruit presque toute construction et toute forme de vie. Comme souvent dans les récits post-apo, l’objet n’est pas de comprendre ce qu’il s’est passé mais plutôt d’observer comme se débrouillent et évoluent les survivant·es.
J’aime bien l’écriture de Sandrine Collette. Elle est simple et fluide, avec parfois de beaux passages qui font bien se représenter le monde post-cataclysme. Elle est aussi rythmée, ce qui rend la lecture du roman très rapide. Mais cette rapidité de lecture tient aussi au fait qu’on passe à la ligne très souvent. C’est un style haché qu’on retrouve dans beaucoup de romans contemporains et qui, s’il a un effet percutant quand il est utilisé avec parcimonie, perd vite de sa force. J’ai eu le sentiment à un moment d’enchaîner les chapitres parce qu’ils contenaient finalement peu de matière. C’est aussi du au côté contemplatif de cette écriture, qui n’est pas pour me déranger, mais qui m’a parfois semblé trop faite de redites. Je n’ai habituellement pas de problème avec un roman où il ne se passe pas grand-chose, mais le contraste entre le peu d’action et l’écriture qui multiplie les ruptures de rythme m’a dérangée. C’est comme si on comptait sur ces coupes pour dynamiser le récit – pour moi, ça n’a pas fonctionné à tous les coups.
En fait, sur fond d’apocalypse, Et toujours les Forêts, c’est surtout l’histoire de Corentin et de sa solitude. Enfant non désiré trimballé de famille en famille, c’est un homme qui veut trouver une place et se constituer un entourage aimant. Si le début du roman nous campe bien la cruauté de l’enfance du protagoniste et donne des éléments de compréhension pour ses choix par la suite, je l’ai trouvé finalement assez peu intéressant. C’est un personnage mu par le désir de survivre, comme n’importe quel héros de récit post-apo, et obsédé par l’idée que la vie doit reprendre. J’ai été également très sceptique quant aux personnages féminins.
[spoiler] (TW : relations sexuelles non consenties) J’ai également eu beaucoup de mal à trouver logique les motivations de Corentin. En pleine apocalypse, alors que les ressources manquent déjà pour les survivant·es, que la priorité absolue soit pour lui de refonder l’humanité me semble au mieux irrationnel, en vrai complément stupide. Pour satisfaire ce désir qu’on ne comprend pas bien s’il est fondamentalement un besoin instinctif de repeupler la planète ou simplement libidineux, Corentin en devient, comme il l’avoue, « un salaud et un violeur », s’attaquant à la première femme en âge de procréer qu’il croise, jusqu’à ce qu’elle enfante pas moins de six (6 !) petits. La suite tourne alors non plus autour de l’obsession pour la vie qui doit reprendre à tout prix, mais autour de celle de protéger les siens, en bon père de famille.[/spoiler]
[spoiler]Cet aspect du roman m’a beaucoup rappelé Ravages de Barjavel. Le concept est le même, et le roman se termine dans mon souvenir sur un village organisé sur un modèle patriarcal et polygame. Je suis lassée des récits post-apocalyptiques qui ne se saisissent pas du renversement pour interroger nos modes d’organisation sociaux et dans lesquels un effondrement abrupt de la civilisation serait nécessairement un recul en arrière.[/spoiler]
[spoiler]Et toujours les Forêts tombe ainsi pour moi dans les travers de bien des récits post-apo avec ses scènes de viol et ce renforcement des stéréotypes de genre. On y retrouve aussi le classique du groupe armé, violent et cannibale dont la menace pèse sur la famille du gentil (violeur) survivant. Des incohérences sont aussi à souligner, comme le miracle du hameau des Forêts, Augustine et Mathilde qui tiennent encore debout, de même que les marchandises restées intactes dans les magasins alors que tout le reste s’est effondré. On comprend cette pirouette dans la mesure où le cœur du récit c’est vraiment comment Corentin, qui n’a pas eu de famille, parvient à créer la sienne au prétexte de sauver l’humanité.
A mesure que j’écris cette critique, je me rends compte que c’est en fait une lecture qui m’a déçue. Une fan de Sandrine Collette me l’avait vivement conseillé et, pour avoir apprécié d’autres de ces romans je m’attendais à en sortir moins amère. C’est dommage parce que j’ai bien aimé le début du roman. Chez Collette, je suis admirative de cette façon de décrire des choses cruelles qui arrivent à un personnage, qui nous crève le cœur et nous fait tout de suite nourrir de la sympathie pour lui. C’est quelque chose que j’avais beaucoup apprécié dans la lecture de Après la vague, et que j’étais contente de retrouver ici en début de lecture. Ici, les agissements de Corentin me semblent tellement lunaires que la sympathie que j’ai pu avoir pour lui dans les premiers chapitres n’a pas survécu à la suite du roman. Je retournerai avec curiosité vers d’autres romans de Collette, mais je vais me laisser un peu de temps.
Malgré la colère bien légitime qu'on entend en fond, le ton y est mesuré, presque pédagogue. L'autrice nous dit avec beaucoup de tendresse son amour et sa fierté pour sa famille et ses origines. Pour ces raisons, c'est un texte que je mettrais volontiers entre les mains de mes parents et de toute personne peu informée ou peu sensibilisée à ces sujets.
Sous un ton factuel, la juxtaposition du traitement des bêtes avec le quotidien des enfants de ferme, le sexisme ordinaire de la (non) répartition des tâches domestiques et les slogans publicitaires font émerger le monde agricole tel que je ne l'avais encore jamais vu en poésie. Sans idéalisation ni misérabilisme, c'est tout un pan de la société auquel Aurélie Olivier donne place. J'ai beaucoup aimé son écriture, faussement neutre, et ses jeux de mots qui, parce qu'ils sont rares et bien placés, m'ont semblé très efficaces. C'était une lecture surprenante qui m'a tout à fait convaincue.
Ce n'est pas une lecture qui a eu beaucoup d'effet sur moi parce que j'ai plus l'habitude d'une poésie qui me bouscule. Malgré tout c'est un recueil que je conseillerais avec plaisir aux personnes qui cherchent à lire de la poésie sans se donner mal au crâne.
L’écriture de Louise Mey m’a totalement convaincue. Son style dans certains passages de forte intensité, avec souvent un jeu sur les répétitions, m’a fait beaucoup d’effet. Sa façon de gérer le rythme du récit fait aussi monter la tension. Tout ne nous est pas donné d’avance et les souvenirs de la protagoniste sont instillés au fur et à mesure qu’elle accepte de voir la violence de son conjoint. On nous met à la place de Sandrine, et même si on a conscience avant elle que son compagnon est violent, c’est à son rythme qu’on analyse les souvenirs de ses gestes. Ses hésitations à prendre la fuite, bien que prévisibles, créent elles aussi de la tension et une certaine angoisse. J’ai trouvé qu’à cet égard c’est un récit très habilement mené.
La présence de personnages féminins en colère sont de véritables bouffées d’air frais dans ce roman. Elle permet de souffler un peu et de se dire « ouf, quand même, quelqu’un voit quelque chose ». Le soutien dont font preuve ces mêmes personnages à certains moments du récit font également beaucoup de bien. Sandrine est elle aussi un personnage très bien écrit. On peine souvent à se mettre à la place des personnes victimes de violences au sein de leur couple, et j’ai trouvé qu’on évitait ici la posture moralisatrice du « Mais pourquoi elle ne le quitte pas ? ». C’est un personnage qui est loin d’être une coquille vide, et on comprend ce qui peut pousser ses décisions. Le conjoint, quant à lui, n’a pas de nom, si ce n’est « Monsieur Langlois ». Le priver de prénom, c’est laisser la possibilité à tous les prénoms de le nommer. Monsieur Langlois, c’est monsieur-tout-le-monde. N’importe qui peut être auteur de violences conjugales sans être suspecté.
Je trouve que ce roman a presque une dimension pédagogique, dans le sens où je me verrais bien le conseiller à des personnes moins bien informées sur les violences conjugales. C’est un récit qui parvient à être à la fois clair et instructif sur les mécanismes de l’emprise sans rien perdre de son intensité. Une réussite !
J’ai été touchée par les parcours et les personnalités des protagonistes. Les voir vivre et se battre ensemble, s’interroger sur leurs conditions de cohabitation et s’apporter mutuellement de la tendresse m’ont fait chaud au cœur. On sent dans l’écriture de ces personnages les différentes voix du collectif à l’origine du roman. J’ai l’impression que chacune de personnes intervenues dans l’écriture a apporté un peu d’elle-même dans ces personnages, ce qui contribue à faire leur épaisseur et leur singularité.
Les signes d’une écriture collaborative sont aussi visibles dans les différents types de langage inclusif utilisés, ainsi que dans le côté expérimental de la syntaxe choisie pour un des personnages (Onik ?). J’ai lu certaines critiques qui regrettent cet aspect en ce qu’il peut rebuter ou freiner la lecture. C’est une critique légitime parce que la lecture n’est pas un exercice accessible et fluide pour tout le monde. Pour ma part, si je pense que c’est important de garder ces limites en tête, j’ai quand même apprécié de voir ces écritures plurielles se côtoyer dans un même texte, et ce côté « laboratoire d’écriture » qui affirme sa dimension collective.
Alors que son écriture a commencé en 2007, Subtil béton résonne avec l’actualité de cette première moitié d’année 2023. C’est la preuve que les tendances observées au début des années 2000 se renforcent, et pour moi cette lecture tombe à pic. J’ai beaucoup apprécié de ne pas lire de passages explicitement violents, comme on nous en impose trop souvent dans les dystopies. Le cadre dans lequel se déroule le récit est celui d’une société autoritaire et discriminatoire comme on en voit dans la plupart des récits de fiction dystopiques, mais on ne s’appesantit pas ici sur les violences subies par les personnages jugés « hors-normes ». Ce qui compte, ce n’est pas de montrer comment la société violente, écrase et cherche à lisser les corps et les identités, mais plutôt de faire la place aux contre-récits, à l’espoir, à la construction de lendemains meilleurs. Il y a évidemment un côté idéaliste à tout ça, mais les ami·es et camarades en lutte que l’on suit dans ce roman ne sont pas présenté·es comme parfait·es et toujours d’accord. Laisser de la place à leurs imaginaires et à leurs joies, tempérés par les tensions que n’importe quel groupe peut traverser, donne une idée de ce que c’est qu’être solidaire et militer ensemble. On retrouve dans tout ça l’idée d’une « joie militante » qui m’a fait beaucoup de bien.
C’est aussi la première fois que je vois dans un roman un aussi bon exemple de ce qu’Ursula Le Guin (dont une citation ouvre d’ailleurs le livre) ou Donna Haraway appellent de leurs vœux lorsqu’elles évoquent la puissance des récits de spéculation. On a déjà notre lot de récits de fiction qui dépeignent un futur sombre, et s’ils sont intéressants pour mettre en garde, ils ne sont pas toujours très bons pour le moral. Les Aggloméré·es répondent ici à la nécessité d’écrire, de créer, de laisser s’épanouir des imaginaires où on se bat pour protéger ce et celleux qu’on aime. Ce n’est pas un manuel pratique, mais pour moi c’est tout comme un phare.
C'est un one-shot fantasy bien mené, avec un univers singulier dont l'autrice arrive à poser suffisamment de bases pour en faire comprendre le fonctionnement et les enjeux sans nous assommer. Les personnages m'ont beaucoup plu aussi. La plupart sont mus par des désirs égoïstes et aucun n'est fondamentalement bon ou mauvais, ce qui est loin de les empêcher d'être attachants. Outre le style très prenant de l'autrice, ce qui m'a convaincue ici c'est aussi son humour, notamment dans les interludes (articles, rapports, etc) entre certains chapitres. J'ai trouvé que ces passages apportaient beaucoup de légèreté dans un roman somme toute assez sombre. Ils montrent en plus la richesse du monde imaginé par l'autrice, parce qu'ils donnent de petits aperçus de la vie quotidienne de ses habitants. J'ai hâte de lire ses autres romans !