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N'avaient -ils pas profité de ce que Dick était malade pour prendre le large et surtout omis de se présenter aux champs dans le délai de dix minutes qu'elle leur avait fixé ? Elle se tourna vers le groupe qui attendait et déclara que ceux d'entre eux qui étaient liés par des contrats ne pouvaient pas s'en aller.
Ceux-ci avaient été recrutés au moyen de ce qu'on pourrait appeler l'enrôlement forcé en Afrique du Sud : des blancs guettent le passage de bandes de nègres migrateurs le long des routes ou errant à la recherche de travail ; ils les rassemblent dans de grands camions, souvent malgré eux, les pourchassent quelquefois à travers la brousse pendant des milles et des milles s'ils essaient de s'échapper, les attirent par de belles promesses et finalement les cèdent aux fermiers blancs à raison de cinq livres ou un peu plus par tête pour la durée d'un an. En ce qui concerne ces ouvriers-là, Mary devait découvrir par la suite que certains d'entre eux s'étaient enfuis de la ferme pendant les quelques jours qui suivirent cette scène et la plupart ne purent être arrêtés par la police car ils avaient franchi les collines en direction de la frontière où ils étaient hors d'atteinte. Mais elle n'allait pas se laisser intimider par la peur de les voir partir et la pénurie de main-d'oeuvre qui causait tant de tracas à Dick. Plutôt mourir que de capituler ! Elle les renvoya donc en les menaçant de la police. Quant aux autres qui étaient engagés au mois et que Dick ne parvenait à garder qu'en combinant les cajoleries et les menaces voilées de bonhomie, ils pourraient, dit-elle, s'en aller à la fin du mois. Elle leur parla directement, sans passer par l'intermédiaire du contremaître, d'une voix claire et froide, et leur expliqua avec une admirable logique tous leurs torts et le droit qu'elle avait d'agir comme elle l'avait fait. Elle termina par une courte allocution sur la dignité du travail, thème particulièrement cher au blanc de l'Afrique du Sud.
Afficher en entier"C'est alors qu'elle rencontra Dick Turner. Cela aurait pu aussi bien être n'importe qui d'autre. Plus exactement, c'était le premier homme qui voyait en elle une femme merveilleuse et unique. C'était de cela qu'elle avait besoin. Tout d'abord parce qu'elle retrouvait ainsi son sentiment de supériorité sur les hommes... Sentiment dont elle s'était nourrie pendant tant d'années et qui maintenant l'abandonnait.
Afficher en entierEt pourtant les évènements étaient rares dans cette région agricole où les blancs et leur famille vivaient isolés, ne se rencontrant que de loin en loin. Chacun était alors ravi de bavarder un moment, de discuter, de déchirer allègrement son prochain, bref de tirer le maximum d'un contact d'une heure ou deux. Après quoi, ils rentraient dans leurs fermes solitaires où, pendant d'interminables semaines, les uns et les autres ne verraient que leurs propres visages et ceux de leurs serviteurs noirs.
Afficher en entierElle était consumée de haine. Et en même temps, elle se promettait en secret de ne pas se montrer aussi exigeante envers le prochain domestique. Celui qu'elle engagea était tout différent. Il avait une longue expérience des femmes blanches qui l'avaient fait travailler pendant des années en le traitant comme un esclave, et il avait appris à rester impassible, répondant poliment à tout ce qu'elle disait : "oui missus", sans la regarder. Elle s'irritait de ne jamais rencontrer son regard. Elle ignorait que cela faisait partie du code de la politesse chez les indigènes : ne jamais regarder un supérieur en face. Elle pensait que c'était une preuve de plus de la fausseté de leur nature, c'était comme si l'homme lui-même n'était pas là : il n' avait qu'une carcasse noire prête à obéir à ses ordres. Et elle en était toute aussi enragée que s'il lui désobéissait ou n'en faisait qu'a sa tête. Elle avait envie de ramasser une assiette et de la lui flanquer à la figure afin de le voir au moins exprimer un sentiment humain, ne fût-ce que la souffrance...
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