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Noé se détend. Il s’en fout de ce que racontent les adultes, du moment que sa mère n’est ni triste ni en colère, et surtout pas à cause de lui. Il s’approche d’elle, tire sur son bras pour lui parler à l’oreille, colle ses deux mains autour de sa bouche et chuchote contre son oreille :
– Je t’aime.
Afficher en entierAlbin Michel, p.236
« Toi et moi, le bleu. Toi et moi contre le reste du monde. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.227
« Il pourrait poser sa main sur son épaule, lui dire qu'ils vont trouver une solution. Il pourrait battre en retraite, revenir une autre fois, plus tard.
[...]
Mais au lieu de ça il se met à rire, du rire des vainqueurs. Un rire d'humiliation, le rire des faibles qui soudain sont les plus forts. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.197
« Qu'est-ce que ça peut bien foutre de manger bio ou couper le robinet en se brossant les dents, puisque c'est déjà mort. Puisque les cadavres d'animaux viennent faisander jusque sous les bikinis. Bientôt, les gosses mettront dans le même sac licornes et tigres blancs, sphinx et aurochs. Même eux ils vont crever. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.195
« Il caresse la peau lisse et la nageoire dorsale incurvée, demande à l'animal de rassembler ses forces et de répartir au large.
[...]
La bête est énorme, elle doit bien faire deux tonnes, elle roule sur le côté. Ce n'est pas un mouvement de vie, plutôt de l'abandon. Ils apprendront plus tard que c'est un globicéphale noir, qui vit en groupe de dix à vingt, que c'est un animal sociable dont l'espérance de vie est de soixante ans. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.190
« Un jour il sera grand, et elle sera seule. Un jour il la débordera de son grand corps, elle ne pourra plus le protéger de ses deux bras. Ses petites mains à la peau tendre ne glisseront plus contre sa paume, il s'éloignera. Il aimera, souffrira sans elle. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.185
« Elle, elle sait ce qui est bon pour les enfants, elle cuisine des légumes bio et lit des histoires à son fils chaque soir. Des histoires intelligentes et subtilement éducatives, jamais de Disney. Elle lève les yeux au ciel quand Dimitri lui demande un cordon bleu comme à la cantine, s'offusque quand elle découvre qu'il connaît des choses — mots, films, personnages — qui ne viennent pas de chez eux et dont elle ne veut plus jamais entendre parler, est-ce que c'est clair ? D'une certaine façon, elle est déjà victorieuse, son fils est du bon côté du manche, depuis le début. Quel confort, quelle douceur. Le combat n'en est pas un, leur bien-pensance fait office de vérité. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.172
« Le pire c'est qu'elle l'aimait bien ce gosse, et même un peu plus que bien, elle l'avait embrassé sur la bouche l'année en sortie scolaire l'année d'avant ;
[...]
Quand elle avait envoyé le premier coup de poing et que le sang avait barbouillé sa joue, dégoulinant de la narine aux lèvres, elle avait ressenti un plaisir qui dépassait celui du baiser. Dans le baiser, il y avait une somme d'incertitudes que l'humidité de leurs deux bouches collées n'avait pas résolues. Le coup de poing avait en revanche scellé une certitude : dans la vie — la sienne du moins — il valait mieux savoir se battre que de perdre ses moyens à coups de langue. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.154
« Ils vont tous finir pareil, à force d'être jetables. Ça fait longtemps qu'elle le sait, qu'elle compte pour rien ou pas grand chose. Elle l'a su très tôt, vu que sa mère comptait déjà pas des masses. Et ça s'aggrave à chaque rendez-vous chez Pôle emploi, à chaque fois qu'Internet coupe au moment où elle remplit un interminable formulaire pour une demande d'aide au logement. Ça continue quand les fonds ne sont pas débloqués pour la moindre sortie scolaire et que les instits soupirent de rage, que les immeubles de pauvres s'écroulent pendant que le centre-ville est redessiné pour ressembler à un décor. »
Afficher en entierAlbin Michel, p.99
« Ça fait trop longtemps que ça dure, que ça monte, on dirait que les décideurs jouent avec le feu, s'amusent à pousser le bouchon de plus en plus loin. Va savoir si les premiers à mourir seront les patients ou les soignants épuisés, une grande arène où chacun se débat sans savoir s'il s'en sortirait mieux tout seul en cherchant une porte de fuite ou avec les autres en faisant front. »
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