Extraits

- Mon père va créer un centre de réadaptation pour les enfants atteints à la moelle épinière.

Il la regarda, stupéfait.

- C'est vrai ? Mais pourquoi ?

- Pour aider les gens. Il a déjà acheté le terrain. Il paraît que c'est magnifique. Il va appeler son centre l'équipe de Lily.

C'est toujours quand on a le plus besoin d'aide qu'on en demande le moins.

Une explosion de dynamite se fit entendre au loin au moment où Lily prenait place sur le siège qui se présentait. Jason attendit le suivant. Elle ressentit la même excitation qu’à chaque ascension dans les airs, au-dessus de la cime des arbres. Elle contempla la neige vierge, d’un blanc immaculé. Il n’y avait aucun skieur sur les pistes. Le vent lui fouettait le visage. Seul le ronronnement de l’appareil troublait le calme de la montagne. Puis, une nouvelle explosion retentit, étonnamment proche. Précisément à cet instant, alors qu’ils descendaient vers un ravin, un long serpent d’acier battit l’air au-dessus de sa tête. Elle n’eut même pas le temps de comprendre que le câble du télésiège venait de rompre. Elle s’écrasa au sol, s’enfonçant profondément dans la neige. Un grand blanc silencieux l’envahit. Puis ses yeux se fermèrent ; elle perdit connaissance.

Dans la navette, Lily eut le temps d’envoyer un SMS à Jeremy, son amoureux, et à sa meilleure amie, Veronica, qu’elle connaissait depuis la maternelle. Tous deux étaient membres de l’équipe nationale de ski, comme elle. Jeremy lui répondit un rapide « Je t’m ». Veronica resta silencieuse, pour la bonne raison qu’elle n’était pas encore levée.

Elle sortit. Il ne put s’empêcher de se lever et d’aller à la fenêtre pour la regarder monter dans la navette de la station. Il la contempla, le cœur serré. Elle était si jeune, si belle… Elle ressemblait tant à sa mère qu’on aurait pu les prendre pour deux sœurs. Le chagrin le tenaillait encore, parfois. Sa femme aurait eu trente-neuf ans, aujourd’hui. Il avait peine à l’imaginer. Pour lui, elle en aurait toujours vingt-cinq, l’âge auquel elle était morte – à peine plus que celui de Lily aujourd’hui.

Penny avait quarante-deux ans ; c’était une belle rousse qui se donnait beaucoup de mal pour entretenir un corps superbe, qu’elle avait fait « retoucher » çà et là. Bill était très fier de l’avoir à son bras quand ils sortaient.

Lily s’entendait bien avec elle, même si Bill ne mêlait que rarement sa fille à sa vie sentimentale. Il passait les fêtes et presque toutes les vacances seul avec Lily. Ainsi, pendant leur séjour à Squaw Valley cette année, Penny orchestrait l’ouverture d’un hôtel de luxe à Saint-Barth. De toute façon, Bill ne l’aurait pas conviée. Il tenait trop à ces moments privilégiés avec sa fille, très prise, le reste du temps, par le lycée, ses amis et toutes ses activités. Il redoutait le moment où elle quitterait la maison pour poursuivre ses études, s’efforçant même de la persuader de s’inscrire à Denver alors qu’elle visait une des universités de l’Ivy League. Au vu de ses excellents résultats, cela ne devrait pas poser de problème.

Sous une cloche qui les tenait au chaud se trouvaient des œufs brouillés, du bacon et des toasts de pain complet. Mince et athlétique, Lily affichait une forme physique éblouissante. Et elle était aussi belle que sa mère, qui lui avait transmis ses yeux d’un bleu presque violet, ses cheveux bruns et sa peau claire. Son sourire éclatant était celui de son père.

Bill Thomas avait fait ses études à l’université publique de Pennsylvanie. Parce qu’il avait connu la très grande pauvreté, il avait alors pour unique ambition de pouvoir offrir un sort meilleur à la famille qu’il espérait fonder un jour. Une bourse lui avait permis d’entrer à la Harvard Business School, ce qui avait changé sa vie. Grâce au diplôme qu’il avait obtenu et à son sens aigu des affaires, il avait atteint son objectif. Sa mère n’était malheureusement plus de ce monde pour en être témoin. Et son frère avait été tué à dix-neuf ans. Bill était donc le seul de sa famille à avoir échappé au dénuement. A cinquante-deux ans, ses rêves réalisés, il était aujourd’hui en mesure de travailler chez lui et de passer un maximum de temps avec sa fille.

Elle s’étira une dernière fois dans son lit douillet avant d’aller prendre une douche. Un coup d’œil dehors suffit à lui confirmer que la neige tombait dru. Il y en avait au moins soixante centimètres de plus que la veille au soir. Elle sourit en songeant à la matinée qui s’annonçait. Ils allaient être ralentis par les conditions climatiques, ce qui n’empêcherait pas Jason de la pousser à fond. Voilà pourquoi elle aimait tant skier avec lui, sans compter qu’il était beaucoup plus amusant que son coach habituel de Denver. Ce dernier la préparait depuis qu’elle avait douze ans en vue des Jeux.