Viendra le temps du feu

Je continue l’exploration de mes genres préférés avec cette dystopie écoféministe de Wendy Delorme proposée dans la box des Ponctuelles . Avec de faux airs de “la servante écarlate” et de “moi qui n’ai jamais connu les hommes”, on plonge carrément dans ma tasse de thé. Mais je me souviens de Vox qui m’avait beaucoup déçue et je me méfie toujours un peu quand même.

Pas de déception ici. On frôle même le coup de coeur avec ce roman choral aux chapitre courts et à la plume poétique. Dans un monde replié sur lui-même où les femmes n’ont de salut que dans la procréation, on suit des personnages énigmatiques, aux passés troubles et au présent incertain. Petit à petit, l’autrice construit un monde où la censure est reine mais où la résistance s’organise dans les alcôves ou à l’orée des forêts. La société totalitaire des Autres fait échos à des enjeux très actuels: crise climatique et migratoire, identités de genre, contrôle des corps, autoritarisme… On pourrait presque reprocher à Wendy Delorme de toucher à tout sans rien approfondir mais c’est ce qui fait aussi la force du roman!

Par contre, j’étais moins fan du côté “courons toutes nues dans la forêt avec des branches dans les cheveux et en poussant des cris de bêtes” et des scènes de sexe un peu crues qui n’apportaient pas grand chose au bidule. Le féminisme j’aime bien mais ça doit rester urbain et trouvez-vous une chambre si vous voulez bien, les filles.

un livre qui rentre d’office dans mes favoris (et j’en ai peu, sinon pas). j’ose à peine commenter le livre et ma lecture tellement les mots de Wendy Delorme sont justes et bouleversants. je n’ai jamais lu aussi vite un livre car je ne suis jamais autant entré dans une histoire (certainement car elle était mienne, un peu). les petits chapitres, les personnages et l’écriture m’ont facilités la tâche. d’un côté la société dite dystopique mais qui reflète totalement la société actuelle, entre lois sécuritaires et d’immigrations, est analysée de manière pointue et juste et s’axe sur comment se révolter. s’y rajoute un moment bouleversant sur l’écologie et les jeunes, le suicide et le désespoir qui s’en découlent. de l’autre côté, les guérillères de Wittig sont romancées et explicitées, mais la vie en communauté n’est pas romantisé entièrement et ne tombe pas dans l’utopisme (en effet, leur sororité ne peut survivre près des Autres, car la logique capitaliste détruit les frontières). on y trouve beaucoup d’amours (et un peu de sexe) lesbiens et d’amours entres sœurs d’une sororité choisie, régit par les chants l’amour les peaux la nature. on se sent emprisonné puis libéré. les yeux ouverts. je ne veux pas perdre la rage et l’envie que m’a donné ce livre. l’envie d’une communauté et de tout brûler le reste. mention spéciale aux hommes trans libraires (je me disais bien que c’était étrange que Wendy donne tant de pouvoir à des hommes cis). c’est aussi une ode à l’écriture qui donne envie d’écrire. écrire mes récits et languages et ceux de mes sœurs, écrire notre mémoire. car écrire c’est résister et l’oubli c’est la mort sans l’espoir. le texte dernier, que j’imagine celui de l’autrice, est si émouvant que j’aimerai le lire chaque jour et qu’il me fasse le même effet. et puis par dessus tout, moi aussi je veux fuir en suivant une amante après l’autre

Ce qu'il y a de spécial avec les romans dystopiques féministes, c'est qu'ils nous rappellent à quel point nous sommes à peu de choses de basculer du mauvais côté de l'histoire. C'est le cas avec "Viendra le temps du feu" : une somme d'événements tout à fait vraisemblables, inspirés de faits réels, une société en proie à la crise du climat et de la fertilité, des médias ayant perdus leurs indépendances. Des destins de femmes (et d'hommes) croisés, dans la résistance et la résilience. Dans la désobéissance. Un vrai petit chef d'oeuvre qui se consomme chapitre par chapitre.

J'ai beaucoup apprécié la voix de Rosa, de l'enfant ainsi que les lettres de Raphaël à sa mère. Le monde créé est intéressant et cela se lit relativement vite. Je trouve que l'histoire de l'arrivée des pionnières et la construction de cette "civilisation" ainsi que celle du monde dystopique est bien amenée. Le fait de découvrir petit à petit le monde en fonction des différents personnages permet de créer la fluidité de lecture et garder la curiosité d'aller jusqu'au bout.

Par contre gros bémol : le personnage d'Ève Spoiler(cliquez pour révéler)qui m'a vraiment agacé avec sa Louve ses fantasmes et ses souvenirs au détriment de son enfant je pense d'ailleurs que la fin en aurait été meilleure si elle était aller au bout de son geste de la tuer au sens propre que d'aller vers une renaissance pas très convaincante... ainsi que pour moi beaucoup trop de sentiments dans certains passages qui desservent le livre et l'avancée du scénario... Le traitement par plusieurs types de personnages, de milieux différents est intéressant mais pas assez poussé (notamment l'embrigadement à l'école décrit par l'enfant, la vie des pauvres et etc qui sont juste survolés et mériteraient un meilleur développement au lieu des détails du passé sexuel de certain.e.s personnages dont je me serais largement passé justement...) Et pour finir des évènements réels qui se mêlent à son récit fictif qui font sourire comme des clins d'œil pas forcément exploités à fond.

Un gros coup de cœur pour ce livre débordant de sororité, d'amour mais aussi de force et de puissance

L'autrice créée un univers terriblement familier, bien trop proche de notre réalité, et fait le récit de la survie de ses différents personnages dans ce monde normalisé

Un énorme coup de coeur pour madame Wendy Delorme, une femme avec un grand F .... Séduite par sa puissance d'écriture

Un livre très bien écrit mais dont je suis certainement passée à côté de ce qu’il était censé raconter.

J’ai trouvé qu’il n’y avait pas vraiment d’histoires, de scénario, la fin est incohérente (notamment celle d’Eve, on dirait qu’à la dernière minute l’autrice a fait volte-face) et m’a parue soudaine. Les personnages sont sympathiques mais ils semblent désincarnés. J’ai également trouvé le livre manichéen, ce qui m’a déplue. Le côté les Autres / Nous m’a parue manqué de substance et de complexité.

J’ai eu légèrement l’impression que les personnages étaient une excuse pour critiquer en créant un monde catastrophiste (qui a une certaine logique mais à mon sens manque de réalisme) à partir de la vision que l’autrice a du monde d’aujourd’hui (une jeune écologiste qui invective les chefs d’Etat est l’indice qui m’a convaincue dans mon analyse).

Bref, un livre remarquablement bien écrit mais dont le fond ne m’a pas convaincue.

"Viendra le temps du feu" est un magnifique roman où les destins et les voix s’entrecroisent pour former le chœur de ceux qui luttent. On sent dans la plume de Wendy Delorme une force et une humanité rares à l'opposé de beaucoup de romans d'anticipation très froids, où l'austérité ce ressent jusque dans les mots. Ce roman donne l'envie de résister face aux oppressions, on en a bien besoin de nos jours.

Un texte fort, qui donne la parole à des personnages rares. L'autrice laisse pour l'imagination de son lecteur une place importante, ce qui rend cette lecture encore plus impactante. C'est typiquement le genre de roman dont on a envie de surligner certains paragraphes à tout va !

J'ai eu du mal à accrocher à l'histoire au début, à bien la comprendre, autant que pour les personnages d'ailleurs. Mais finalement, je pense que je n'avais pas besoin de chercher trop loin, parce que Wendy Delorme racontait un peu mon histoire et celle de toute une génération à travers ses mots. C'est un livre très bien écrit, poétique, philosophique, et cela sert grandement son propos !