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Jeudi 14 septembre 2000

Salut, Pat. J’espère que tu vas bien et que ça marche à ton goût là-bas. De mon côté, ça ne va pas du tout. Il est trois heures du matin et je n’arrive pas à fermer l’œil. Alors, tant qu’à y être, aussi bien te raconter ce qui vient de se passer chez toi…

Le premier paragraphe resta en suspens. Attablé dans la cuisine devant son portable, Stéphane Gadbois relut ce qu’il venait d’écrire en se passant la main sur la nuque.

Soudain, le sifflement strident de la bouilloire le fit sursauter. Il se précipita vers le comptoir pour la faire taire au plus vite avant de se retourner vers la porte de la chambre: «J’espère que je ne l’ai pas réveillée!»

Il entrouvrit doucement la porte. Une irrésistible curiosité le fit pénétrer dans la pièce. Il s’approcha du lit à pas de loup et se pencha vers la jeune femme qui dormait à poings fermés. Elle semblait si sereine dans son sommeil… Pourtant, une heure plus tôt, il avait cru avoir affaire à une vraie furie. Dans la pénombre, il put la contempler à loisir: quel âge pouvait-elle bien avoir? 19 ans… 20 ans? Ses cheveux foncés s’éparpillaient sur l’oreiller et des larmes avaient barbouillé de suie ses joues rondes. Si, tout à l’heure, il avait eu vaguement l’impression de reconnaître un visage familier, maintenant, il en avait la certitude. Mais qui? Sa mémoire refusait de faire le lien avec qui que ce soit.

Il revint dans la cuisine et laissa tomber un sachet de camomille dans une tasse. Il préférait, et de loin, le goût du café, mais s’il voulait se calmer après une telle intrusion, une tisane était préférable.

Après avoir déposé la tasse sur la table, il jeta les yeux au sol où s’ouvrait la trappe de la cave, jonchée d’une douzaine de tuiles tordues: «Quel gâchis! Je veux bien croire que Patrice voulait refaire son plancher, mais quand même…»

Il referma doucement la porte de la cave et retourna à son portable qui trônait sur la grande table en bois depuis qu’il avait élu domicile dans la maison de son ami d’enfance, quelque temps auparavant.

Après une gorgée de son infusion, qui le fit grimacer, il se remit à écrire:

Tout à l’heure, des coups m’ont réveillé en sursaut. Qui pouvait bien frapper comme ça, en pleine nuit? J’ai été voir à la porte, mais comme il n’y avait personne sur le perron, j’ai cru que j’avais rêvé. J’allais me recoucher quand les coups ont recommencé, comme si on frappait dans le mur. Mais ça n’avait aucun bon sens; tu le sais, la maison n’a pas de mur mitoyen avec ses voisines. Ça venait d’en arrière. Lorsque je suis entré dans la cuisine, le vacarme a repris de plus belle. Quand j’ai entendu hurler, j’ai eu une de ces chiennes!

J’ai couru allumer toutes les lumières de la maison et j’ai tenté de reprendre sur moi. (Allons, allons, mon Stef… Respire, respire profondément.)

De retour dans la cuisine, j’ai crié:

— Allô? Il y a quelqu’un?

Je me sentais pas mal niaiseux.

Encore les coups, mais cette fois, j’ai perçu clairement d’où ils provenaient… Tu ne me croiras pas. Ça venait de la cave! Ta maudite cave!

Les jambes en guenille, je me suis agenouillé sur le plancher à l’endroit où les tuiles recouvraient la trappe.

— Allô? Allô? Vous êtes là?

J’ai couché mon oreille sur le sol dans l’attente d’une réponse qui vint immédiatement:

— Papa! Papa! C’est moi. Pour l’amour du ciel, ouvrez-moi!

J’ai dû crier un «Attendez!» avant de me relever. Il fallait arracher la tuile et dégager la trappe. J’ai couru partout comme une poule pas de tête en me demandant où tu rangeais tes outils. Après un moment, j’ai aperçu le trousseau de clés accroché à côté de la porte. Le hangar! Les outils sont dans le hangar! Tu me l’avais dit, pourtant… Je suis sorti à toute vitesse pour revenir avec ton coffre.

La première tuile a été assez difficile à arracher. Je me suis arrêté tout de suite après: «Voyons donc, Stef! Qu’est-ce que tu es en train de faire là?» Puis j’ai crié tout près du sol:

— Allô? Vous êtes toujours là?

— Faites-moi sortir d’ici, sanglotait la fille en panique.

Il ne m’en fallut pas plus pour me remettre le cœur à l’ouvrage. Comment les tuiles encroûtées de colle ont été enlevées l’une après l’autre, je m’en rappelle pas. Ça pressait! C’est tout. T’aurais fait pareil. C’est là que j’ai vu que l’anneau de fer qui servait à soulever la trappe avait été enlevé. J’ai crié:

— Ça y est, vous pouvez sortir, maintenant. Poussez fort!

Pas de réponse.

— Vous êtes toujours là?

Rien.

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