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— On devrait le faire.

Mon esprit comprit exactement ce qu’il n’aurait pas dû comprendre, et je fus soudain prise de fourmillements.

— Faire quoi ? Rentrer ? Ça me dirait bien d’y aller, genre, maintenant.

— Sortir ensemble.

À l’évidence, j’étais passée à côté d’un élément crucial de cette conversation. Je refermai mon cahier et tendis le bras pour attraper mon sac.

— Je ne suis pas sûre de te suivre.

— Ce n’est pourtant pas compliqué. (Il éclata de rire quand je lui décochai mon regard le plus sombre.) On devrait sortir ensemble.

J’en eus le souffle coupé. Il semblait content de lui, à moitié vautré sur l’herbe. Est-ce qu’il plaisantait ? Est-ce qu’il planait ? Je rangeai cahier et stylo dans ma besace.

— Je ne comprends pas.

http://lachroniquedespassions.blogspot.fr/

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(...) Bon j'ai été ravie de te recroiser,Cameron

- Cam, me corrigea-t-il. Et tu as vu? On ne s'est même pas rentrés dedans! On a changé notre mode de communication.

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— Je suis on ne peut plus sérieux, Avery. Si tu me veux vraiment, je suis tout à toi.

Lune&Plume

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chapitre 1

Deux choses dans la vie flanquaient une trouille bleue

à mon petit coeur d’artichaut. La première était de me réveiller en pleine nuit pour me retrouver nez à nez avec un fantôme translucide flottant au-dessus de moi.

Certes peu probable, mais foutrement terrifiant. La seconde était d’arriver en retard dans une salle de classe bondée.

Je haïssais être à la bourre.

Je détestais voir les autres se retourner pour me lancer des regards mauvais, ce qui se produisait immanquablement quand on rentrait une minute après le début du cours.

C’était précisément pour cette raison que j’avais passé

une partie de mon week-end sur Google Maps à estimer la distance entre mon appartement sur University

Heights et le parking réservé aux étudiants habitant hors du campus. J’avais même fait deux fois l’aller retour le dimanche pour m’assurer que Google ne me tendait pas un piège.1,9 km exactement.

Cinq minutes en voiture.

J’étais donc partie avec un quart d’heure d’avance, afin de bénéficier de dix minutes de battement avant mon cours de 9 h 10.Je n’avais en revanche pas anticipé la queue d’un kilomètre au stop – il ne fallait surtout pas installer de feu dans cette ville classée –, ni le fait qu’il ne resterait pas une seule place sur le campus. Je dus donc laisser ma voiture sur le parking de la gare jouxtant la fac et perdre un temps précieux à glisser mes pièces dans l’horodateur.

Si tu tiens vraiment à traverser la moitié du pays, trouve-toi au moins une place dans une résidence universitaire.

Ils doivent bien en avoir, non ? La voix de ma mère me harcelait encore quand je me présentai devant le bâtiment des sciences Robert Byrd, le souffle court d’avoir gravi à grandes enjambées la côte la plus raide et la moins bien située du continent.

Bien sûr, j’avais soigneusement évité les résidences

étudiantes, car je savais pertinemment que mes parents finiraient par débarquer à l’improviste et n’hésiteraient pas à tout juger et commenter, et que je souffrirais moins de me prendre un coup de pied dans la tête que d’infliger ça à un spectateur innocent. Pour éviter ce massacre, j’avais préféré puiser dans mes réserves durement obtenues pour m’offrir un deux-pièces voisin du campus.

Ça n’avait pas du tout plu à M. et Mme Morgansten.

Ce qui m’avait d’ailleurs intensément réjouie.

Je commençais cependant à regretter mon petit acte de rébellion car, lorsque je quittai la chaleur moite de cette matinée du mois d’août pour m’enfoncer dans le bâtiment de brique climatisé, il était déjà 9 h 11. Mon cours d’astronomie avait lieu à l’étage. Mais qu’est- ce qui avait bien pu me pousser à prendre astronomie ?

Peut-être le simple fait d’avoir la nausée rien qu’à

m’imaginer subir un nouveau programme de biologie ?

Ouais, ça devait être ça.

Je gravis deux à deux les marches du large escalier, franchis à la volée une porte à double battant et rentrai dans… un mur.

Je chancelai vers l’arrière, battant des bras tel un agent de circulation sous acide. Ma besace surchargée glissa de mon épaule, me faisant basculer de côté. Mes cheveux me tombèrent devant le visage et un voile auburn obscurcit ma vision tandis que je vacillais dangereusement.

Oh, mon Dieu, j’allais me casser la gueule. Je ne pouvais plus rien y faire. Des visions de nuques brisées tournoyèrent dans ma tête. C’était la lose…

Quelque chose de dur et vigoureux s’enroula autour de ma taille, arrêtant ma chute libre. Mon sac tomba par terre, et mes bouquins et stylos hors de prix se répandirent sur le sol lustré. Mes stylos ! Mes magnifiques stylos roulèrent dans tous les sens. Une seconde plus tard, je me retrouvai plaquée contre le mur.

Le mur était étrangement chaud.

Le mur gloussa.

— Ouh là, s’exclama une voix grave. Ça va, mon ange ?

Le mur n’en était carrément pas un. C’était un mec.

Mon coeur cessa de battre et, l’espace d’une seconde horrible, ma poitrine se comprima et je me retrouvai aussi incapable de bouger que de respirer. J’étais soudain précipitée cinq années en arrière. Bloquée. Immobilisée.

Des milliers d’épingles se plantèrent dans ma nuque alors que mes poumons se vidaient douloureusement.

Chacun de mes muscles se contracta.

— Hé, reprit la voix d’un ton plus doux, trahissant une pointe d’inquiétude. Tout va bien ?

Je me forçai à prendre une profonde inspiration, à

recommencer à respirer. Rien de plus. Faire entrer de l’air, le faire ressortir. J’avais pratiqué cet exercice des dizaines de fois au fil des cinq années écoulées. Je n’avais plus quatorze ans. Je n’étais plus là-bas. J’étais ici, après avoir traversé près de la moitié du pays.

Deux doigts me soulevèrent le menton. Des yeux d’un bleu surprenant cernés de longs cils noirs se posèrent sur les miens. Un bleu vif et électrique, contrastant si profondément avec les pupilles sombres que je me demandais si ce que je voyais était bien réel.

Puis je compris.

Un garçon me tenait dans ses bras. Jamais un garçon ne m’avait prise dans ses bras. Je ne comptais pas cette fois-là, car elle comptait pour que dalle, et j’étais collée

à lui, cuisse contre cuisse, poitrine contre poitrine.

Comme si nous dansions. Mes sens entrèrent en ébullition quand je sentis l’odeur discrète de son parfum.

Waouh. Un produit de qualité, comme le sien…

Une vague de colère monta en moi, un sentiment brut et familier qui repoussa au loin panique et confusion.

Je m’y agrippai désespérément et retrouvai ma voix.

— Lâche-moi.

Z’yeux bleus me libéra immédiatement. Ne m’étant pas préparée à cette absence de soutien, je perdis l’équilibre et me rattrapai juste avant de me prendre les pieds dans mon sac. Aussi essoufflée qu’après une course de fond, j’écartai les épaisses mèches qui me barraient la figure et pus enfin obtenir un bon aperçu de Z’yeux bleus.

Nom d’un chien, Z’yeux bleus était…

Il bénéficiait de tous les attributs susceptibles de faire perdre la tête aux filles. Il était grand, une voire deux têtes de plus que moi, large d’épaules mais fin de hanches. Un corps d’athlète – de nageur, peut-être. Ses cheveux bruns ondulés basculaient sur son front, y rejoignant des sourcils parfaits. Des pommettes bien marquées et saillantes ainsi que des lèvres particulièrement expressives venaient compléter cette gravure de mode qui devait en faire saliver plus d’une. Ajoutez à

cela ces prunelles saphir, oh, la vache…

Qui aurait pu deviner qu’un bled nommé Shepherdstown pouvait accueillir en son sein un homme pareil ?

Et je lui étais rentrée dedans. Littéralement.Génial.13

— Désolée. Je me dépêchais d’aller en cours. Je suis en retard, et…

Ses lèvres s’arrondir légèrement quand il s’agenouilla.

Il commença à ramasser mes affaires, et je crus un bref instant que j’allais me mettre à pleurer. Je sentais déjà

les larmes s’amonceler dans ma gorge. J’étais désormais vraiment à la bourre, je ne pouvais décemment plus entrer en classe, surtout le premier jour. Échec.

Je m’accroupis pour rassembler mes stylos, abritée derrière la cascade de cheveux qui dissimulait ma honte.

— Pas la peine de m’aider.

— Ça me fait plaisir. (Il mit la main sur un morceau de papier, puis leva la tête.) Introduction à l’astronomie

? J’y vais aussi.

Parfait. Pendant tout le semestre, j’allais devoir côtoyer le type qui avait failli me tuer dans le couloir.

— Tu es en retard, déclarai-je sans conviction. Je suis vraiment désolée.

Une fois qu’il m’eut aidée à tout remettre dans ma besace, il se leva et me la rendit.

— Pas grave. (Son demi-sourire s’étira, révélant une fossette sur sa joue gauche, l’autre demeurant parfaitement lisse.) J’ai l’habitude que les filles se jettent sur moi.

Je clignai les paupières, pensant tout d’abord avoir mal compris les paroles de cet ange aux yeux bleus ;

il n’avait tout de même pas pu prononcer une phrase aussi débile ?

Malheureusement, si. Et il en remit une couche :

— En revanche, c’est la première fois qu’on essaie de me grimper sur le dos. C’était plutôt sympa.

Me sentant rougir, je m’empressai de me défendre.

— Je n’ai pas essayé de te grimper sur le dos ni de me jeter sur toi.14

— Ah bon ? (Toujours ce sourire en coin.) C’est bien dommage, ça aurait fait de cette rentrée la meilleure de toute l’histoire.

Je serrai fermement mon sac devant moi, ne sachant que répondre. Dans ma ville, les mecs ne flirtaient pas avec moi. La plupart d’entre eux n’osaient même pas me regarder au lycée, et ceux qui s’y risquaient ne le faisaient pas pour me draguer.

Z’yeux bleus contempla de nouveau la feuille qu’il tenait encore.

— Avery Morgansten ?

Mon coeur s’emballa.

— Comment tu connais mon nom ?

Il inclina la tête de côté et sourit de plus belle.

— Il est noté sur ton emploi du temps.

— Oh.

Je chassai les boucles de cheveux de mon visage cramoisi.

Il me rendit mon planning, que je rangeai dans ma besace. Une pluie de gêne s’abattit sur moi tandis que je me débattais avec ma bandoulière.

— Moi, c’est Cameron Hamilton, m’informa Z’yeux bleus. Mais tout le monde m’appelle Cam.

Cam. Je laissai son nom résonner dans mon esprit, en appréciant les rondeurs.

— Merci encore, Cam.

Il se pencha pour ramasser un sac à dos noir que je n’avais pas encore remarqué. Plusieurs mèches de cheveux sombres sautillèrent sur son front, et il les en

écarta en se relevant.

— Bon, c’est le moment de faire notre entrée.

Je restai figée sur place quand il tourna les talons et franchit les quelques mètres qui nous séparaient de la salle 205. Il posa la main sur la poignée et tourna la tête vers moi, attendant que je vienne le rejoindre.

Je ne pouvais pas faire ça. Rien à voir avec le fait que je venais de foncer dans le type sans doute le plus sexy du campus. Je ne pouvais tout simplement pas entrer en classe en attirant tous les regards. Voilà cinq ans que je me retrouvais en permanence au centre de l’attention, j’en avais ma claque. Des perles de sueur naquirent sur mon front. Mon ventre se noua et je reculai.

Cam fronça les sourcils avec un drôle d’air.

— Ce n’est pas par là, mon ange.

J’avais l’impression d’avoir passé la moitié de ma vie

à partir dans la mauvaise direction.

— Je ne peux pas.

— Tu ne peux pas quoi ?

Il fit un pas vers moi.

Je pivotai alors et partis comme une flèche, aussi vite que si j’étais engagée dans une course à la dernière tasse de café du monde. Quand je franchis dans l’autre sens cette foutue porte, je l’entendis m’appeler par mon nom, mais ne ralentis pas pour autant.

J’avais le visage en feu en dévalant l’escalier. Je sortis en trombe du bâtiment des sciences, complètement hors d’haleine. Mes jambes continuèrent néanmoins à

me porter jusqu’à ce que je m’écroule sur un banc situé

devant la bibliothèque adjacente. Le soleil semblait trop lumineux pour moi quand je relevai enfin la tête, et je serrai fermement les paupières.

Mince.

Drôle de manière de marquer son arrivée dans une nouvelle ville et une nouvelle école… dans une nouvelle vie. J’avais traversé plus de 1 500 kilomètres pour repartir

à zéro, et je venais de tout gâcher en quelques minutes à peine.

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Je faillis m’excuser de nouveau, mais les excuses étaient comme les souhaits : ma vie en était pleine, pourtant cela ne faisait pas la moindre différence.

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Dieu avait créé Google

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- Je ne suis pas comme tout le monde, Avery ! Pas pour toi, pas avec toi. (Son regard capta le mien.) Tu penses que je n’ai plus d’espoir ? Plus l’espoir de t’aider à finalement passer à autre chose ? De faire en sorte que ça ne te hante pas cinq années de plus ?

Lune&Plume

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— Je suis incroyablement jaloux. Je donnerais mon testicule droit pour rentrer dans Cameron Hamilton.

Lune&Plume

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-Merci.

Il se fendit d'un demi-sourire.

-De quoi?

-De m'avoir attendue.

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Quand il remua de nouveau le bassin, j’étouffai mon geignement contre ses lèvres.

— J’aime bien ce bruit, m’indiqua-t-il en s’agitant encore. (Je le reproduisis en rougissant.) Rectificatif : j’adore ce putain de bruit.

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