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C'était un homme de grande taille, environ un mètre quatre-vingt-dix pour soixante-quinze kilos. Tous ses mouvements paraissaient étudiés avec soin. Ses cheveux noirs étaient ondulés, en broussaille, et une touche de gris commençait à lui marquer les tempes. Son visage était celui d'un homme qui connaît la mer sous toutes ses facettes, sur l'eau et sous l'eau. La peau hâlée et les traits taillés à coups de serpe révélaient son amour de la vie en plein air.
Afficher en entierLe 2 février 1894, dans la mer des Antilles
Personne à bord du Keasarge, vieux navire de guerre à coque en bois, n’aurait pu prévoir la catastrophe imminente. Arborant la bannière étoilée, le bâtiment, gardien des intérêts des États-Unis dans les Antilles, effectuait un voyage de Haïti au Nicaragua lorsque ses vigies détectèrent une forme étrange sous l’eau, à un mille de la proue par tribord. La visibilité sous ces cieux clairs s’étendait jusqu’à l’horizon, la mer était calme, et la houle ne dépassait guère les soixante centimètres, du creux à la crête. On distinguait clairement à l’œil nu le dos à bosse noire d’une étrange espèce de monstre marin.
Afficher en entierLes Scandinaves se distinguaient par une grande soif de vivre. Ils travaillaient avec acharnement, vivaient et mouraient à la dure. La mer était leur élément. Pour eux, un homme sans bateau était un homme enchaîné. Ils avaient recomposé l’Europe, même si, tout au long du Moyen Age, ils s’étaient fait craindre en raison de leurs instincts barbares. Les hardis immigrants se battaient et s’établissaient en Russie, en Espagne et en France ; ils devenaient négociants ou mercenaires, renommés pour leur courage et leur habileté au maniement de l’épée et de la hache d’armes. Rollon conquit la Normandie, ainsi appelée d’après le nom des Scandinaves – les Normands. Son descendant Guillaume, quant à lui, conquit l’Angleterre.
Afficher en entierAprès avoir mangé, avant de s’installer pour la nuit dans leurs sacs de couchage en cuir, deux des jeunes enfants de Sigvatson, un garçon de onze ans et une fille, d’un an sa cadette, accoururent vers leur père en criant, tout excités. Ils saisirent ses mains massives et l’entraînèrent dans la partie la plus profonde de la caverne. Ils allumèrent des torches, puis le conduisirent dans un long tunnel, juste assez haut pour que l’on puisse s’y tenir debout. C’était un passage cylindrique formé à une époque où il se trouvait encore sous la surface des eaux.
Afficher en entierLe chef de l’expédition, Bjarne Sigvatson, tenait à garder sous sa ferme férule la nature guerrière de ses hommes, et il ne les autorisa pas à répliquer. Il savait fort bien que d’autres colons de Finlande et du Groenland avaient eux aussi subi les assauts des Skraelings, car les Vikings avaient assassiné plusieurs indigènes innocents par simple amour barbare de la tuerie. Cette fois-ci, Sigvatson comptait exiger que les natifs soient traités de façon amicale. Il était vital pour la colonie, il le sentait, de pouvoir troquer des biens bon marché contre des fourrures et autres articles de première nécessité, sans effusion de sang. Contrairement aux expéditions de Thorfinn Karlsefni et de Leiv Eriksson, qui avaient fini par être chassées par les Skraelings, celle-ci était armée jusqu’aux dents et ses troupes se composaient de Norvégiens aguerris, vétérans de nombreuses batailles contre leurs ennemis jurés, les Saxons. L’épée en bandoulière, une main serrée sur une longue lance, l’autre tenant une énorme hache, ils étaient les meilleurs combattants de leur époque.
Afficher en entierTels des spectres, ils s’avançaient à travers la brume du matin, silencieux et inquiétants, à bord de leurs vaisseaux fantômes. Leurs proues et leurs poupes, hautes et travaillées en courbes gracieuses, étaient couronnées de dragons gravés dans le bois, les dents menaçantes découvertes en un grondement, comme si leurs yeux perçaient la vapeur à la recherche de proies. Conçus pour effrayer les équipages ennemis, les dragons, croyaient-ils, les protégeaient des esprits du mal qui peuplaient les océans.
Le petit groupe d’immigrants venait de traverser une mer hostile dans ces bateaux élancés à coque noire, aux formes élégantes, qui frôlaient les vagues avec l’aisance et la stabilité d’une truite dans un paisible ruisseau. De longues rames s’étiraient hors des ouvertures percées aux flancs des navires et plongeaient dans l’eau sombre pour les arracher à la houle. Les voiles carrées à rayures rouges et blanches pendaient, inertes, dans l’air que ne troublait pas un souffle de vent. Des embarcations de six ou sept mètres de long, assemblées à clin et contenant les surplus de cargaison, étaient amarrées aux poupes et remorquées.
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