Encore une fois, vagabonds sur les routes. Le sentiment de panique nous reprend. - p.276

C'était un contraste révoltant, auquel il n'y avait apparemment aucun remède. Tous les privilèges dont la ploutocratie jouissait étaient illégaux ; les tables et les tabourets étaient faits avec des planches volées à l'administration militaire, les bougies et les lampes à huile étaient officiellement défendues. - p.164

Il n'y a rien à regretter, sauf peut-être que ce monde risque de n'avoir plus d'humain que le nom, tant la valeur de la vie risque d'être rapportée à celle d'un souffle, d'une empreinte en voie d'effacement. - p.166-167

Aller à la rencontre d'un rêve, c'est accepter de traverser les lignes ennemies avant de pouvoir faire alliance. - p.23

Les histoires d'amour sont mal venues en Arabie. Le terme "amour" est banni, il est interdit de le prononcer, d'en parler, de l'évoquer. Ce serait indécent, immoral. - p.117

C'est pourquoi les êtres les plus intelligents et les plus créatifs savent quand laisser leur esprit divaguer et quand se mettre sérieusement au travail. - p.121-122

Dans cette époque riche en informations, gavée de médias, vouée au nomadisme télévisuel et aux jeux électroniques, nous avons perdu l'art de ne rien faire, de fermer la porte aux bruits de fond et à ce qui nous distrait, de ralentir le rythme en restant simplement seuls avec nous-mêmes. - p.22

Au bout du compte, c'est une conjuration de la mort que la littérature autorise : les histoires transmises nous inscrivent dans un infini que nous réclamons. - p.276

Vient même l'idée, quelquefois, que si l'histoire lue, ou l'image contemplée, est belle, c'est peut-être aussi l'intérieur de soi qui est beau. - p.76

Car, faut-il le rappeler, nous sommes des animaux poétiques, narratifs, assoiffés de mots, de récits, d'images, qui soient à la hauteur de ce que nous vivons. - p.10

Darkness. He was not happy. He was not happy. He said the words to himself. He recognized this as the true state of affairs. He wore his happiness like a mask and the girl had run off across the lawn with the mask and there was no way of going to knock on her door and ask for it back. – p.9

Peu importe, elle a cette fraîcheur juvénile que l’on traite d’inconscience et qui, tout au contraire, me paraît être le moment exceptionnel où les rapports de l’être et du monde sont justes, harmonieux. Certains sont capables de le prolonger au-delà de l’adolescence, d’autres n’ont jamais été adolescents. – p.86

Quand on n’arrive plus à vivre, on parle de revivre. Alors, on fuit droit devant soi. Il faut savoir partir, rester intègre dans son égoïsme. – p.20

Qui peut encore se passionner pour des mots ? Moi, évidemment. Et je suis là, sans amis pour me dire adieu. – p.10

Quand vous faites campagne pour des chats et des chiens, il est plus facile d’obtenir une réponse favorable des citoyens. Mais dans le même temps, cela renforce l’idée selon laquelle un animal ne compte pas s’il n’est pas mignon. – p.179

Dans un article de décembre 1956, alors que les Noirs de Tallahassee boycottent déjà les bus depuis sept mois, il cite une domestique qui, après avoir terminé sa journée, doit marcher deux heures pour rentrer chez elle : « Je marche d’un pas régulier. La plus grande difficulté, c’est la montée après le dépôt. J’ai une petite chanson dans mon cœur et je continue simplement à mettre un pied devant l’autre. » - p.51

Il est troublé par la pensée que tant de gens sont restés sans rien faire devant le meurtre d’innocents ; bien qu’il ait déjà cessé d’être religieux avant la fin de la guerre, il estime qu’après l’Holocauste, le fait que des Juifs puissent encore croire en Dieu « défie complètement le sens commun ». – p.39

Dans les yeux de la comtesse se lisaient douleur et détermination. Elle sacrifiait ce qu'elle avait de plus précieux à une cause qu'elle croyait juste. L'androïde la trouva à la fois splendide et monstrueuse. p.308

Et puis je dois dire que depuis la naissance d’Ada et l’épisode de l’hôpital, où je me suis retrouvé à faire des courses à la supérette du coin, je recommence à utiliser un peu d’argent. Sur le moment, le geste est spontané, naturel. Je ne suis plus seulement Benjamin, cet idéaliste convaincu qui va changer le monde, je suis aussi devenu le papa d’Ada, et il est hors de question que mes convictions affectent de quelque manière que ce soit ce petit être tout juste venu au monde. – Benjamin, p.98-99

Encore une fois, je sens que c’est à mon tour de faire un compromis. Car Yazmin est moins radicale que moi dans ses choix, je le vois, je le vis au quotidien. Elle se serait largement contentée de vivre dans un éco-village, tout en conservant un emploi et en utilisant de l’argent comme tout le monde. – Benjamin, p.140

J’ai souvent en tête un proverbe marocain que l’on nous a beaucoup répété pendant notre périple sans argent : « Un homme pressé est déjà mort. » Je me le répète régulièrement, convaincu que le plus important reste et restera toujours la capacité à prendre son temps et à être tolérant envers les personnes qui viennent nous voir et celles qui nous entourent. – Benjamin, p. 236

Si le véganisme est si important pour nous, c’est que c’est presque le symbole du changement que nous appelons de nos vœux. Devenir végan, c’est renoncer à certaine idée du confort pour diminuer son empreinte sur la planète. Tout le reste suit. – Benjamin, p.229

Troupeau sans mémoire et sans avenir, à qui tout ce qu’il importe et de jouir. Suis-je le seul à ne plus supporter de voir tous ces abrutis chanter contre le cancer, danser contre le Sida, manger contre la faim, jouer au bowling pour la paix, lâcher des ballons contre les prises d’otage, hurler que l’amour doit être universel, alors que rien n’est plus violemment exclusif ? – p.313

Les cons. Ils voudraient tant être face à un ado attardé, un peu demeuré, asociale, à l’idéologie bancale… Ils m’ont. Anders Behring Breivik, impeccable dans ses costards, posé, intelligent, souriant. – p.159

Je suis un soldat. Je n’ai aucune émotion. Je ne ressens aucune douleur. La douleur et la peur sont nos entraves génétiques, qui nous empêchent de basculer dans l’eusocialité. – p.112

Quand on tue, on ne peut pas enfouir ça dans le fond de sa mémoire, en faire un simple souvenir. Les images que je viens d’enregistrer sont là, des éclats de mort figés dans ma rétine, obsédants, m’empêchant presque de voir. – p.38