Extrait

Se retenant aux bords du petit meuble, elle s’examina dans le miroir, s’efforçant de recouvrer son calme. Cette fois-ci ce serait différent. Elle s’était bien préparée, avait étudié en long, en large et en travers tous les aspects de l’interview. Bien décidée à marquer le coup, elle avait emprunté à Jeannie un petit haut de soie vaporeux qui laissait deviner son délicat soutien-gorge en dentelle, une minijupe qu’elle ne portait plus depuis son accident, ainsi que ses talons hauts préférés du temps où elle en portait encore. C’était une nouvelle approche, pas nécessairement la plus confortable, mais inspirée cependant de la façon dont les journalistes de son bureau s’habillaient — surtout celles spécialisées dans les interviews de célébrités. A la guerre comme à la guerre !

Elle passa une à une en revue les différentes étapes habituelles précédant l’interview sans se référer à ses notes, tout en s’appliquant du brillant à lèvres. Elle s’attacha les cheveux de façon à dégager son visage, vérifia une dernière fois les piles de son enregistreur vocal, un appareil haut de gamme qui ne l’avait jamais lâchée.

C’était un petit objet discret et très silencieux ; elle le placerait sur la table à côté de sa besace en espérant que Brody Jones oublierait sa présence et qu’il lui parlerait, juste un peu. Elle ne demandait pas grand-chose : une déclaration, une seule, du moment qu’elle était de qualité, puis elle pourrait retourner vers sa sœur et l’homme charmant, un non-skieur celui-là, qu’elle avait l’intention de lui présenter.

Elle jeta un coup d’œil à son téléphone portable. Encore trois minutes. Ensuite, elle le mettrait sur mode silencieux, inutile de risquer de braquer Brody par des interruptions intempestives. Elle avait appris par cœur les questions qu’elle lui destinait justement pour ne pas avoir à regarder son carnet, ce qui pourrait le déstabiliser. Ni carnet, ni stylo, rien qui puisse lui rappeler qu’il était interviewé.

L’idéal, ce serait qu’il se sente à l’aise avec elle comme s’il bavardait avec une amie une vingtaine de minutes, tout en sirotant un café.

Elle prit une petite gorgée de sa sempiternelle bouteille d’eau avant d’analyser les faiblesses majeures de son plan d’action.

La plus évidente, c’était son père. Pas question de laisser Brody apprendre qu’elle était la fille de MacArthur Jensen, d’après Jeannie ce serait la meilleure façon de le faire détaler comme un lapin. Pour autant, c’était plutôt rassurant : quiconque se méfiait de son père était d’office haut placé dans son estime.